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Elisabeth
Badinter
est une philosophe née le 5
mars 1944 Ã Boulogne-Billancourt,
dans une famille bourgeoise et aisée. Son père, Marcel Bleustein-Blanchet,
est le fondateur de Publicis, une des plus grandes agences de publicité
françaises. Elle grandit dans un environnement marqué par l'aisance matérielle,
mais aussi par l'accès à une éducation de qualité et un attachement
aux valeurs républicaines et humanistes. Son enfance et son adolescence
sont influencées par le contexte de l'après-guerre et les débats sociétaux
qui émergent dans la France des années 1950 et 1960.
Après des études
littéraires, elle s'oriente vers la philosophie
et intègre la Sorbonne, où elle se passionne
pour l'histoire des idées et les questions de société. Pendant cette
période, elle rencontre Robert Badinter, un avocat et intellectuel engagé,
qu'elle épouse en 1966. Leur union marque un tournant dans sa vie personnelle
et intellectuelle, car elle partage avec lui un engagement pour la justice
sociale et les droits humains. Ils forment
un couple influent dans les cercles intellectuels et politiques parisiens.
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Elisabeth
Badinter.
Image
générée par une IA (Stable Diffusion XL).
Dans les années
1970, Élisabeth Badinter commence à se faire connaître en tant que philosophe
féministe.
Elle s'intéresse particulièrement aux questions de genre,
de maternité et de condition féminine dans la société moderne. Influencée
par les débats féministes de l'époque, mais aussi par sa propre lecture
critique des philosophes classiques, elle développe une pensée originale
qui s'écarte des courants féministes radicaux pour se concentrer sur
une vision universaliste de l'égalité
entre hommes et femmes.
En 1980, elle publie
L'Amour
en plus, un ouvrage majeur dans lequel elle remet en question l'idée
d'un instinct maternel inné. En s'appuyant sur des recherches historiques
et anthropologiques, elle montre que l'amour maternel est avant tout une
construction
sociale, sujette aux variations culturelles et historiques. Ce livre
suscite de nombreux débats et contribue à établir sa notoriété dans
les cercles intellectuels. Il devient un classique des études
sur le genre et la maternité.
• L'Amour
en plus (1980). Dans cet ouvrage d'Elisabeth Badinter y développe
la thèse provocatrice selon laquelle l'amour maternel, loin d'être un
instinct naturel et universel, serait une construction sociale et culturelle
relativement récente. Elle parcourt les siècles passés, en particulier
le XVIIe et le XVIIIe
siècle, pour démontrer que les mères d'alors ne ressentaient pas spontanément
cet amour inconditionnel que l'on considère comme allant de soi aujourd'hui.
S'appuyant sur des sources historiques variées telles que des correspondances,
des traités d'éducation, des oeuvres littéraires et des témoignages
de l'époque, Badinter met en lumière des pratiques courantes comme l'envoi
des nourrissons en nourrice dès leur naissance, parfois pour de longues
années, voire définitivement. Elle explique ces comportements par des
facteurs socio-économiques, notamment le taux de mortalité infantile
élevé qui incitait à ne pas s'attacher trop rapidement à un enfant
dont la survie était incertaine, le manque de contraception efficace qui
rendait les grossesses fréquentes et éprouvantes, ainsi que les contraintes
sociales et économiques qui pesaient sur les femmes, les poussant à privilégier
d'autres rôles que celui de mère aimante et exclusive. La philosophe
analyse également l'émergence progressive d'une nouvelle sensibilité
au cours du XVIIIe siècle, sous l'influence
des idées des Lumières et de figures comme
Jean-Jacques
Rousseau, qui ont contribué à valoriser l'amour maternel et à le
considérer comme un sentiment noble et essentiel. Elle montre comment
cette évolution a progressivement transformé les attitudes et les comportements
envers les enfants, conduisant à l'idéalisation de la figure maternelle
que nous connaissons aujourd'hui. L'Amour en plus a ainsi a ainsi
ouvert une réflexion essentielle sur la naturalisation abusive de certains
comportements et sentiments, interrogeant les fondements de la maternité
et ses évolutions. En son temps, l'ouvrage a été vu comme une oeuvre
dérangeante parce qu'il remettait en question des notions profondément
ancrées et invitait à une réflexion historique et critique sur
la nature de l'amour maternel, soulignant son caractère construit et évolutif
plutôt qu'inné et immuable.
Élisabeth Badinter
poursuit ensuite son parcours intellectuel et public en approfondissant
ses réflexions sur les questions de genre, d'identité
et de société. Elle continue à publier des essais marquants qui alimentent
les débats en France et au-delà . En 1986, elle publie Émilie, Émilie
: L'Ambition féminine au XVIIIe siècle,
où elle étudie la vie et les écrits de deux femmes intellectuelles,
Émilie
du Châtelet et Madame d'Épinay, pour interroger
la place des femmes dans la pensée et la création. Cet ouvrage s'inscrit
dans la continuité de son projet de réhabilitation des femmes dans l'histoire
intellectuelle.
• Émilie,
Émilie : L'ambition féminine au XVIIIe
siècle (1986). Ce livre délaisse l'analyse théorique pour se concentrer
sur une figure historique emblématique : Émilie du Châtelet, femme de
sciences et intellectuelle brillante du Siècle des Lumières. À travers
une biographie minutieuse et passionnée, Elisabeth Badinter raconte l'itinéraire
exceptionnel d'une femme qui a su s'imposer dans un monde intellectuel
largement dominé par les hommes. L'ouvrage aborde les défis et les obstacles
rencontrés par Émilie du Châtelet pour satisfaire son ambition intellectuelle,
son appétit pour le savoir et sa contribution significative à la pensée
scientifique et philosophique de son temps. L'autrice dépeint une femme
complexe, à la fois passionnée et rigoureuse, amoureuse et déterminée,
offrant ainsi un portrait nuancé et captivant d'une figure féministe
avant l'heure. Émilie, Émilie révèle non seulement le parcours
individuel d'une femme d'exception mais aussi les conditions sociales et
culturelles qui permettaient, ou non, l'épanouissement de l'ambition féminine
au XVIIIe siècle.
Dans les années 1990,
elle s'engage activement dans des débats sociétaux autour du féminisme,
de la laïcité et de l'éducation. Elle
défend une vision universaliste de l'égalité,
et insiste sur l'importance de l'émancipation
individuelle au-delà des différences de genre ou de culture.
En 1992, elle publie XY : De l'identité masculine, où elle analyse
la crise des modèles traditionnels de la masculinité et les défis posés
par l'évolution des rôles de genre. Cet ouvrage suscite un large débat
et montre son intérêt pour une approche globale des questions de genre,
qui inclut aussi les hommes.
• XY
: De l'identité masculine (1992). - Dans cet ouvrage, Elisabeth Badinter
étudie la crise identitaire masculine à l'ère des remises en question
des rôles traditionnels de genre. Elle analyse comment l'évolution de
la place des femmes dans la société et les mouvements féministes ont
ébranlé les certitudes et les modèles masculins établis. Badinter examine
les pressions sociales qui pèsent sur les hommes, les injonctions à la
virilité, et les difficultés qu'ils rencontrent pour se définir en dehors
de ces stéréotypes. Elle montre le besoin de redéfinir l'identité masculine
dans une société plus égalitaire, en s'éloignant des schémas anciens
et souvent restrictifs.
Au début des années
2000, Élisabeth Badinter s'engage dans des prises de position sur
des questions telles que le port du voile, la maternité et les politiques
identitaires.
Elle critique ce qu'elle perçoit comme un retour au naturalisme dans les
discours féministes et sociétaux, notamment autour de la valorisation
excessive de la maternité et des rôles traditionnels des femmes. Dans
Le
Conflit : La Femme et la mère (2010), elle aborde les tensions entre
féminisme et maternité, plaidant pour un choix libre des femmes face
aux pressions sociales et culturelles.
• Le
Conflit : La femme et la mère (2010). - Elisabeth Badinter s'intéresse
ici à la tension, voire au conflit, qu'elle perçoit entre les identités
de femme et de mère dans la société contemporaine. Elle continue de
contester l'idée d'un instinct maternel naturel et inné, argumentant
toujours que l'amour maternel est une construction sociale et culturelle.
La philosophe examine les pressions exercées sur les femmes pour qu'elles
incarnent un idéal maternel fréquemment idéalisé et culpabilisant.
Elle analyse les difficultés rencontrées par les femmes pour concilier
leurs aspirations personnelles et professionnelles avec les exigences de
la maternité, et dénonce les injonctions parfois contradictoires auxquelles
elles sont soumises. L'ouvrage soulève des questions cruciales sur la
liberté des femmes de choisir leur maternité et de la vivre selon leurs
propres termes, loin des stéréotypes et des culpabilités imposées.
En parallèle, elle
continue à défendre la laïcité comme pilier de la République française.
Elle s'exprime régulièrement dans les médias sur des sujets liés Ã
l'intégration, à la liberté d'expression et
aux droits des femmes dans le contexte de la montée des communautarismes.
Ces prises de position font d'elle une intellectuelle clivante, parfois
critiquée par les courants féministes intersectionnels
et les militants racialistes, mais également
largement soutenue par ceux qui partagent sa vision universaliste. Depuis
les années 2010, Élisabeth Badinter continue à intervenir ponctuellement
sur des sujets qu'elle juge essentiels. Elle demeure une figure importante
de la pensée féministe et universaliste française, reconnue pour sa
rigueur intellectuelle et son indépendance d'esprit. |
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