| Jean-François Regnard est un écrivain comique français, né à Paris en 1655, mort en 1709. Fils unique d'un riche négociant qui lui laissa trop tôt un magnifique héritage, il commença par satisfaire son goût pour les voyages; il visita l'Italie, fut pris sur mer par des pirates et vendu comme esclave à Alger; mais sa famille ne tarda pas à le racheter. Il parcourut ensuite la Hollande, le Danemark, la Suède, et pénétra jusqu'à l'extrémité septentrionale de la Laponie en 1681. Puis il revint à Paris, acheta une charge de trésorier de France (comme Racine et La Bruyère) et se mit à composer des comédies, tantôt pour le Théâtre- Italien, tantôt pour le Théâtre-Français. Regnard vivait dans l'opulence et en véritable épicurien; le plaisir et la bonne chère abrégèrent ses jours, et ce poète, que l'on considère souvent comme un auteur du XVIIIe siècle, mourut sous Louis XIV, avant Boileau et Fénelon. On a de Regnard quelques opuscules en prose, tous publiés après sa mort et intitulés Voyages. C'est le récit de ses diverses pérégrinations en Flandre, en Laponie, en Pologne, en Allemagne. On y trouve également, sous le titre de la Provençale, un récit romanesque, en style précieux, de sa captivité chez les musulmans. Un Voyage en Normandie et un Voyage à Chaumont sont en prose mêée de vers à l'imitation du charmant Voyage de Chapelle et de Bachaumont, mais sans comparaison possible. Tous ces ouvrages sont médiocres, et il en est de même des poésies diverses de Regnard, épîtres, satires ou chansons; son véritable titre de gloire, ce sont ses comédies. Il en a composé durant vingt années consécutives, de 1688 à 1708. Les premières étaient pour le Théâtre-Italien, alors en possession de l'Hôtel de Bourgogne, et elles étaient partie en italien et partie en français. Telles sont : le Divorce (1688); le Descente de Mezzetin aux enfers (1689); Arlequin à bonnes fortunes (1690); les Filles errantes (1690); la Coquette (1691), et la Naissance d'Amadis (1694). Quatre autres comédies du même genre, imprimées connue les précédentes, dans le Théâtre italien de Gherardi, sont dues à la collaboration de Regnard et de Dufresny. Regnard fit pour l'Opéra, en 1699, un ballet intitulé le Carnaval de Venise; toutes ses autres pièces ont été données au Théâtre-Français. Ce sont la Sérénade (1694); le Bourgeois de Falaise (1696); le Joueur (1696); le Distrait (1697); Démocrite (1700); le Retour imprévu (1700); les Folies amoureuses (1704); les Ménechmes (1705); le Légataire universel et la Critique du Légataire (1708). Quelques-unes de ces comédies sont de simples bluettes en prose; presque toutes les autres sont en cinq actes et en vers comme les grandes pièces de Molière dont Regnard paraissait être le véritable successeur. Homme de lettres et poète de cabinet dans toute la force du terme, il travaillait à loisir, sur des sujets de son choix, et bien qu'il ait imité ses devanciers avec une désinvolture parfaite, il a su néanmoins rester original. Ses pièces sont intriguées plus fortement et dénouées plus naturellement que celles de son maître, et elles sont d'une gaieté plus franche, sans préoccupation morale. Il va sans dire qu'on ne saurait y trouver la profondeur d'observation et la vérité dans la peinture des caractères qui font de Molière le plus grand comique de tous les temps. Le style de Regnard, parfois incorrect, est en général excellent, et c'est avec raison que cet auteur a été placé au premier rang des comiques de second ordre. Boileau, qui avait à se plaindre de Regnard, reconnaissait qu'il n'était pas médiocrement plaisant, et, Voltaire a pu dire avec raison : « Qui ne se plaît pas avec Regnard n'est point digne d'admirer Molière ». (A. Gazier). | |