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Le Moyen Âge
La grande criminalité
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Aspects de la criminalité médiévale

Les ribauds. 
Rien ne montre sans doute mieux la confusion des genres qui régnait au Moyen âge que le terme de ribaud, avec sa signification fluctuante. On a très probablement exagéré parfois les pouvoirs de ce personnage mal défini qui prenait le titre de sergent d'armes du roi : il aurait eu droit de vie et de mort sur ceux qui causaient des troubles, percevait les amendes qu'il infligeait, avait aussi sa part dans le butin rapporté par les ribauds et s'attribuait même un droit sur les prisonniers de guerre, mais il prélevait certainement, en tout cas, des redevances sur les maisons de jeu, les tavernes et les filles publiques et avait, comme chargé de l'exécution des criminels, les vêtements des exécutés. 

Dès le XIIIe siècle, le sens le plus défavorable s'attache au mot ribaud, et les ordonnances de saint Louis (Louis IX) traitent de ribaudes les filles de joie. Le nom de ribaud était alors souvent donné aux trouvères et on l'appliquait aussi aux portefaix. On en arriva à désigner ainsi les vagabonds excommuniés et à confondre avec eux les truands. Des clercs même étaient appelés clercs-ribauds. Nu comme un ribaud devint un proverbe. Quant au roi des ribauds, ce n'était plus, au XIVe siècle tout au moins, qu'un officier inférieur de la maison du roi, ayant certaines fonctions de police. Il est invraisemblable qu'il ait eu, à proprement parler, des pouvoirs judiciaires; de même qu'on ne doit pas l'identifier avec le prévôt de l'hôtel, on ne peut non plus prétendre que les prévôts des maréchaux aient hérité d'une partie de ses attributions. Mais il paraît que ce fut la « dame des filles de joie suivant la cour » qui lui succéda dans la charge qu'il aurait eue d'héberger les filles publiques.

Le dernier roi des ribauds date vraisemblablement du temps de Louis XII. A la décadence progressive de cet office correspond une diminution dans les gages qu'il comportait; de 20 sous par jour en 1324, ils ne sont plus que de 4 sous en 1386. Il avait au-dessous de lui un lieutenant dit prévôt avec un certain nombre d'archers ou de sergents et de valets. Quelques-unes de ses attributions sont peu certaines aussi, en tant qu'elles auraient appartenu à l'officier de la maison du roi. et non à tel ou tel des autres rois de ribauds, car il y en eut dans des villes ou des maisons princières. et l'on a même dit qu'ils relevaient de l'officier royal : ainsi le droit de percevoir 5 sous d'or de toute femme adultère, celui de faire faire son lit par les filles de cour pendant le mois de mai. L'étude de ces attributions est liée à l'histoire de la prostitution, et ce fait que le bourreau de Toulouse s'intitulait roi des ribauds suffit à prouver que le mot ribaud était discrédité de plus en plus. 
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Les truands.
On appelait de ce nom, au Moyen âge, des vagabonds qui vivaient surtout de la mendicité. On le trouve dès le XIIe siècle, étant données les moeurs des truands, truander signifiait mendier, mais aussi faire des friponneries. Truandaille désignait l'espèce des truands, truanderie, leur genre de vie ou bien quelque tromperie faite par eux. Truand, qu'on rencontre aussi sous la forme trutain (trutanus), a été, employé comme adjectif avec le sens de misérable, quelquefois de paresseux et même de puant, et en vint à vouloir dire menteur. Ce mot a vraisemblablement pour origine un mot celtique ayant la même acception. Les autres étymologies qu'on en a données (notamment celle de treu pour tribut) sont fantaisistes. Parmi les textes nombreux où il figure, on peut citer ces vers d'Eustache Deschamps :

Je ne fusse pas bons truans,
Je ne sçai deux fois demander,
et
Un mal vestu est appelté truant.
Un concile de 1227, tenu à Trèves, prescrit aux curés de ne pas permettre que les truands et autres vagabonds chantent à la messe, et une ordonnance du roi Jean, de 1351, enjoint à tous « gens oiseux ou joueurs de dés ou enchanteurs ès rues ou truandants ou mendiants » de travailler ou de sortir de Paris ainsi que des villes des environs dans les trois jours, s'ils sont valides. Mais, somme toute, on manque d'autres renseignements sur eux, et ce qu'on en dit, c'est seulement en réalité ce qu'on sait de ces classes qu'on ne voit apparaître d'une façon nette qu'au commencement du XVe siècle.

Il est permis de décrire sous le mot truand l'organisation des gueux telle qu'elle semble avoir existé à la fin du Moyen âge et au début des temps modernes. On nommait gueux ces bandes de misérables qui comprenaient, en même temps que des criminels échappés, des ouvriers en rupture, des gens de métiers aventureux et des déclassés. Au point de vue de leur organisation, ils se subdivisaient en tribus : les soldats (beroards, gaudins, feuillards, drilles, narquins ou narquois, francs-taupins, etc.), les merciers, mercerots, mercelots, colporteurs en quelque sorte de contrebande ou marchands ambulants, les mendiants, les Bohémiens ou Egyptiens, les voleurs proprement dits. Au XVIe siècle, la confrérie, formée par une grande partie de gueux, comportait une hiérarchie régulière, tout au moins parmi les mercelots, au nombre desquels a compté Villon. On était d'abord pechon ou apprenti, puis blesche, puis coesme, coesmelotier ou coesmelotier huré, degrés qui correspondaient à ceux de la corporation de la mercerie prise pour modèle. Les deux ordres supérieurs, propres aux gueux, étaient celui des cagous, chefs de province chargés de la police et de l'instruction des novices, celui des archisuppôts, sans pouvoir effectif, et qui composaient le collège des prêtres et des savants de la confrérie, avec, au sommet, un roi ordinairement appelé le grand Coesre. Montaigne dit bien que de son temps les gueux avaient « leurs dignités et ordres politiques » (Essais, 1. XIII, ch. XIII). 

Les soldats mercenaires qu'on peut englober sous la dénomination de routiers n'étant pas à assimiler aux gueux, encore moins aux véritables truands, mendiants, au besoin malfaiteurs, ce sont ceux-là seulement qui étaient débandés qui semblent avoir formé, quelque temps en tout cas, une classe de la monarchie du grand Coesre. Sans doute, à proprement parler, les Bohémiens, qui apparaissent dans le premier tiers du XVe siècle, étaient également distincts des gueux, mais ils avaient avec eux des rapports habituels, et c'est peut-être à leur exemple que les gueux voulurent avoir un roi et des officiers. Quant aux voleurs de profession, ils n'entrèrent dans cette corporation ou confrérie qu'au commencement du XVIIe siècle, et encore les brigands de grand chemin en furent-ils toujours exclus. 

Sous Henri IV, les voleurs tenaient leurs assises à Paris, au Port-au-Foin, près de la place de Grève, et les officiers qu'ils avaient élus prononçaient contre les délinquants la peine de l'amende, du fouet ou même de la mort. II faut rappeler aussi que les francs-bourgeois, logés gratuitement à Paris, grâce à la libéralité d'un particulier et avec exemption d'impôts, dans la rue qui a pris leur nom, n'étaient que des truands. Au XVIIe siècle, parlant de son époque, Sauval distingue parmi les truands les argotiers ou gueux, les coupeurs de bourse et les voleurs de nuit et de grand chemin. Ce sont des argotiers, pauvres fréquentant les foires et marchés; ils composent le « royaume argotique », et c'est du langage particulier dont ils font usage qu'ils tirent leur nom. En France, ils reconnaissent alors pour roi le grand Coësre, aussi appelé quelquefois Césaire. La parenté de ce mot et du mot César est évidente. Le grand Coësre ou roi de Thune, leur chef élu,  dont dépendaient les cagous de province, qui étaient en quelque sorte ses baillis, traîné dans une charrette attelée de chiens, tenait sa Cour des miracles dans le cul-de-sac Saint-Sauveur, la rue des Francs-Bourgeois, près du couvent des Filles-Dieu, ou dans les rues de la Grande et de la Petite Truanderie. Ses sujets lui rendaient hommage et lui payaient une redevance. Le grand Coësre devenait le véritable maître de Paris après huit heures du soir, quand le bourdon de Notre-Dame avait sonné le couvre-feu.

Pour être officier de ce royaume d'Argot, il fallait avoir un magasin de masques, de haillons, de bandages. S'ils ne vivaient pas comme les argotiers sous des règlements, les coupeurs de bourse, à la différence des voleurs, se conformaient au moins à quelques coutumes, et, pour obtenir ce titre, il fallait avoir fait deux chefs-d'oeuvre en présence des maîtres, avoir subi de pénibles épreuves. Les corps des coupeurs de bourse était subdivisé en compagnies dont les membres n'opéraient jamais seuls et que commandaient des capitaines. Les compagnons qui suivaient servaient de recéleurs; ils évitaient aussi de se trouver trop nombreux et avaient des signes de convention pour se renseigner sur le nombre qu'ils devaient être en telle occasion. C'est la création de l'hôpital général, en 1656, qui amena la disparition de toute cette organisation des truands. Encore faut-il ajouter que le grand Coësre paraît avoir simplement transporté la tenue annuelle de ses Etats à Sainte-Anne-d'Auray dans un pré dit le Pré des gueux et que le royaume des argotiers dont s'étaient retirés les voleurs n'en subsista pas moins, sous le nom de Cour des Miracles
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La Cour des miracles

On désignait jadis sous le nom de Cour des Miracles les quartiers de Paris exclusivement habités par les innombrables mendiants qui y rentraient, le soir venu, faire disparaître comme par miracle les infirmités ou les plaies qu'ils avaient exposées pendant la journée à la charité des passants. 

La plus fréquentée parmi les cours des miracles formait un vaste enclos circonscrit par les rues actuelles d'Aboukir, des Petits-Carreaux, qui lui servait d'accès, Saint-Sauveur et Saint-Denis. Son existence se prolongera bien au-delà du Moyen âge. Et, bien que détruite en 1667 sur ordre du lieutenant de police La Reynie, cette cour des Miracles se reconstitua, car elle figure sur les plans du premier tiers du XVIIIe siècle. Elle était alors réduite à son "coeur historique", l'espace circonscrit par les rues des Forges et de Damiette.

On ne retrouve évidemment plus aujourd'hui l'aspect si pittoresque et si hideux à la fois de la Cour des miracles d'autrefois dans le quartier dont nous venons d'indiquer les limites, mais au début du XXe siècle, une cour, située dans la rue de Damiette, portait encore administrativement le nom de Cour des miracles. Un immeuble moderne en occupe aujourd'hui l'emplacement : il a conservé une cour intérieure...

La prostitution et le proxénétisme.
La plus ancienne législation médiévale remonte à Charlemagne. Comme celles qui suivront, elle est inspirée par l'idée directrice qui était déjà à Rome, celle de Justinien : réprimer les excès de la prostitution, mais la tolérer parce que sa suppression pourrait causer de plus graves inconvénients que son maintien. C'est en 800, Charlemagne ordonne que les femmes de mauvaise vie seront punies de la flagellation et que le propriétaire de la maison qui aura donné asile à une prostituée sera condamné à porter cette femme à son cou depuis sa maison jusqu'à la place du marché public. Louis IX fit une guerre active à la prostitution : les femmes publiques devront être chassées, des villes et de la campagne, leurs biens seront confisqués, ceux qui leur auront loué sciemment leurs maisons les perdront (ordon. de 1254); les ribaudes, les folles femmes seront mises hors des églises et cimetières (ordon. de 1256). Seulement, les ribaudes ainsi poursuivies prirent des allures de modestie et feignirent à tel point les dehors des honnêtes femmes qu'on dut défendre celles-ci contre les méprises et scandales que cette confusion produisit... 

Les prostituées durent se confiner dans les « bordeaux » (du nom de ces maisons où l'on confinait les lépreux) ; le prévôt de Paris (1360) leur défendit de porter les mêmes ornements de corsage et les mêmes manteaux que les femmes honnêtes; une autre ordonnance (18 septembre 1367) indiqua comme bordeaux tolérés les lieux publics de l'Abreuvoir-Macon, de la Boucherie, de la rue du Froidmantel, du clos Bruneau, de la cour Robert de Paris, de la rue Chapon, etc. Les proxénètes furent vigoureusement poursuivis : il fut interdit

« à toutes personnes de l'un et de l'autre sexe de s'entremettre, de livrer ou administrer femmes pour faire péché de leur corps, à peine d'être tournées au pilori, marquées d'un fer chaud et chassées hors la ville »
En province on était parfois encore plus sévère qu'à Paris. Ainsi à Toulouse (1369) les filles de joie étaient forcées de porter une marque sur leurs habits. Mais toutes les réglementations du monde ne sont jamais si exactement calculées qu'elles ne fournissent des échappatoires. L'abondance même des documents émanés de la prévôté de Paris le prouve jusqu'à l'évidence. Le Parlement dut s'en mêler sans plus de succès. En 1420, il défendit aux filles et femmes de mauvaise vie de porter des robes à collets renversés et à queues traînantes, ni aucune fourrure de quelque valeur que ce soit, des ceintures dorées, des couvre-chefs, des boutonnières au chaperon, sous peine de confiscation, d'amende et de prison; arrêté renouvelé en 1426 et complété cette fois par cette explication :

« Attendu que ce sont les ornements que portent les damoiselles ».

A la Renaissance, on fera davantage. Un édit de 1560 abolira totalement les mauvais lieux. Mais il n'eut d'autre conséquence que la dissémination des prostituées dans une multitudes de maisons privées, clandestines, et sources de notables profits pour leurs propriétaires. (A. Lecler / A. Coville / E. Cosneau / M. Barroux / F. B.)..

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