| On nomme drame satyrique une composition dramatique de l'ancien théâtre grec, tenant le milieu entre la tragédie et la comédie, on plutôt prenant alternativement le ton de l'une et de l'autre. Dans l'origine on le joua seul; mais, vers le temps de la 2e guerre médique, on ne le jouait déjà plus qu'après la représentation d'une trilogie tragique. Le nom de satyrique lui vint de ce que le choeur était toujours composé de ces êtres mythologiques et bizarres qui formaient le cortège du grotesque Silène, les Satyres, et qui tantôt exécutaient des danses vives et sautillantes, particulièrement la Sicinnis, tantôt dialoguaient ou chantaient avec les dieux et les héros : ceux-ci étaient pris la plupart du temps parmi ceux qui avaient joué un rôle dans la trilogie. La scène offrait des bocages, des montagnes, des grottes, des paysages de toute espèce. La catastrophe du drame n'était jamais funeste, ou bien le malheur qui arrivait à l'un des personnages présentait un côté ridicule qui lui ôtait toute ressemblance avec le sérieux de la tragédie. Les traits, les bons mots, les bouffonneries, y étaient admis comme dans la comédie aristophanienne, mais sans aucune de ces mordantes personnalités qui la caractérisaient dans certaines scènes régnait un ton de dignité et d'élévation, qui contribuait, par le contraste, à l'effet comique général. Le drame satyrique s'appelait aussi poésie satyrique, ou, par abréviation, une satyrique (saturikè), un satyrique (saturikon), ou bien encore satyre (saturos) ou satyres (saturoï). Ce genre de représentation théâtrale prit naissance, comme la tragédie et la comédie, dans les fêtes rurales en l'honneur de Dionysos; il fut longtemps grossier, et ne revêtit quelque élégance qu'à dater de son introduction dans les villes. On rapportait chez les Anciens qu'Arion Ie premier imagina d'introduire les Satyres dans les choeurs dithyrambiques, dans la composition desquels, suivant Hérodote, il excellait. Pratinas de Phlionte transporta, dit-on, cette innovation en Attique, et donna 32 drames satyriques; après lui, son fils Aristias, puis Choerile, puis Eschyle, traitèrent avec un succès croissant ce genre demi-burlesque. Sosithée, Sophocle et Euripide composèrent également des drames satyriques; mais, d'après le témoignage des critiques anciens, que nous ne pouvons plus contrôler, puisqu'il ne nous est parvenu qu'une seule pièce de ce genre, le Cyclope d'Euripide, ces deux poètes restèrent intérieurs à Eschyle. Le sujet du drame satyrique d'Euripide n'est autre que l'aventure tragi-comique d'Ulysse et du Cyclope racontée au 9e chant de l'Odyssée, et mise en dialogue par le poète athénien. Ulysse y conserve partant le caractère sérieux qu'Homère lui a donné, sauf la scène où, comme dans l'Odyssée, il dit au Cyclope s'appeler Outis (Personne); les rôles bouffons sont remplis par Silène et les Satyres, qui étaient tombés aux mains de Polyphème tandis qu'ils cherchaient à travers les mers leur maître Dionysos enlevé par des pirates. Les rodomontades du pacifique Silène, qui se vante d'avoir jadis pourfendu le terrible géant Encelade, sa passion naïve pour la liqueur vermeille de son ancien nourrisson, la poltronnerie des Satyres lorsque Ulysse réclame leur concours au moment où il s'apprête à crever l'oeil unique du monstre à l'aide d'une tige d'olivier taillée en pointe avec son épée et rougie au feu, tels sont les éléments de gaieté de ce drame satyrique. (P.).
| En bibliothèque. - Casaubon, De satyrica Graecorum poesi et romana satira; Spanheim, Préface de sa traduction franç. des Césars de Julien, p. V-XX; Rossignol, Dissertation sur le drame que les Grecs appelaient satyrique; Patin, Études sur les tragiques grecs (1843), tome III, p. 442-459; et sur le Cyclope, M. Patin, ibid., pages 459-433. | | |