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Le Monothélisme
ou Monothélitisme (de monos = seul, et thelô
= je veux) est une doctrine qui appartient à l'histoire du christianisme
et qui, tout en reconnaissant deux natures en Jésus-Christ, n'admet
en lui qu'une seule volonté. Les sectateurs de cette doctrine sont
appelés monothélètes ou monothélites
parfois maronites; leurs adversaires, dyothélètes
ou dyethéliles.
Le monothélisme, qui occasionna
tant de troubles dans l'Eglise et dans l'Empire
byzantin, avait en originairement pour objet d'y rétablir la
paix, en réconciliant les monophysites
avec l'orthodoxie officiellement formulée par la définition
du concile de Chalcédoine sur
les deux natures en Jésus-Christ. Dans
la guerre qu'il soutint contre les Perses, Héraclius
avait constaté que les dissensions théologiques et les divisions
ecclésiastiques étaient une cause fort alarmante de faiblesse
pour l'Empire. Il devait chercher les moyens d'y mettre fin. Pendant son
séjour en Arménie et en Syrie
(622), des monophysites lui avaient déclaré que ce qui leur
répugnait le plus dans la doctrine des deux natures, c'est qu'il
en résulte deux sortes de volonté dans le Christ,
une volonté divine et une volonté humaine; et qu'on ne peut
pas admettre deux sortes de volonté, sans admettre deux personnes.
La question de savoir s'il y avait en Jésus-Christ une ou deux volontés
ne paraît pas avoir été formellement agitée
jusqu'alors; dans tous les cas, elle était restée indécise.
L'empereur, que ses contemporains représentent comme versé
dans la théologie, prit cette question en sérieuse considération,
et il consulta Sergius, patriarche de Constantinople.
Celui-ci trouva chez plusieurs docteurs, dont l'orthodoxie était
incontestée, divers passages favorables à une seule volonté.
En effet, Cyrille d'Alexandrie avait attribué
au Christ un seul principe d'activité, une seule énergie.
Mennas de Constantinople avait ajouté à l'unité de
l'énergie l'unité de sa manifestation, la volonté.
En conséquence, l'empereur se prononça pour cette doctrine,
dans laquelle il croyait avoir trouvé le moyen de réconcilier
les orthodoxes et les monophysites. Il promut au siège d'Antioche
Anastase d'Hiérapolis et au siège d'Alexandrie Cyrus
de Phasis en Colchique, deux des principaux chefs des monophysites, qu'il
savait dévoués à ses desseins (630).
En Egypte,
où le danger de l'invasion des Musulmans
était imminent, Cyrus assembla un concile auquel il proposa un projet
d'union en neuf articles, dont le septième déclarait qu'
« un seul et même Christ avait accompli ses actions divines
et humaines, par une opération théandrique de sa volonté
», expression empruntée aux écrits du pseudo-Denis
l'Aréopagite, récemment parus, mais vénérés
par les deux partis. Ces articles furent admis, malgré les objurgations
de Sophronius, moine palestinien, qui se trouvait alors à Alexandrie,
et acceptés par les sévériens, qui formaient la majorité
parmi les monophysites d'Egypte (633). Mais Sophronius organisa dès
lors une ardente résistance contre le monothélisme. Il fut
élu patriarche de Jérusalem
vers 634. Alors Sergius adressa au pape Honorius
une lettre exposant les faits, et sollicitant son assistance pour le maintien
de la paix (Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio,
XI, 530). Le pape approuva le projet et la conduite du patriarche de Constantinople
et de l'empereur. De cette lettre et d'une autre qu'il adressa plus tard
à Sergius (Mansi, XI, 579-82) et qui fut pareillement condamnée
à être brûlée par le concile
de Constantinople, il résulte que, tout en considérant comme
périlleuses les discussions sur la volonté de Jésus-Christ,
Honorius affirmait l'unité de cette volonté, mais il refusait
de se prononcer sur le nombre des énergies ou opérations
de la volonté, parce que admettre une énergie unique conduit
à l'eutychianisme (Eutychès),
et qu'en admettre deux conduit au nestorianisme; il s'arrêtait à
l'idée vague d'une énergie s'exerçant de diverses
manières. Un synode réuni à Jérusalem par Sophronius,
condamna le monothélisme et déclara hérétique
la doctrine de l'évêque de Rome.
Sophronius publia cette décision dans une lettre synodale. Son principal
argument était que la doctrine d'une seule volonté détruisait
l'intégralité de la nature humaine en Jésus-Christ,
et qu'elle aboutissait à l'apollinarisme. En 637, la Palestine
fut prise par les Arabes. On dit que Sophronius en mourut de douleur peu
de temps après.
L'année suivante (638), Héraclius
publia, sous forme d'édit, l'Ekthesis (Mansi, X, 991), exposition
rédigée vraisemblablement par Sergius. Cet édit, qui
faisait du monothélisme la doctrine officielle de l'empire, insistait
sur l'unité de la personne du Christ; il ramenait tous les actes
accomplis par elle (énergies) à ce seul Christ, et
il défendait d'enseigner deux sortes d'actions. Il affirmait en
même temps qu'il n'y avait dans le Christ qu'une seule volonté.
Comme il repoussait toute espèce de dualité, il ne pouvait
apaiser le parti dyothélite qui, depuis la mort d'Honorius (638),
avait son siège principal à Rome.
Sergius était aussi mort en 638.
Héraclius et Cyrus moururent en 641.
En 646, un concile africain condamna le monothélisme; la même
année, le pape Théodore excommunia
le patriarche de Constantinople, Paul, qui avait adhéré à
l'Ekthésis. En 648, Constant II,
successeur d'Héraclius, révoqua cet édit et le remplaça
par un autre appelé Le Type (type ou modèle de la
foi), ordonnant de garder le silence sur la question controversée
et de ne plus enseigner le monothélisme ni la doctrine contraire.
Loin de produire l'apaisement espéré, cet édit ne
fit que fournir une nouvelle excitation et des armes nouvelles à
l'opposition dyothélite. Les chefs de cette opposition étaient
alors le pape Martin Ier
et le moine Maxime. A la page consacrée à Martin Ier,
on trouvera le détail de ce qui se fit alors à Rome, ainsi
que de la cruelle répression qui fut infligée à Martin
et à Maxime (633). La terreur qui en résulta eut pour effet
d'imposer le silence aux adversaires de l'édit, et même de
réconcilier en appa rence les deux Eglises. Les successeurs immédiats
de Martin s'abstinrent d'attaquer le Type, et on s'abstint de leur
demander de s'y soumettre. Les noms de Vitalien et d'Adéodat (657-676)
furent inscrits sur les diptyques de Constantinople, honneur qui n'avait
plus été accordé aux évêques de Rome
depuis Honorius.
Les provinces où les monophysites
étaient les plus nombreux, l'Arménie, la Syrie et l'Egypte,
ayant été conquises par les Musulmans, il était devenu
impolitique de chercher à se les attacher par une concession que
la plupart des autres chrétiens de l'Empire considéraient
comme une hérésie. Constantin
Pogonat (668-685) résolut de donner satisfaction au sentiment
catholique. Pour cela, il convoqua un concile (le VIe
concile oecuménique). Le concile reconnut dans le Verbe incarné
et proclama deux volontés naturelles et deux énergies ou
opérations distinctes, quoique inséparables; exemptes de
conflit, parce que la volonté humaine
est toujours soumise à la volonté
divine. Il semble difficile de concilier
cette dualité des natures avec l'unité de personne si hautement
affirmée d'autre part. Car à moins de posséder le
genre d'intelligence spécial aux théologiens, il est impossible
d'admettre que deux natures d'essences complètement
différentes, et dont chacune est douée de sa volonté
propre, de son activité propre et de sa pensée
propre, puisque la volonté et l'activité supposent nécessairement
la pensée, ne forment point réellement deux personnes; impossible
pareillement de concevoir leur union autrement que comme la conjonction
qui réunissait les deux frères siamois. Le développement
de la théologie orthodoxe sur la personne de Jésus-Christ
semble avoir abouti à nier solennellement dans ses conclusions les
conséquences de ses prémisses.
En 711, Philippique Bardanès entreprit
de restaurer le monothélisme. Il rétablit sur les diptyques
les noms d'Honorius, de Sergius et de tous ceux que le concile de Constantinople
avait condamnés. Il remplaça le patriarche catholique par
un monothélite. Un concile convoqué par lui approuva ces
mesures avec la servilité accoutumée. Le pape Constantin
ler, soutenu par le peuple de Rome, résista;
il déclara l'empereur hérétique et fit retirer ses
portraits des églises et son nom des diptyques. Philippique Bardanès
fut détrôné en 713.
Après lui, le parti monothélite
ne fut plus représenté que par les Maronites
du Liban, qui s'unirent à l'Eglise
romaine en 1182. (E.-H. Vollet). |
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