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L'histoire du Cameroun
Le territoire du Cameroun a été habité dès la préhistoire. Les premiers habitants connus étaient des chasseurs-cueilleurs, notamment les Pygmées, encore présents dans certaines régions du sud du pays. À partir du premier millénaire avant notre ère, des vagues de migrations bantoues se produisent, venant de l'ouest et du centre de l'Afrique. Ces populations bantoues introduisent l'agriculture, l'élevage, la poterie et le travail du fer. Dès le premier millénaire, plusieurs royaumes et chefferies se développent dans différentes régions du Cameroun. Pendant cette période, les régions du Cameroun participent activement au commerce régional. Le nord du pays est intégré aux réseaux commerciaux transsahariens, tandis que l'ouest et le centre sont liés aux échanges avec d'autres régions de l'Afrique centrale et de l'ouest. Les produits échangés incluent le fer, le sel, le bétail, l'ivoire, et plus tard les esclaves.

Les premiers royaumes.
Les royaumes sao.
La région du nord du Cameroun, autour du bassin du lac Tchad, voit l'émergence de la civilisation sao (vers le VIe s. - XVIe s.). Les Sao sont réputés pour leur organisation complexe, leurs constructions en terre cuite, et leurs compétences dans la métallurgie du fer. Ils laissent une forte empreinte sur les cultures locales et sont considérés comme les ancêtres de plusieurs groupes ethniques tels que les Kotoko et les Kanuri. Leur civilisation finit par être absorbée par l'expansion de l'Empire du Kanem-Bornou au cours des siècles suivants.

Le royaume de Mandara.
Dans la région des monts Mandara, un royaume centralisé et islamisé se développe. Le royaume de Mandara (fondé au XVIe siècle) se distingue par ses fortifications, son système politique hiérarchisé et son rôle dans le commerce transsaharien, notamment l'échange d'esclaves, de sel et de produits agricoles. Il  est passé lui aussi sous le joug du Bornou au XVIe siècle et est redevenu  indépendant au XVIIIe siècle.

Les chefferies de l'ouest.
Dans les régions montagneuses de l'ouest du Cameroun, de nombreuses chefferies bantoues (chefferies bamiléké) se structurent autour de royaumes organisés, avec une forte hiérarchie et des traditions culturelles riches. Parmi les plus connus figurent les royaumes de Bafut, Bamoum, et d'autres populations bamiléké. Ces chefferies développent des systèmes de gouvernance centralisés avec des rois (fon) et des cours royales influentes.

L'arrivée des Peuls.
A partir du XVIIe siècle,  les Peuls, venus  du Nord se sont mêlés, d'abord pacifiquement,aux populations locales du Nord-Cameroun. Par la suite, l'éveil et le développement sans précédent du prosélytisme musulman qui a commencé à toucher toute la région sahélienne au début du XIXe siècle a bouleversé la donne. Sous l'impulsion du mystique soufiste Usman Dan Fodio (1754-1817), qui depuis Sokoto, puis du  pays Haoussa, a proclamé en 1804 la guerre sainte, les peuls s'emparent du pouvoir dans plusieurs des  pays qui les ont jusque là accueillis. 

Après le retrait de Fodio, en 1809, Adama, son successeur poursuit ses conquêtes. Il s'empare (avec difficulté) du vieux royaume du Mandara, Puis, à partir de 1822 , Adama accentue sa pression sur une grande partie du Nigéria et du Cameroun jusqu'au plateau de l'Adamaoua (anc. Foumbina), qui lui doit son nom. Ce sera une occasion du réveil des populations locales.
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Islamisation de l'Adamaoua.
Avance de l'Islam dans l'Adamaoua au début du XXe siècle. - D'après le Globus (1907, 2 p. 200), le grisé représente le domaine des anciennes religions naturalistes : le grisé recouvre les territoires acquis à l'Islam, principalement les fonds des vallées.
L'intensité du grisé suit la densité de population.

Les Tikar, les Bamileke et les Bamoum. Les Tikar seront plus ou moins soumis aux Peuls. Les Bamileke  se réfugient  sur la partie centrale du plateau camerounais où ils s'organisent en chefferies. Quant aux Bamoum, ils auront sans doute le destin le plus connu grâce au système d'écriture qui y est inventé à la fin du XIXe siècle. 

Le royaume de Bamoum.
Le royaume de Bamoum, dans l'actuelle région de Foumban (qui devint sa capitale), émerge au XVIIIe siècle sous le règne de Mfon Nshare Yen. Ce royaume devient l'un des plus puissants de la région grâce à son organisation militaire et administrative, ainsi qu'à son ouverture au commerce avec les régions voisines. Le Bamoum va constituer dès lors un rempart à l'avancée des Peuls qui menacent depuis le massif d'Adamaoua, mais devra renoncer, au moins partiellement, à son indépendance à l'installation des Allemands en 1902.

L'écriture du Bamoum -  Njoya, le 17e sultan de Bamoum, au pouvoir entre 1888 et 1923 a été l'inventeur d'un alphabet basé sur 502 idéogrammes (puis réduit à à 83 signes). Il a ensuite créé des écoles pour en assurer la diffusion, et s'est occupé de recueillir les traditions orales, les lois et les coutumes des siens pour les retranscrire dans son système d'écriture.
Les Européens au Cameroun.
Le Cameroun a peut-être été atteint vers le Ve siècle avant notre ère par les Carthaginois. Le Périple de Hannon fait allusion à une montagne appelée le Char des Dieux, et qui pourrait en effet être le Mont Cameroun. Quoi qu'il en soit, le territoire de Cameroun fut connu des Européens vers la fin du XVIe siècle après le voyage de découverte qu'y fit Fernando Po (1472). Celui-ci nomma ce pays Camarão ( = crevette, en portugais) ou Rio dos Camarões ( = Rivière des Crevettes), en raison de l'extraordinaire abondance de crevettes qu'on rencontre dans le fleuve Wouri. 

Dès l'année 1700, on y trouve établies plusieurs comptoirs commerciaux sur la côte, où ils échangent avec les populations locales, notamment des esclaves, de l'or, du poivre et de l'ivoire. Cependant, ils ne s'installent pas durablement à l'intérieur des terres.  Nicall explora la contrée en 1833. Quatre ans plus tard, Billeh, roi de Bembia, céda à l'Angleterre le territoire de Victoria (région du Mont Cameroun)  et obtint en échange d'être reconnu roi du pays. En 1848, Beecroft étudia la région et quelques conventions nationales eurent lieu en 1856. Dix ans après, Gustave Mann de Brunswick explora en partie le Cameroun, et la même année (1860), la maison Woermann de Hambourg y établit la première factorerie allemande. Burton réussit la première ascension du Mont Cameroun (Mongo-ma-Loba, 4191 m) en 1861, après une tentative manquée de Merrick.

Alors que le fleuve Cameroun n'a jamais encore été remonté par un Européen au-delà de 80 km de son embouchure, en 1883, l'explorateur Rogozinski put remonter le cours du Mungo jusqu'à une distance de 230 km de son embouchure. Le 15 septembre de la même année, il découvrait une cascade de 60 à 80 m de hauteur au milieu d'un pays rempli d'innombrables troupeaux d'éléphants. Au 5° degré de latitude Nord, il découvrit de même un grand lac circulaire ayant 20 kilomètres de diamètre.

L'annexion allemande fut opérée par le Gustav Nachtigal, consul général d'Allemagne, le 15 juillet 1884, au milieu du plus profond secret, le traité avec les chefs locaux ayant été signé à minuit. Mais toute la population ne reconnut pas le traité; les partisans de l'influence anglaise résistèrent aux Allemands qui bombardèrent les villages révoltés. Depuis lors le pays fut divisé, les uns tenant pour les Anglais, dont la langue est la seule parlée avec les étrangers, les autres pour les Allemands. La situation était d'autant plus tendue que les Duallas (Douala)  monopolisaient les échanges avec les Européens, qu'il fallut avoir recours à leur entremise, qu'ils empêchèrent les approvisionnements et se montrèrent fort soucieux de leur monopole.

Le Cameroun iindépendant.
L'Allemagne s'est progressivement installée au Cameroun auquel elle donnait le statut officiel de protectorat. La situation se maintient telle jusqu'à la Première Guerre mondiale, et son expulsion par les troupes britanniques et françaises, en 1916. Trois ans plus tard, le Cameroun est placé sous mandat de la Société des Nations qui en confie l'administration d'une grande partie du pays à la France. Une autre partie revenant à la Grande-Bretagne. L'ONU reprendra ce mandat après sa création en 1946, et conservera la France et le Royaume-Uni pour l'administration. En 1958, un gouvernement d'autodétermination est créé dans la partie française, avec à sa tête Ahmadou Ahidjo. Ce dernier deviendra président du pays à l'indépendance du Cameroun en 1960, qui est s'agrandit en 1961 de la partie sous administration britannique (mais perd le Nord, rattaché au Nigéria).

Après des débuts pluralistes, le régime se durcit à la suite des mouvements insurrectionnels qui agitent le Cameroun dans les années qui suivent. En 1966, un régime de parti unique est instauré. En novembre 1982, Ahidjo démissionne de manière inattendue et transfère le pouvoir à son Premier ministre, Paul Biya. Ahidjo, d'origine peule et musulmane du nord du Cameroun, avait dirigé le pays d'une main de fer pendant 22 ans. Paul Biya, originaire du sud, est perçu comme une figure plus modérée. Toutefois, des tensions apparaissent rapidement entre les deux hommes.

En 1983, Paul Biya accuse Ahidjo de comploter contre son gouvernement, ce qui entraîne l'exil d'Ahidjo au Sénégal et une purge des partisans de l'ancien président. En 1984, une tentative de coup d'État orchestrée par des militaires fidèles à Ahidjo échoue. Biya en profite pour renforcer son contrôle sur le pouvoir et consolider son autorité.

Dans les années 1990, sous la pression de mouvements démocratiques internes et des bailleurs de fonds internationaux, le Cameroun adopte le multipartisme. En 1990, la loi autorisant les partis politiques est promulguée. Cette période voit la montée de l'opposition, notamment avec la création du Social Democratic Front (SDF), un parti dirigé par John Fru Ndi et basé dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest.

Les élections présidentielles de 1992, les premières véritablement multipartites, sont fortement contestées. Paul Biya est déclaré vainqueur, mais l'opposition accuse le régime de fraude massive. Ces accusations de manipulation électorale deviendront récurrentes dans les scrutins suivants, renforçant la perception d'un régime autoritaire malgré un cadre formellement démocratique.

Pendant les années 2000, Paul Biya consolide son emprise sur le pouvoir. En 2008, une révision de la Constitution est adoptée, supprimant la limitation des mandats présidentiels. Cette réforme permet à Biya de se représenter indéfiniment, ce qui suscite des protestations massives dans plusieurs villes du pays. La répression de ces manifestations est violente, faisant plusieurs dizaines de morts.

Malgré les critiques de l'opposition et de la communauté internationale, Paul Biya est réélu en 2011 avec plus de 75 % des voix, dans des élections entachées de nombreuses irrégularités.

Les tensions entre les régions anglophones (le nord-ouest et le sud-ouest) et le gouvernement central dominé par les francophones remontent à l'époque coloniale. Les régions anglophones, qui représentent environ 20 % de la population, se plaignent de marginalisation politique, économique et culturelle. En 2016, des avocats et des enseignants des régions anglophones organisent des manifestations pour protester contre l'imposition du français dans leurs systèmes judiciaires et éducatifs. Ces manifestations dégénèrent en un mouvement plus large de contestation, certains groupes appelant à l'autonomie ou à l'indépendance des régions anglophones sous le nom d'Ambazonie. La réponse du gouvernement est militarisée, entraînant un conflit qui dégénère en une guerre civile. Des groupes séparatistes armés émergent, menant des attaques contre les forces gouvernementales. Le conflit fait des milliers de morts et déplace des centaines de milliers de personnes. Les violations des droits humains sont signalées des deux côtés.

Depuis 2014, le Cameroun fait également face à la menace du groupe terroriste Boko Haram, actif dans la région de l'Extrême-Nord, frontalière du Nigeria. Boko Haram mène des attaques meurtrières contre des civils et des militaires camerounais. Le gouvernement mène des opérations militaires pour contenir la menace, avec le soutien de la communauté internationale. Le conflit a dévasté les régions concernées, aggravant la crise humanitaire.

En 2018, Paul Biya est réélu pour un septième mandat à l'âge de 85 ans. Les élections sont à nouveau marquées par des accusations de fraude et un boycott de l'opposition. Le régime continue de fonctionner sur un mode autoritaire, avec une répression systématique des opposants et des médias critiques.

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