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L'histoire de la Namibie

Période précoloniale

Les premières populations de la région étaient les chasseurs-cueilleurs San, aussi appelés Bushmen. Elles ont laissé des traces de leur présence remontant à des milliers d'années sous forme d'art rupestre dans des endroits comme Twyfelfontein.

L'arrivée des Herero et les Nama.
À partir du début de notre ère (200-500 après JC), des peuples bantous, comme les Herero et les Ovambo, ont commencé à migrer vers la région depuis le nord. Ces groupes apportèrent avec eux des techniques agricoles et pastorales, modifiant profondément le paysage social et économique de la région. Les Herero, par exemple, devinrent des éleveurs de bétail, une activité qui occupe une place centrale dans leur culture.

Un autre groupe important, les Nama, un peuple khoïkhoï, s'installa dans les régions plus arides du sud. Les Nama et les Herero entrèrent souvent en conflit pour des ressources, mais ils établissaient aussi parfois des relations commerciales.

L'arrivée des Européens.
Les côtes de la Namibie, connues pour leur nature hostile, furent explorées sporadiquement par des navigateurs portugais dès le XVe siècle, comme Diogo Cão et Bartolomeu Dias. Cependant, l'intérieur des terres resta largement inexploré par les Européens pendant plusieurs siècles, en raison de son climat aride et de l'absence de routes fluviales navigables.

Commerce et missionnaires.
Au XVIIIe siècle, les échanges commerciaux se développèrent dans la région, avec des marchands venant principalement du Cap (sous domination néerlandaise puis britannique). Ils échangeaient des armes, de l'alcool et d'autres marchandises contre du bétail et des peaux. Les missionnaires, notamment de la London Missionary Society et des sociétés allemandes, commencèrent à établir des missions parmi les Nama et les Herero au début du XIXe siècle, ce qui introduisit des influences chrétiennes et modifia les structures sociales.

Conflits interethniques et l'émergence de chefferies.
Les relations entre les groupes ethniques locaux devinrent de plus en plus conflictuelles avec l'introduction des armes à feu. Au milieu du XIXe siècle, la région fut marquée par des guerres entre les Nama et les Herero, exacerbées par la concurrence pour les ressources limitées. Les alliances se faisaient et se défaisaient, avec des chefs comme Jonker Afrikaner, un leader Nama, jouant un rôle déterminant en établissant un certain contrôle sur le centre de la Namibie.

Avant l'arrivée de la colonisation allemande.
À la fin du XIXe siècle, les puissances européennes commençaient à manifester un intérêt croissant pour l'Afrique australe. La côte namibienne, avec ses ports naturels comme celui de Lüderitz, attira l'attention de l'Allemagne, qui cherchait à établir des colonies. En 1883, un commerçant allemand, Adolf Lüderitz, acheta des terres auprès de chefs locaux près de l'actuelle ville de Lüderitz, marquant le début de l'implication allemande dans la région. En 1884, l'Allemagne déclara la Namibie (alors appelée Sud-Ouest africain allemand) comme sa colonie, amorçant une nouvelle ère dans l'histoire du pays.

Période coloniale

L'Allemagne voulait consolider son influence en Afrique, et la Namibie, bien que peu peuplée et en grande partie aride, offrait des ressources potentielles comme des gisements de diamants et du bétail.

Les terres furent expropriées pour les colons allemands, tandis que les populations autochtones, principalement les Herero et les Nama, furent marginalisées. Leurs terres furent prises de force, leur bétail confisqué, et les conditions de travail imposées étaient souvent inhumaines. Les tensions grandirent alors entre les colons et les populations locales. Ces tensions culminèrent dans une révolte majeure en 1904, connue sous le nom de guerres des Herero et des Nama (1904-1908), auxquelles les Allemands répondirent en perpétrant contre ces populations l'un des premiers génocides du XXe siècle.

Le génocide des Herero et des Nama.
Le génocide des Herero et des Nama s'est déroulé entre 1904 et 1908. Ce génocide a été orchestré par l'Allemagne coloniale sous la direction du général Lothar von Trotha.

La révolte des Herero (1904).
En janvier 1904, les Herero, dirigés par leur chef Samuel Maharero, se soulevèrent contre les Allemands pour protester contre les expropriations et les mauvais traitements. Les insurgés attaquèrent des fermes allemandes, tuant environ 100 colons. En réponse, l'Allemagne envoya des renforts, et le général Lothar von Trotha fut nommé pour réprimer la révolte.

Le plan d'extermination.
Von Trotha adopta une approche impitoyable pour réprimer les Herero. Après la défaite des forces herero à la bataille de Waterberg en août 1904, von Trotha émit un ordre d'extermination (Vernichtungsbefehl). Cet ordre décrétait que tous les Herero, hommes, femmes et enfants, seraient tués s'ils ne quittaient pas le territoire allemand. Les Herero, repoussés vers le désert du Kalahari, furent privés d'accès à l'eau et aux ressources vitales. Ceux qui tentaient de revenir étaient abattus sur place.

La révolte des Nama.
Après la défaite des Herero, les Nama, sous la direction de leaders comme Hendrik Witbooi et Jakob Marengo, prirent les armes à leur tour contre les Allemands. Ils furent également réprimés brutalement. Comme pour les Herero, les Nama furent déportés dans des camps de concentration où beaucoup périrent.

Les camps de concentration et les conditions inhumaines.
Les survivants herero et nama furent internés dans des camps de concentration, notamment à Shark Island, où ils furent soumis à des travaux forcés, à la famine, à la maladie et aux mauvais traitements. Les conditions de vie dans ces camps étaient horribles, et des milliers de personnes moururent. Les prisonniers étaient également utilisés pour des expériences pseudo-scientifiques (tests racistes) menés par des anthropologues allemands.

Conséquences du génocide.
Le génocide des Herero et des Nama fit entre 65 000 et 80 000 morts parmi les Herero (soit environ 80 % de leur population) et environ 10 000 morts parmi les Nama (soit 50 % de leur population). Le territoire des Herero et des Nama fut entièrement confisqué et redistribué aux colons allemands, et les survivants furent marginalisés et réduits à l'état de main-d'oeuvre servile.

Pendant de nombreuses années, l'Allemagne refusa de reconnaître officiellement ces événements comme un génocide. Ce n'est qu'au XXIe siècle que des discussions s'engagèrent autour de cette reconnaissance. En 2004, à l'occasion du 100e anniversaire du génocide, l'Allemagne présenta ses excuses, mais sans offrir de réparations concrètes.

En 2021, l'Allemagne reconnut officiellement le génocide des Herero et des Nama et s'engagea à verser 1,1 milliard d'euros d'aide au développement à la Namibie sur 30 ans, en guise de compensation. Cependant, cette offre a été critiquée par les descendants des victimes, qui considèrent que ces fonds ne sont pas suffisants et ne sont pas des réparations directes.

Le génocide des Herero et des Nama a laissé des cicatrices profondes en Namibie. Il s'agit d'un exemple brutal de la violence coloniale qui continue de résonner aujourd'hui dans les débats sur la mémoire, la justice et les réparations. Cette tragédie a également contribué à alimenter les discussions sur le rôle de l'Allemagne dans les atrocités coloniales, bien avant celles commises pendant la Seconde Guerre mondiale.

Développement colonial
L'Allemagne construisit des infrastructures, comme des chemins de fer et des villes telles que Windhoek et Swakopmund. Cependant, la population autochtone subit de lourdes discriminations, et le pouvoir économique et politique resta concentré entre les mains des colons.

Occupation sud-africaine et mandat de la SDN.
Pendant la Première Guerre mondiale, l'Afrique du Sud, alors dominée par les Britanniques, envahit la Namibie en 1915 et chassa les Allemands. Après la guerre, la Société des Nations (SDN) confia à l'Afrique du Sud un mandat pour administrer le territoire, qui devait être géré au bénéfice de la population locale. En pratique, l'Afrique du Sud appliqua ses propres lois ségrégationnistes, introduisant un système d'apartheid.

Administration sud-africaine et apartheid.
Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque la Société des Nations fut dissoute, l'Afrique du Sud chercha à annexer le territoire comme une province. L'Organisation des Nations unies (ONU), qui succéda à la SDN, rejeta cette tentative et demanda à l'Afrique du Sud de préparer la Namibie à l'indépendance, ce que Pretoria refusa. L'Afrique du Sud continua d'appliquer des politiques d'apartheid en Namibie, avec des lois qui réservaient les meilleures terres aux Blancs et séparaient les populations en fonction de la couleur de leur peau.

Naissance du mouvement de libération.
Dans les années 1950 et 1960, la résistance contre l'occupation sud-africaine s'intensifia. En 1960, le SWAPO (South West Africa People’s Organization) fut fondé par Sam Nujoma, visant à obtenir l'indépendance de la Namibie. Le SWAPO, soutenu par divers pays africains et l'Union soviétique, commença une lutte armée en 1966, marquant le début de la guerre de libération.

En 1971, la Cour internationale de justice déclara l'administration sud-africaine illégale, mais l'Afrique du Sud refusa de céder. Pendant ce temps, la guerre d'indépendance fit rage, avec le SWAPO menant des opérations de guérilla depuis l'Angola voisin, soutenu par le bloc soviétique et d'autres pays africains.

La marche vers l'indépendance.
Dans les années 1980, la situation internationale changea avec la guerre froide, et les pressions diplomatiques pour une solution pacifique augmentèrent. L'ONU adopta en 1978 la résolution 435, qui proposait un plan pour l'indépendance de la Namibie sous supervision internationale.

En 1988, des accords furent signés entre l'Afrique du Sud, Cuba (qui soutenait les forces angolaises pro-SWAPO) et les États-Unis pour un cessez-le-feu et la mise en œuvre de la résolution 435. Cela aboutit au retrait sud-africain et à la tenue d'élections supervisées par l'ONU en 1989.

Le 21 mars 1990, la Namibie accéda à l'indépendance, avec Sam Nujoma élu premier président. Ce jour marqua la fin d'un long et douloureux chapitre de colonisation et de guerre.

La Namibie depuis 1990

Les premières réformes.
Les premières années post-indépendance furent consacrées à la construction d'une nation unifiée. Une constitution démocratique, garantissant les droits fondamentaux, fut adoptée, et la Namibie établit un système multipartite. Le gouvernement de Nujoma se concentra sur la réconciliation nationale, l'intégration des anciens combattants dans la société, et la reconstruction économique.

La réforme agraire, bien que modérée par rapport à celle de pays comme le Zimbabwe, devint une priorité pour corriger les inégalités historiques concernant la propriété des terres. Cependant, les redistributions se firent principalement sur la base du volontariat, ce qui ralentit le processus.

La consolidation démocratique et économique.
En 2000, Sam Nujoma obtint un troisième mandat après une modification constitutionnelle, suscitant des critiques sur la concentration du pouvoir. En 2004, Nujoma se retira finalement, et Hifikepunye Pohamba, également du SWAPO, lui succéda à la présidence.

Pendant cette période, la Namibie dut faire face à des défis économiques, tels que la pauvreté persistante, les inégalités et un taux élevé de chômage, malgré des ressources naturelles importantes comme les diamants et l'uranium. L'épidémie de VIH/sida était également une crise majeure, affectant une large portion de la population.

En dépit de ces défis, la Namibie parvint à maintenir une croissance économique modérée, notamment grâce à ses exportations de minéraux. Le pays bénéficia aussi de la stabilité politique, attirant des investissements étrangers.

Renforcement des institutions démocratiques et continuité politique.
En 2010, Hifikepunye Pohamba entama son deuxième mandat. Son leadership se caractérisa par une approche plus technocratique, axée sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. En 2015, il reçut le prix Mo Ibrahim pour la gouvernance en Afrique, récompensant ses efforts pour maintenir la stabilité démocratique.

La même année, Hage Geingob, également du SWAPO, devint président. Son gouvernement poursuivit les priorités de développement, mettant l'accent sur la réduction de la pauvreté à travers des programmes tels que le Harambee Prosperity Plan qui visait à accélérer la croissance économique et l'inclusion sociale.

Cependant, la Namibie continua de faire face à des défis économiques, exacerbés par la chute des prix des matières premières et la sécheresse. Le chômage, en particulier chez les jeunes, restait élevé. Le mécontentement face aux inégalités persistantes grandit, suscitant des critiques envers le SWAPO, accusé de népotisme et de mauvaise gestion.

La Namibie aujourd'hui.
En 2020, Hage Geingob fut réélu pour un second mandat, mais avec un soutien électoral réduit, illustrant la montée des frustrations sociales. Le SWAPO, bien qu'il reste dominant, a commencé à perdre du terrain, notamment dans les zones urbaines.
La crise économique et la lutte contre la corruption

La période récente a été marquée par des difficultés économiques accrues, en partie en raison de la pandémie de covid-19. L'économie namibienne a souffert d'une récession prolongée, aggravée par des scandales de corruption, notamment le scandale Fishrot, impliquant des hauts responsables du SWAPO dans une affaire de détournement de fonds liés à l'industrie de la pêche.

Ces événements ont poussé le gouvernement à renforcer ses mesures anti-corruption et à s'engager à améliorer la transparence dans la gestion des ressources naturelles.

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