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Jupiter
La planète et son atmosphère

Aperçu
Jupiter est de toutes les planètes observables au télescope celle qui dévoile le plus volontiers la complexité de son atmosphère nuageuse divisée en larges bandes colorées parallèles à l'équateur. Dès le XVIIe siècle, de nombreux observateurs, à l'instar de Cassini, le découvreur de la Grande tache rouge, en ont étudié assidûment les détails, et les variations (elle a parfois quasiment disparu comme en 1882, avant de réapparaître identique à elle-même). D'autres taches, moins importantes, éphémères, ont également été signalées au fil du temps. De quoi mieux apprécier la période de rotation de la planète, variable selon la latitude, et les autres caractéristiques de la circulation atmosphérique.

Le recours à la spectroscopie à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, inauguré par Huggins et Vogel, mettra ensuite les astronomes sur la piste de la composition chimique de cette atmosphère, dont on va peu à peu comprendre, qu'elle constitue l'essentiel de la planète.

Dates clés :

1665 - Cassini découvre la grande Tache rouge et donne pour la planète une durée de rotation de 9 h 56 mn.

1864 - Huggins découvre dans l'atmosphère jovienne des gaz "probablement" absents de l'atmosphère terrestre.

1931 - Widt identifie le méthane et l'ammoniac de l'atmosphère de Jupiter.

1952 - Baum et Code proposent un modèle de structure interne qui fait de Jupiter un immense océan d'hydrogène entourant un petit noyau solide.

1955 - Découverte du rayonnement radioélectrique de Jupiter.

1994 - Les fragments de la comète Shoemaker-Levy-9 s'abîment dans l'atmosphère de Jupiter.


Jalons
Les taches et la rotation de la planète

La première série d'observations a été commencée par J. D. Cassini au mois de juillet 1665. La tache observée par cet astronome était foncée (la couleur rouge ne lui sera attribuée qu'en 1872, après que lord Rosse l'ait étudiée à l'aide d'une télescope très puissant) et paraissait adhérente à la bande méridionale; elle lui donna pour la durée de rotation : 9 h 56 min. Plus tard, en 1672, des observations analogues faites sur une tache que cet astronome crut identique avec celle qu'il avait observée en Italie, lui donnèrent 9 h 55 m 51 s. En reprenant cette recherche en 1677, il arriva à une rotation de 9 h 55 m 20 s. Mais un si bel accord s'évanouit en 1690. Ayant alors observé une tache qui paraissait adhérente à la bande méridionale voisine du centre, il trouva 9 h 51 m. Ce résultat, si différent des premiers, fut confirmé en 1691 par l'observation de deux taches brillantes placées sur la bande obscure la plus voisine du centre vers le nord, et aussi par une tache obscure placée entre les deux bandes centrales. En 1692, d'autres taches ne donnèrent même que 9 h 50 min.

Les différences considérables de ces divers résultats avaient déjà conduit à supposer que les taches sont des nuages nageant dans une atmosphère très agitée, et qu'elles ont un mouvement d'autant plus rapide qu'elles occupent une position plus voisine du centre du disque de la planète. Ainsi, disait déjà Fontenelle, on pourrait comparer les mouvements de ces taches à celui des courants qui soufflent près de l'équateur terrestre.

Pendant près de cent ans, le résultat de Cassini ne fut soumis à aucune recherche ultérieure, quoique Maraldi eût cru revoir la même tache noire jusqu'en 1715. Jacques de Sylvabelle, à Marseille, commença, le 15 octobre 1773, une série d'observations qu'il poursuivit pendant plusieurs mois, et qui le conduisit au chiffre de 9 h 56 min. En 1778, William Herschel s'adonna à l'observation attentive du mouvement d'une tache sombre qu'il avait remarquée sur une zone équatoriale, et conclut une période variant de 9 h 54 mn 53 s, à 9 h 55 mn 40 s. En 1779, une tache claire, également équatoriale, lui donna tantôt 9 h 51 mn 45 s, et tantôt 9 h 50 mn 48 s. Herschel explique les grandes différences de toutes les observations par les mouvements propres des taches; il croit aussi à l'existence, dans les régions équinoxiales de la planète, de vents analogues à nos alizés. Schroeter, à Lilienthal, obtint un résultat qui s'écarte d'une manière étrange des précédents, dans les observations qu'il fit du mois d'octobre 1785 au mois de février 1786, car il en conclut, une période de 6 h 56 mn 56 s. Mais la suite de ses observations le ramena à la période de Cassini : il suivit pendant trois mois l'extrémité d'une bande grise, et trouva 9 h 55 mn 17 s.; une tache plus foncée, qu'il aperçut dans le même temps, lui donna d'abord 9 h 55 mn 33 s., et ensuite 9 h 56 mn 33s.


Jupiter dessiné par Schwabe, le 10 mai 1851.

Viennent ensuite les observations de Beer et Maedler, en 1834. Ces astronomes se sont trouvés dans le même cas que tous ceux qui ont observé avant eux : les taches qu'ils ont suivies ne sont pas des régions fixes, mais, selon toute apparence, des produits atmosphériques analogues aux nuages. Leur grandeur proportionnelle, leur intensité et leur stabilité les distinguent, il est vrai, d'une manière essentielle des nuages de la Terre; mais l'année de Jupiter, plus longue que la nôtre, la faible variation des saisons, et l'atmosphère plus dense, de cette planète, expliquent parfaitement ces différences, d'autant plus que l'intensité de la pesanteur doit apporter un obstacle considérable à tout mouvement atmosphérique. Néanmoins, quoique les taches ne soient pas fixes, elles peuvent servir à indiquer approximativement le mouvement de rotation. En combinant toue les aspects observés, ces deux astronomes ont conclu que la valeur moyenne des rotations ainsi déterminées est de 9 h 55 mn 26 s.

La même année, Airy, à Greenwich, déduisit une période de 9h 55 mn 24 s. Bessel fit également quelques observations sur les passages de ces taches par le centre apparent, et trouva un temps de rotation assez rapproché du précédent.
En 1866, Jules Schmidt, d'Athènes, par des valeurs différentes, suivant qu'elles provenaient de l'observation des taches blanches ou des taches sombres, a trouvé pour moyenne 9h 55 mn 46s. En 1873, par le retour d'une interruption dans le côté sud de la bande équatoriale, lord Rosse a trouvé 9 h 54 mn 55s.

Pendant les années 1873, 1874, 1875 et 1876, Flammarion signale qu'il a assidûment observé Jupiter en ces quatre périodes successives d'opposition, et en a pris chaque année une trentaine de dessins. Il en conclura qu'il est impossible d'expliquer les mouvements des taches, si l'on suppose une rotation uniforme. D'après les irrégularités des bandes, il trouve pour la rotation : à l'équateur, 9h 54 mn 30s, et vers 35° de latitude, 9 h 55 mn 45 s, et, de plus, un mouvement propre de plusieurs taches blanches indépendant du mouvement de rotation, tantôt plus rapide, tantôt moins; ce qui montre que ce sont là des nuages supérieurs poussés tantôt par un vent d'ouest et tantôt par un vent d'est. Trois années consécutives de mesures donnèrent 9 h 55 mn 35 s à March, de 1878 à 1881 et 9 h 55 mn 35 s, à Hough pour la même époque. En 1879, Pratt et Brewin trouvèrent 9h 55 mn 34s, et en 1880, Cruls 9h 55 mn 36 s.


La Tache rouge vue par Flammarion, dessin paru dans les MNRAS (1899).

D'après toutes ces comparaisons, les astronomes de la fin du XIXe siècle concluent que la durée de la rotation de l'atmosphère de Jupiter est de 9 heures 55 minutes 35 secondes vers le 25° degré de latitude; mais qu'elle est plus rapide à l'équateur. C'est aussi ce qui arrive pour le Soleil, dont la durée de rotation est de 24 jours 22 heures 11 minutes à l'équateur, de 25 jours 17 heures 8 minutes à 20° de latitude boréale, et de 27 jours 10 heures 41 minutes à 60°. Quant au globe de Jupiter lui-même, que l'on croit encore exister à une profondeur relativement faible sous l'atmosphère, on se contente de noter qu'il il doit tourner plus vite encore.

Études spectroscopiques

Dans ses premières recherches sur le spectre de cette planète, Huggins avait déjà remarqué en 1864, et encore en 1866 qu'il y a dans ce spectre 

"des raies prouvant l'existence d'une atmosphère absorbante. Une bande foncée, ajoutait-il, correspond à quelques raies atmosphériques terrestres, et indique probablement la présence de vapeurs semblables à celles de notre atmosphère. Une autre bande n'a pas sa correspondante parmi les raies d'absorption de notre atmosphère, et elle révèle la présence de certains gaz ou vapeurs n'existant pas dans l'atmosphère terrestre."
Un examen plus minutieux a été fait à cet égard par Vogel. Ses dernières recherches prouvent que la plupart des raies du spectre de Jupiter (et elles sont nombreuses) coïncident avec celles du spectre solaire. Une différence digne d'attention, cependant, se fait remarquer par la présence de certaines bandes obscures dans la portion la moins réfrangible, surtout dans le rouge. Les autres raies étrangères au spectre solaire coïncident avec des raies telluriques.

En 1931, Widt montrera que les bandes présentes dans le spectre de Jupiter que ses prédécesseurs n'avaient pu identifier devaient en fait être attribuées à la présence de molécules de méthane et d'ammoniac.

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