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L'Oural
Le nom d'Oural (Uraly) donné à la longue chaîne de montagnes dont ont fait habituellement la limite de l'Europe et de l'Asie dérive selon certains auteurs du mot ostiak urr, qui signifie chaîne de montagnes, et selon d'autres du turc aral-tau ou ural-tau, terme générique pour désigner les grandes chaînes montagneuses. Autrefois les Russes appelait cette chaîne « Ceinture de roche » (Kammenyi Poïas), ou même simplement la « Ceinture » (Poïas). Les Grecs anciens, sous le nom de monts Riphées, parlaient de montagnes qu'ils plaçaient vaguement dans des parages septentrionaux, et qu'ils éloignaient de plus en plus à mesure qu'ils acquéraient des connaissances plus étendues. Ces monts, qui paraissent se confondre avec ces autres monts, qu'ils appelaient Hyperboréens, étaient représentés comme très froids et couverts de neige. Mais leur localisation n'a jamais été définitive. Ils ont ainsi correspondu successivement au Tchardagh, aux Balkans aux Carpates, et enfin à l'Oural.
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L'Oural.
Paysage de l'Oural.
Photo : Sergueï Prokoudine-Gorski, ca. 1910.

La chaîne, sur la bordure Est de la plate-forme russe, aligne du Nord au Sud, sur près de 26° en latitude, ses rides parallèles. Prenant pour base méridionale le plateau aralo-caspien d'Oust-Ourt, elle a pour terme final, dans le Nord, les petites collines rocheuses qui s'abaissent au pied du piton de la « Roche de Constantin » (Konstantinov-Kamen), 455 m, vers la mer de Kara. 

Sa largeur, sans être jamais forte, est soumise à de grandes variations; elle oscille entre un maximum de 150 km, atteint dans le Sud, en faveur d'une divergence marquée des chaînons, et un minimum d'une dizaine de kilomètres, réalisé maintes fois dans le Nord ou sa section reste toujours sensiblement réduite. C'est qu'alors de grands changements s'y produisent aussi bien dans sa forme que dans sa direction. La chaîne qui, pendant si longtemps, avait aligné sa longue succession de crêtes et de vallées longitudinales, suivant une orientation sensiblement méridienne, c.-à-d. Nord-Sud, subit, dès qu'elle atteint cette zone septentrionale, une inflexion qui l'amène finalement à déployer en arc ses divers éléments, ici plus même disloqués et fréquemment interrompus par de fréquentes trouées, si bien que l'Oural devient des plus faciles à franchir précisément dans le point où sa barrière, dressée au-dessus de plaines glacées que personne ne se dispute, sépare des régions à peines peuplées.

Au XVIIIe siècle, Delisle de passage dans la région de l'Oural avait fait halte dans un petit village du district de Kazan, où il fit la description qui suit de ces montagnes. Un occasion pour lui de revenir aussi sur la question de la limite de l'Europe et de l'Asie :

Le ciel étant alors fort serein, j'examinai pendant la nuit la perspective de ces montagnes, qui forment comme de hautes murailles, et s'étendent du Nord à l'Ouest en droite ligne , aussi loin que le vue peut porter. Ces montagnes , au rapport des géodésistes russes, passant derrière Obdorskoï, vont toujours en continuant jusqu'à la côte du Nord, et s'y joignent. Du côté du Sud; elles vont se réunir au Caucase, et s'étendent jusqu'à la mer Caspienne. C'est par cette chaîne de montagnes, que l'on découvre dans un espace de quatre-vingt à cent vingt verstes (environ trente lieues de France) au-dessus des bois et des forêts,: et qui paraissent en quelques endroits comme des nuages bleuâtres, que la Nature a séparé l'Europe de l'Asie : c'est pourquoi je ne puis comprendre,. comment certains Géographes ont pu prolonger les bornes de l'Europe à l'Obi, et pourquoi d'autres au contraire les ont rapprochées jusqu'à, la Kama. Pour, moi , je suis de l'avis de ceux qui terminent l'Europe. aux montagnes de  Werchoturie, et je pense que les monts Riphées (c'est leur ancien nom), sont comme de hauts murs au des bornes posées par la, Nature même, pour fermer aux Européens de ce côté-là le passage en Asie.
Quoi qu'il en soit, en recoupant ainsi obliquement les diverses zones de la plaine russe, celles des steppes, de la terre noire (tchernoziom), des forêts, puis des toundras, cette chaîne constitue une région naturelle distincte, offrant, de plus cette particularité  de tracer nettement le limite de  l'Europe dans cette direction. En face de l'Asie sa brusque saillie au-dessus des vastes plaines de la Sibérie, qui forme avec la faible inclinaison du versant opposé, doucement raccordé avec celles de la Russie sans solution de continuité, un contraste si saisissant, atteste en effet clairement que cette chaîne, d'ailleurs d'un type spécial, n'est en somme que l'escarpement terminal de la plate-forme russe vigoureusement redressée dans l'Est. D'où la dissymétrie si complète de son profil transversal; dissymétrie d'autant mieux accentuée que l'abrupt en question, souvent représenté par une muraille à pic, difficile à franchir avec, comme arrière-plan, une ligne de crêtes dentelées, vient se  placer tout près de l'axe central et domine une région des plus plates qui résulte de l'arasement des terrains de ce versant sibérien.

Inversement, quand, partant de la Russie centrale, on vient atteindre l'Asie en suivant, au travers de l'Oural, la voie la plus fréquentée, la route ou le chemin de fer de Perm à Ekaterinenbourg, la pente de ce versant occidental est si faible qu'il semble dans cette traversée qu'on n'a pas quitté la région des plaines; on met ensuite le pied sur le sol asiatique sans se douter qu'on vient, de franchir une ligne de faîte. Or le caractère local d'effacement du relief ouralien se représente en plusieurs points, sous la forme notamment du col de Katchkanar, ou du seuil de Lazva, si bien que chaque fois on ne peut se rendre compte qu'on passe sur l'autre versant qu'en voyant sur une borne frontière la face Est porter le nom d'Asie; ainsi s'explique cette erreur si longtemps propagée que l'Oural n'existe comme chaîne de montagnes que sur les cartes et qu'on peut le franchir à plat.

En réalité, l'impression est tout autre, quand on l'aborde dans l'intervalle de ces parties déprimées. Sans doute, on y passe insensiblement de la région des plaines à la ligne de faite par une série d'ondulations successives d'altitude régulièrement croissante, toujours molles de formes, couvertes de forêts, et ne donnant guère l'impression de la vraie montagne, mais même sur ce versant doucement ondulé, il n'est pas rare de rencontrer brusquement en saillie des chaînons isolés, garnis de sommets culminants, capables d'atteindre et même dépasser 1500 m. Tels sont, dans le Nord, le Paï-jar (1452 m), qui porte fièrement en samoyède le nom de « Roi des montagnes »; puis le géant de cette classe sous la forme du piton si complètement dénudé du Sablia (1 647 m). Dans le centre, de pareils accidents, loin de manquer, sont surtout représentés par le fameux Yourma; fameux dans ce sens que beaucoup de géographes, à la suite d'Alexandre de Humboldt, ont considéré cette montagne, dressée à 1202 m, comme une sorte de noeud d'où rayonneraient, en divergeant vers le Sud, les trois branches de l'Oural. Encore une légende qu'il faut abandonner; cette radiation des chaînes méridionales autour d'un point central est de pure fantaisie, et le Yourma, situé d'ailleurs bien en dehors d'elles, n'est autre qu'un chaînon semblable à ceux qui s'isolent si volontiers sur ce versant, sans jamais jouer le rôle spécial dans l'orographie de la région.

En somme, l'Oural constitue dans l'Est de la Russie un trait orographique des mieux marqués, aussi des plus anciens ; car ses origines lointaines remontent à cette date, fort éloignée, où vers la fin des temps primaires une, chaîne de même direction, dressée contre le bord de la plate-forme russe, en traçait déjà l'emplacement; avec une vigueur de forme, du reste, bien plus grande qu'actuellement, cette «  Ceinture de Roche »  privée maintenant, aussi bien sur ses sommets émoussés de neiges persistantes que de torrents et de cascades dans le fond de ses paisibles vallées, n'est plus qu'un écho affaibli de cet état ancien. (Ch. Vélain).

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