| On entend par proverbe une sentence exprimée en quelques mots et qui a passé dans l'usage, devenant populaire; c'est un mot presque synonyme d'adage, aphorisme, précepte, apophtegme, etc. Les proverbes sont très anciens et, comme on l'a dit, une des formes primitives de la sagesse des peuples : ce sont, soit des sentences utiles, soit des traits popularisés de l'histoire, des lettres, des sciences ou des arts. Le Livre des Proverbes, attribué longtemps à Salomon, est un des livres de l'Ancien Testament : c'est un recueil de sentences morales qui peuvent servir pour la conduite de la vie. Les préceptes de morale formulés par les philosophes grecs ou orientaux sont plus pratiques que les précédents; Pythagore a formulé sa doctrine en axiomes; Solon, Phocylide, Socrate, Platon, puis Aristote, Cléarque, Théophraste, etc., ont formé de véritables recueils de proverbes : les oracles, les législateurs, les sages, les savants emploient volontiers dans l'Antiquité la forme proverbiale. Les préceptes inscrits sur les monuments publics en Attique étaient si nombreux que Platon disait que c'était un excellent cours de morale de traverser cette contrée. Les Apophtegmes de César, les oeuvres morales de Plutarque montrent le même goût des proverbes. Dans la Bible figure un recueil de proverbes rédigés au IIIe siècle avant notre ère. Au Moyen âge, la société avait en partie les proverbes pour fonds intellectuel. Scaliger en publia, ainsi que Polydore Virgile qui fit paraître en 1498 un Vocabulaire des Proverbes. En 1500, Erasme édicta huit cents proverbes grecs, et en 1517 quatre mille. Les proverbes qui émaillent le Pantagruel de Rabelais sont présents à toutes les mémoires, ainsi que ceux que prononce à tout propos et hors de propos le pauvre Sancho Pança, à la grande colère de Don Quichotte. En 1791 on vendait un recueil de proverbes : le Bouquet proverbial, de Boutroux de Montargis, en vers. D'une manière générale, on peut diviser les proverbes en deux catégories : ceux qui contiennent une vérité générale indépendante des temps et des lieux, et ceux qui sont particuliers à une contrée, à un usage spécial, relatifs à un événement déterminé. On trouvera dans différents ouvrages spéciaux une liste des proverbes de tous les pays (Dictionnaire comique de Leroux, Proverbes français de l'abbé Tuet, Bibliographie parémiologique de G. Duplessis, enfin et surtout Dictionnaire des Proverbes de Quitard). Le proverbe dramatique, qui est un genre littéraire illustré par plusieurs écrivains, est né du proverbe mimé ou dialogué. Il paraît dater du XVIIe siècle; sous Louis XIII, on jouait volontiers aux proverbes dans les salons : on entendait par là une sorte de pièce improvisée dans le genre de la commedia dell'arte italienne; le thème seul et: quelques incidents de l'action étaient indiqués aux acteurs qui le brodaient et le développaient à leur aise. On en vint à écrire le scénario; ainsi fit Mme de Maintenon pour les demoiselles de Saint-Cyr : ce recueil a paru en 1829; il est puéril, bien que traité assez finement (N'excitez pas le chat qui dort; les Femmes font et défont les maisons, etc.). Le véritable proverbe dramatique, tel qu'il existe de nos jours, c.-à-d. une petite pièce de salon qui ne demande pas de décors et peut se jouer devant un paravent, paraît avoir été créé par Carmontel, au milieu du XIIIe siècle : ses proverbes obtinrent un très grand succès par leur naturel et leur gaieté ; ils ont été publiés en 8 volumes de 1768 à 1781. Collé, lecteur du duc d'Orléans, a aussi écrit des proverbes qui ont paru dans son Théâtre de société en 1768. Au commencement du XIXe siècle, Théodore Leclercq se fit en ce genre une véritable réputation; ses petites pièces n'étaient pas destinées à la scène et brillent par la finesse de l'analyse des moeurs; elles ont paru sous le titre de Proverbes dramatiques de 1823 à 1826 et Nouveaux Proverbes dramatiques en 1830. Enfin, le maître du genre est Alfred de Musset (avec le Caprice, On ne badine pas avec l'amour, Il ne faut jurer de rien, etc.). La grâce, le charme littéraire, la délicate sensibilité de ses proverbes ont charmé plusieurs générations : ces petites pièces, qui n'avaient pas été écrites pour la scène, sont de charmantes petites comédies. Octave Feuillet a tenté le même genre, non sans succès, mais avec moins de talent. On peut citer : le Cheveu blanc, le Pour et le Contre, la Fée, etc. (Ph. B.). | |