| Apostrophe (du grec apostréphô, détourner), figure de rhétorique, par laquelle l'orateur, au milieu de son discours, se détourne de ceux à qui il parle, pour s'adresser tout à coup à quelque autre : alors elle peut prendre pour objet des êtres présents ou absents, vivants ou morts, animés ou insensibles. Elle est d'un grand effet dans tous les genres, au barreau, à la tribune, sur le théâtre, mais ne doit s'employer qu'avec réserve et sobriété. Parmi les exemples fameux de cette figure, on doit citer l'apostrophe de Démosthène aux Grecs qui sont morts pour la patrie dans les champs de Marathon, et celle de Cicéron à tous les Romains illustres qu'il veut intéresser au sort de Milon. Bossuet fait une apostrophe à la mort dans l'oraison funèbre de la duchesse d'Orléans : O mort, éloigne-toi de notre pensée, et laisse-nous, tromper la violence de notre douleur par le souvenir e notre joie. Voltaire place cette apostrophe dans la bouche d'Hérode désespéré d'avoir fait périr Mariamne (V, 7) : Quoi! Mariamne est morte! Ah! funeste raison, pourquoi m'éclaires- tu? Jour triste, jour affreux, pourquoi m'es-tu rendu? Lieux teints de ce beau sang que je viens de répandre, Murs que j'ai relevés, palais, tombez en cendre; Cachez sous les débris de vos superbes tours La place où Mariamne a vu trancher ses jours, etc. En dehors de la rhétorique, on a nommé apostrophe toute interpellation brusque, inspirée d'ordinaire par un sentiment violent ou une idée soudaine, et, le plus souvent, désagréable à qui on l'adresse. Et même, dans la comédie, le mot désigne la trace laissée par les soufflets ou les coups de bâton, comme dans ces vers des Folies amoureuses de Regnard (I, 2) : J'accours, et je vous vois étendu sur la place Avec une apostrophe au milieu de la face. | |
| Apostrophe, signe d'élision qui ressembla d'abord à un c retourné, d'où vient son nom; chez les modernes, il a la même forme que la virgule. En français, l'apostrophe représente l'élision des voyelles a, e muet, i, devant un mot commençant par une voyelle ou une h muette : "L'arbre, l'amitié, l'horizon, je m'occupe, je n'y étais pas, jusqu'ici, quelqu'un, s'il vient." Autrefois on disait aussi s'elle vient; mais cet usage s'est perdu depuis le XVIIe siècle. Au reste, cette élision n'a jamais eu lieu que lorsque si est conjonction et placé devant un pronom personnel; adverbe, il ne souffre jamais d'élision : "Il est si irrité, si abattu, etc." On a longtemps élidé l'a des adjectifs possessifs ma, ta, sa : " m'âme, m'amie, m'amour; Dieu vous donne s'amour!" Aujourd'hui, pour éviter cette élision, on donne à ces adjectifs la forme du masculin : mon âme, etc. Dans l'ancien français, l'apostrophe représentait une apocope très forte à la 2e personne du pluriel des verbes qui ont un v à la fin du radical : « Pourquoi a' vous épousé l'étrangère? - "Sa' vous ce qu'on dit?" Cette élision se fait parfois encore aujourd'hui dans le langage populaire. L'apostrophe était rare en latin; voici quelques-uns des cas les plus usités : comaedia'st pour comaedia est, opu'st, pour opus est; viden' monstrum, pour videsne; nostin'? Ain'? Vin' tu? pour nostine, aisne, visne; sanun' es? pour sanusne es? Tanton' me malo affici! pour tantone. En grec, au contraire, l'apostrophe était d'un grand usage, sans être toujours obligatoire. Elle est fréquente dans les langues modernes du nord, surtout en poésie. Nulle part on ne la trouve aussi multipliée qu'en anglais. (P.). |