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La poésie philosophique

La poésie philosophique est une poésie qui se propose de prêter aux matières de la philosophie, fût-ce les plus abstraites et les plus rebelles, le charme des vers. Ces sortes de tentatives provoquent d'abord l'étonnement, et l'on se demande jusqu'à quel point le langage poétique peut suffire et convenir aux exigences de la vérité philosophique. La poésie, en effet, est toute dans les images, les sentiments et les mouvements passionnés; elle recherche la variété, la souplesse des formes et la vivacité des couleurs; elle sait s'accommoder même d'un style vague et nuageux, s'il est musical; c'est un art : la philosophie exige la précision rigoureuse qui convient à l'analyse, à l'abstraction, à la généralisation, et semble requérir plutôt la prose exacte, aride même, du géomètre; c'est une science. Et pourtant, à l'origine, l'art et la science ont parlé la même langue.

Les premiers philosophes de la Grèce ont bégayé leurs systèmes dans l'idiome des poètes : Xénophane, Parménide, Empédocle, empruntèrent le vers homérique pour exposer leurs idées sur la nature; Pythagore, ou plutôt quelqu'un de ses disciples, composa les Vers dorés, où la morale religieuse domine déjà la métaphysique. Il y a, en effet, dans la philosophie, certaines matières qui semblent appeler d'elles-mêmes toutes les richesses et les magnificences du langage poétique. Comment mieux parler qu'en vers de l'être qui préside à l'ordre du monde, des mystères de notre destinée, des aspirations, des craintes et des espérances que le sentiment religieux excite dans l'âme humaine? Aussi loin qu'on remonte dans l'histoire de la littérature grecque, même avant Homère, on retrouve des chants de philosophie religieuse, des hymnes que les légendes attribuent aux personnages mystiques et sacrés d'Orphée, de Musée, des Eumolpides (Eumolpe). Ces premiers interprètes des dieux, comme Horace les appelle, ont pour successeurs les Gnomiques.

Au IIIe siècle avant notre ère, l'hymne de Cléanthe à Zeus est une des sublimes inspirations du Stoïcisme; jamais l'unité de Dieu n'avait été proclamée chez les païens dans un langage à la fois plus précis et plus élevé. A leur tour, les Alexandrins, notamment Proclus, et un chrétien qui ne sépara jamais des doctrines du christianisme les idées platoniciennes, Synésius, évêque de Ptolémaïs, composèrent des chants où la philosophie se confond avec la religion.

Ce genre de poésie n'existe pas chez les Latins, où Lucrèce ( cf son De Natura Rerum) représente seul la poésie philosophique. Mais, dans les temps modernes, on peut citer le poème de la Religion, de Louis Racine, et surtout les Méditations et les Harmonies poétiques de Lamartine, tant admiré de Joufroy, pour avoir su, le premier peut-être, dans des vers dont le mouvement et l'éclat sont parfois incomparables, discuter les problèmes les plus ardus de la métaphysique.

On peut rattacher également à la poésie philosophique les épîtres, les satires, les contes mêmes où l'auteur se comptait à développer quelque pensée morale. (A. H.).

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Dictionnaire Le monde des textes
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