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Othman est
le troisième des califes successeurs de Mohammed,
né à La Mecque vers 565, mort à Médine
en 656. Omar en mourant (644) avait confié à six
musulmans de marque le soin de choisir son successeur. Pendant trois jours,
ils discutèrent, sans parvenir à se mettre d'accord. Chacun d'eux, en
effet, entendait faire valoir ses droits personnels au califat, Ã l'exception
cependant d'Abd er-Rahman ibn Aouf, qui, dès le début, avait décliné
toute prétention. Cette réserve lui assura une influence prépondérante
dans l'élection; et ce fut enfin le candidat qu'il préférait, Othman
ibn Affan, qui fut proclamé calife. Le choix était très malheureux.
Doué de fort peu d'énergie et en outre affaibli par l'âge (il était
presque octogénaire), Othman se trouva en butte à la fois à l'opposition
de ses concurrents évincés et aux exigences pleines de convoitise de
sa propre famille, les Banou Omeyya. C'est à ces derniers qu'il témoigna
toute sa faveur, au détriment des vieux compagnons du prophète. Il dilapida
à leur profit le trésor musulman, enrichi par la sage administration
d'Omar, les combla d'honneurs et choisit uniquement parmi eux les gouverneurs
des provinces. On peut considérer cette politique d'Othman comme l'un
des principaux facteurs de la fortune future des Omeyyades et les douze
années de son califat comme le prélude de l'avènement au trône de cette
ambitieuse famille. En Syrie, Othman donna pleins pouvoirs à Moawyia,
fils d'Abou Sofyan, le futur fondateur de la dynastie omeyyade. Il nomma
gouverneur de Koufa un deuxième omeyyade, Saïd ben As, qui appelait impudemment
sa province « le jardin de Coraïch ».
A Bassorah,
un autre cousin du calife, Abd allah ibn Amir,
remplaça dans le gouvernement le pieux Abou Mousa al Achari. L'élévation
soudaine de ces Coraïchites, croyants médiocres, convertis tardifs et
longtemps ennemis acharnés du prophète, fit murmurer tous les musulmans
sincères. Mais le mécontentement fut au comble lorsque Othman enleva
le gouvernement de l'Egypte
à Amr ibn el-As qui venait de conquérir une seconde fois cette province
en repoussant une armée grecque envoyée de Constantinople
et, remplaça ce vaillant guerrier par Abd allah ibn Abi Sarh, jadis proscrit
par Mohammed. Enfin la rédaction définitive
du Coran
et l'imposition à toutes les provinces d'un texte uniforme soulevèrent
contre le calife de nouvelles haines. Tous ceux dont les croyances religieuses
se trouvaient froissées par l'adoption d'une version du livre saint, différente
de celle à laquelle ils accordaient leur confiance, crièrent à l'abus
et à l'impiété. Les anciens compétiteurs d'Othman ne se firent pas
faute d'exploiter à leur profit son impopularité Talha, Zobaïr, Ali
surtout, qui, fort de son double titre de fils adoptif du prophète et
de premier converti à l'islam.
réclamait le califat comme son légitime héritage. Un vaste complot s'organisa.
Dans toutes. les provinces, sauf en Syrie, le peuple demanda la déposition
des gouverneurs omeyyades. Othman, par faiblesse de caractère, ne sut
se résoudre ni à donner complète satisfaction aux rebelles, ni à étouffer
la révolte par des mesures de rigueur.
A Koufa, où avaient éclaté les premiers
troubles, il con sentit à remplacer Saïd ben el-As par Abou Mousa el-Achari,
mais il maintint partout ailleurs les gouverneurs de son choix. En 656,
les conjurés se résolurent à marcher sur Médine, et au mois de juin,
le calife se vit assiégé dans sa demeure par
des bandes menaçantes, venues de Koufa, de Bassorah et du Caire.
Devant l'imminence du danger, Othman se laissa arracher la destitution
d'Ibn Abi Sarh du gouvernement de l'Égypte.
Mais à peine les insurgés avaient-ils quitté Médine, qu'il dépêcha
vers Fostat (Vieux-Caire) un courrier, porteur d'un ordre qui confirmait
Ibn Abi Sarh dans ses pouvoirs. Or cet émissaire fut arrêté en route
par la troupe des rebelles égyptiens. Indignés de cette trahison du calife,
ils revinrent sur leurs pas, entrèrent dans Médine, prirent d'assaut
la demeure d'Othman et mirent à mort le vieillard sans défense. Son corps
resta trois jours privé de sépulture.
Malgré ces troubles intérieurs, le califat
d'Othman fut marqué au dehors par des guerres heureuses et de nouvelles
conquêtes. Moawya s'empara de l'île de Chypre
et, imposa tribut, aux princes de l'Arménie, après les avoir battus dans
plusieurs rencontres. Une vaste expédition fut organisée contre les possessions
grecques de l'Afrique
du Nord; Ibn Abi Sarh et Abd Allah ibn Zohair vainquirent à Yacouba une
armée byzantine;
les tribus berbères de la Tripolitaine
furent soumises. Enfin Abd Allah ibn Amir poursuivit dans le Khorassan
le malheureux Yezdedjerd qui cherchait vainement
à prolonger la lutte avec l'aide des tribus turkmènes,
et, après la mort tragique de ce prince, les troupes musulmanes s'avancèrent
victorieuses jusqu'à l'Oxus. (W. Marçais). |
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