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Tous les peuples
qui se sont succédé en Espagne y ont laissé
des monuments. Il existe quelques grossières constructions mégalithiques
du nord de la péninsule, analogues aux dolmens et aux menhirs de
la Gaule. Aux temps primitifs appartiennent aussi les portions des murailles
de Tarragone, qui servirent plus tard de base aux constructions romaines
: elles n'ont pas moins de 6 à 7 m d'épaisseur, et sont formées
de blocs considérables disposés par assises. C'est quelque
chose de semblable aux constructions protohistoriques, mais on ne sait
à quoi peuple il faut les rapporter. D'intéressantes sépultures
ont été découvertes en Catalogne, près d'Olerdola.
Ce sont des trous creusés dans le roc, et auxquels on a donné
les formes des corps qu'ils devaient recevoir. Viennent ensuite trois statues
colossales d'animaux, retrouvées à Guizando (Vieille-Castille),
sur la route de Tolède à Avila; elles représentent,
dans un état plus ou moins avancé d'altération, des
taureaux ornés de bandelettes; quelques inscriptions dégradées
et indéchiffrables existent sur les lianes. on attribue ces colosses
aux Phéniciens, qui adoraient le Soleil sous la forme d'un taureau.
Les Romains ont laissé de nombreux
monuments en Espagne. Caprara possède un temple aux ordres classiques;
Evora en conserve un autre décoré de colonnes corinthiennes.
Il y a un théâtre à Sagonte, un aqueduc à Ségovie,
un pont à Alcantara), une citerne,
un temple de Diane, un théâtre et une naumachie à Mérida,
un arc de triomphe à Barra. On montre à Tarragone les restes
d'un palais d'Auguste, appelé, on ne sait pour quel motif, la maison
de Pilate, et, près de la même ville, un tombeau di tdes Scipions
. Beaucoup de routes ont été tracées, beaucoup de
villes fortifiées par les Romains; Barcelone conserve encore une
partie d'enceinte qui date de cette époque.
La décadence des arts arriva avec
la chute de la puissance romaine; après la domination éphémère
des Suèves, des Alains
et des Vandales, les Wisigoths
régnèrent en Espagne. Alors l'art de la construction ne tarda
pas à abandonner les voies classiques. Il paraît que les Wisigoths
eurent la réputation d'excellents architectes, et que tout monument
dont on voulait faire l'éloge dans les autres pays était
qualifié de gothique : mais leur système architectural n'avait
rien de commun avec l'architecture ogivale, appelée plus tard improprement
gothique; ils bâtirent dans le style roman on byzantin. On rapporte
à cette époque les murailles de Tolède et le portail
de l'élise de Villa-Nueva. On fait remonter au même temps,
mais sans une certitude positive, l'église de Saint-Nicolas à
Gironne, le portail d'une église à la Corogne, et l'abside
de l'église de Bososte, qui pourraient bien avoir été
construits sous les Arabes, puisque le goût byzantin domina jusqu'à
la fin du Xe siècle.
Avec les Arabes, qui occupèrent
une grande partie de l'Égypte depuis le VIIIe
siècle jusqu'à la fin du XVe,
la civilisation se renouvelle. De toutes parts, les routes sont réparées,
les murs des villes se relèvent; un art nouveau apparaît .
Un lieutenant de Mouza érige une mosquée à Saragosse,
Ayoub répare les places de guerre et fonde Calatayd. AI-Samah commence
le beau pont de Cordoue; Abd-el-Rhaman, le
vaincu de Poitiers, embellit l'Espagne de nouvelles mosquées. Youssouf-el-Ferhi
rétablit les grands chemins militaires de Cordoue à Tolède,
de Mérida à Lisbonne, et la magnifique voie romaine de Saragosse.
Abd-el-Rhamam-ben-Moawiah, le dernier Omeyyade,
embellit Cordoue, dessine les jardins de l'Alcazar à Séville
élève un hôtel des monnaies, crée des chantiers
de construction maritime, et, en 786, jette les fondements de la célèbre
mosquée de Cordoue. Hescham achève ce monument, et fonde
un hôpital; sous son règne, l'architecte Farkid-ben-Aoun-el-Dwain
élève la magnifique fontaine qui conserva son nom. Abd-el-Rhaman
Il et Abd-el-Rhaman III enrichissent encore l'Espagne de nouveaux édifices;
le second bâtit, non loin de sa capitale, l'alcazar de Zahra, malheureusement
détruit.
Pendant les trois premiers siècles
de la domination musulmane, l'architecture présente un mélange
d'idées classiques et byzantines, mais elle reçoit le cachet
particulier du génie arabe. Les constructeurs arrachaient aux monuments
antiques leurs colonnes et leurs marbres, pour en décorer les édifices
nouveaux; ils subissaient l'influence de l'art grec cultivé par
les chrétiens. Le travail byzantin apparaît dans l'ornementation
des portes, des fenêtres, des corniches, dans les entrelacs, les
rinceaux, les palmettes, les mosaïques à fond d'or. Le génie
arabe se trahit dans l'arc en fer à cheval, dans les arabesques,
et enfin dans la disposition générale des formes architectoniques.
Aux XIe et XIIe siècles, sous la
domination des Almoravides et des Almohades, le goût se transforme.
Des architectes se sont formés dans les écoles; ils ne vont
plus chercher dans les monuments antiques et byzantins les éléments
et les idées de leurs constructions; ils créent un style
particulier, qu'on est convenu d'appeler moresque, parce qu'on a pensé
que l'influence des Mores n'avait pas été étrangère
à la direction des idées artistiques de cette époque.
C'est alors qu'apparaissent les briques émaillées à
la manière persane, les applications en stuc, l'ogive allongée;
les ornements capricieux, les inscriptions coufiques mêlées
aux arabesques, la découpure des archivoltes, et enfin ces combinaisons
de petites coupoles pendantes comparées non sans raison aux stalactites
cristallisées des grottes.
A partir du XIIIe
siècle, l'architecture arabe
devient plus hardie, et se constitue dans toute son originalité;
il n'est plus un seul élément qui ne porte un caractère
spécial. C'est à l'Alhambra qu'il faut en chercher les types.
Outre l'Alhambra, Grenade offre d'autres édifices importants, notamment
le Generalife, et les palais appelés le Quarto real de San Domingo
et la Casa del carbon. II existe de charmants bains moresques à
Girone, à Barcelone, à Valence.
A la fin du XVe
siècle, les musulmans, déjà affaiblis par les progrès
des chrétiens, furent chassés par les Rois
catholiques, et leur civilisation s'éteignit rapidement. Bien
que les États chrétiens eussent adopté depuis longtemps
l'architecture ogivale, dont les cathédrales de Burgos, de Tolède,
de Ségovie, de Barcelone, de Séville, et l'église
de Los Reyes à Tolède, sont les plus brillants spécimens,
les monuments de l'Espagne présentèrent longtemps encore
dans leur ornementation le goût moresque, qui ne céda que
difficilement devant le style importé par les architectes de l'Occident.
II y a d'admirables cloîtres gothiques à Guadalupe et chez
les Dominicains de Valladolid, des Bourses gothiques de commerce à
Valence et à Palma.
L'architecture subit en Espagne, comme
partout ailleurs, l'influence de la Renaissance. Becerra et Berruguete,
architectes, peintres et sculpteurs comme leur maître Michel-Ange,
se mirent à la tête d'une nouvelle école. La lutte
fut vive : on vit, comme à la cathédrale de Malaga, les styles
gothique et classique se mêler et se combattre dans les mêmes
monuments; on en trouve encore des exemples dans le maître-autel
cela cathédrale de Séville et dans le tombeau de Ferdinand
le Catholique à la cathédrale de Grenade. Mais le style classique
finit par l'emporter, et le palais de l'Escurial, bâti par Philippe
II, ne porte plus aucune trace des architectures si diverses du moyen âge.
Au même temps appartient le château d'Aranjuez. Au reste, tous
les monuments élevés en Espagne sous les princes de la maison
d'Autriche n'ont pas l'aspect triste et sévère de l'Escurial
: ainsi, la façade du couvent de la Vierge, à Cadix, est
pleine d'élégance.
Au XVIIe
siècle, les mêmes causes qui entraînèrent la
décadence de la monarchie espagnole agirent sur les beaux-arts,
et l'architecture ne partagea pas le succès qu'obtenait alors la
peinture. Au XVIIIe, Juvara fournit des
plans pour un nouveau palais royal à Madrid; ils étaient
trop grandioses : Philippe V adopta ceux de Sacchetti, architecte du bâtiment
lourd et massif qu'on voit encore aujourd'hui. Les architectes étaient
généralement plus heureux dans les distributions intérieures,
ou ils ont montré une magnificence qui n'exclut pas le bon
goût. On cite parmi eux Mariano Lopez Aguado, Custodio, Teodoro Moreno,
Juan-Miguel de Inclan Valdes, Annibal Alvarez. (E.
L.). |
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