| Clément XIII (Carlo Rezzonico) est le 255e 'pape. il a été élu le 6 juillet 1758, et est mort le 3 février 1769, et était né à Venise le 17 mars 1693. Il avait été évêque de Padoue, et, dès 1737, cardinal. Lorsque le conclave se réunit pour donner un successeur à Benoît XIV, les attaques dirigées depuis longtemps contre les Jésuites avaient pris le caractère d'une guerre déclarée, et cette guerre était entrée dans la période décisive. Le 1er avril 1758, un mois environ avant sa mort, Benoît XIV avait, sur les instances du marquis de Pombal, émis un bref de visite et de réforme contre les Jésuites du Portugal, et il en avait confié l'exécution au cardinal Saldanha. Dès le 15 mai suivant, ce cardinal avait déclaré, dans un mandement, que les Jésuites pratiquaient un commerce prohibé par les lois de l'Eglise. Les partisans de l'ordre mirent tout en oeuvre pour faire élire un pape sur lequel ils pussent compter, et ils y réussirent. Clément XIII et le cardinal Torregiani, secrétaire d'Etat, qui fut pendant la plus grande partie du règne de ce pape son ministre de confiance, firent tout et risquèrent tout pour soutenir les Jésuites et les faire triompher; ils ne réussirent qu'à mettre en péril la papauté elle-même. Les Jésuites furent bannis du Portugal en 1759, de la France le 26 novembre 1764, par édit royal confirmant les arrêts des parlements. Le 7 janvier 1765, Clément publia la bulle Apostolicum pascendi, qui avait été rédigée dans le secret le plus profond par le général des Jésuites et quelques prélats qui leur étaient dévoués. Cette bulle, que Clément XIV, dans son bref Dominus ac Redemptor noster, dit avoir été extorquée plutôt qu'obtenue, déclarait que l'institut de la Compagnie de Jésus respirait au plus haut degré la piété et la sainteté, et elle associait la cause de l'Eglise à la cause de cette compagnie. En avril 1767, celle-ci fut expulsée de l'Espagne, par mandement du roi. Le pape adressa à ce roi un bref lui notifiant que cet acte mettait évidemment son salut en danger; mais Charles III resta inébranlable. En novembre 1767, les Jésuites furent chassés du royaume de Naples, et par suite, de Malte; au commencement de 1768, de Parme, par un règlement qui interdisait, en outre, tout recours à la cour de Rome, et qui défendait de conférer les bénéfices ecclésiastiques du duché à d'autres qu'aux nationaux. Clément, qui s'était contenté de gémir devant les autres princes, plus puissants, entreprit de sévir contre le jeune duc de Parme, plus faible, et sur les Etats duquel le Saint-Siège alléguait des droits surannés de suzeraineté, dont il a été parlé dans la notice précédente. Le 20 janvier 1768, il publia un bref, en forme de monitoire, annulant les décrets rendus dans le duché de Parme et de Plaisance, comme attentatoires à la liberté de l'Eglise, à la cause de Dieu et aux droits du Saint-Siège; il excommuniait, aux termes de la bulle In caena Domini, les administrateurs de ce duché. Ces mesures, renouvelées du Moyen âge, eurent le résultat qu'on devait vraisemblablement en attendre au temps de Pombal et de Choiseul, de Voltaire et de Rousseau. Le 11 juin 1768, la France prit possession du comtat Venaissin; peu de temps après, le roi de Naples saisit Bénévent et Ponte-Corvo. Les Jésuites, qui y avaient trouvé un dernier asile, en furent chassés. L'Espagne protesta contre l'emploi de la bulle In caena Domini, qu'elle déclara n'avoir jamais été reçue dans aucun Etat catholique. Clément sollicita la médiation de Marie-Thérèse, qui garda une prudente réserve, et la médiation de Venise, qui s'unit à ses adversaires. Enfin, le 10 décembre 1768, l'ambassadeur de France, qui avait déjà réclamé la révocation du bref contre Parme, présenta au nom du Portugal et des quatre cours de la maison de Bourbon, une note exigeant l'abolition de l'ordre des Jésuites. Clément se résigna à convoquer un consistoire secret dans lequel il devait, dit-on, se soumettre à cette injonction. Mais la veille de la réunion de ce consistoire, il mourut, praeter omnium expectationem, dit Clément XIV, dans le bref Dominus ac Redemptor noster. Ceux qui attribuent au poison la mort de Clément XIV inclinent à attribuer à la même cause la mort de Clément XIII. Ce long combat pour les Jésuites fut la grande affaire du pontificat de Clément XIII. Mais, malgré les difficultés résultant de ce conflit et la disette qui sévit à Rome et en Italie, ce pape, dont ses adversaires n'ont jamais contesté les qualités personnelles, réalisa plusieurs entreprises très louables : dessécheraient des marais Pontins, reconstruction du port de Civita-Vecchia, continuation des travaux du Panthéon, mesures de répression contre la licence des moeurs et les obscénités du carnaval romain, interdiction aux ecclésiastiques d'assister aux représentations théâtrales. Sous ce pontificat furent prononcées des condamnations contre des livres célèbres à des titres fort divers : troisième partie de l'Histoire du peuple de Dieu, par le P. Berruyer (2 déc. 1758), livre De Esprit d'Helvétius (janvier 1759), Emile de J.-J. Rousseau (2 septembre 1762). (E.-H. Vollet). | |