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Les
populations
autochtones de Mésoamérique représentent un ensemble de cultures,
de langues et de civilisations qui ont prospéré dans la région couvrant
le sud du Mexique, le Guatemala, le Belize, le Honduras, le Salvador et
certaines parties du Nicaragua et du Costa Rica. Cette région a vu l'épanouissement
de certaines des civilisations les plus sophistiquées du monde précolombien.
La période préclassique.
L'époque préclassique
ou formative, qui s'étend approximativement de 2000 av. JC. à 250 ap.
JC, est une période de développement fondamental pour les civilisations
qui allaient plus tard dominer la région, comme les Olmèques, les Zapotèques
et les Mayas. Cette phase précoce se caractérise par des changements
significatifs dans les modes de vie, les structures sociales et la religion.
Le commerce entre
les différentes régions est une caractéristique importante de cette
époque. Les civilisations échangent des biens comme des pierres précieuses
(jade, obsidienne), des objets en métaux précieux, des plumes, des textiles,
et des produits alimentaires comme le cacao et le maïs. Ce commerce interrégional
favorise la diffusion d'idées et de pratiques culturelles, notamment dans
les domaines religieux et artistiques.
Les croyances religieuses
sont omniprésentes dans la Mésoamérique préclassique. Elles incluent
un panthéon de divinités associées à des forces naturelles comme le
soleil, la pluie et la fertilité. Des rituels sacrificiels, ordinairement
liés à l'agriculture et aux cycles cosmiques, sont pratiqués. L'idée
de l'importance des cycles naturels (comme le mouvement des planètes et
des étoiles) et des événements astronomiques devient centrale dans la
religion de ces sociétés.
Les
premières cultures et la sédentarisation.
Au début de la
période préclassique, les populations mésoaméricaines étaient principalement
des groupes de chasseurs-cueilleurs. Cependant, autour de 2000 av. JC,
un tournant majeur a eu lieu avec l'adoption de l'agriculture. La culture
du maïs, des haricots et des courges (les "trois soeurs"), progressivement
complétée par celles du cacao, des piments et de l'agave.devient
essentielle, marquant la transition vers une économie agricole plus stable.
Les premiers villages sédentaires apparaissent dans des régions comme
la vallée de Tehuacán (Mexique) et les bassins des grandes vallées,
où l'agriculture permet de nourrir des populations plus importantes. Ces
premières sociétés commencent à construire des habitations en dur,
à organiser des échanges commerciaux et à créer des biens artisanaux,
tels que des poteries et des outils en pierre.
L'émergence
des Olmèques .
Vers 1500 av. JC,
la civilisation olmèque, qui a duré
jusque vers 400 av. JC, émerge sur la côte du golfe du Mexique, principalement
dans les régions de Veracruz et du Tabasco, avec des centres comme San
Lorenzo et La Venta. Les Olmèques ont posé les bases de nombreuses caractéristiques
culturelles qui seront partagées par d'autres civilisations, telles que
la pratique de l'écriture, le calendrier, la religion et l'iconographie.
Leur influence s'étend au-delà de leur territoire immédiat, et ils sont
considérés comme les précurseurs des civilisations plus tardives comme
les Mayas et les Zapotèques. Les Olmèques sont notamment les auteurs
de têtes colossales sculptées dans de grandes pierres, représentant
peut-être des dirigeants ou des figures mythologiques.
Le
développement des sociétés zapotèques et mixes.
Dans le sud du Mexique,
notamment dans la vallée d'Oaxaca, les Zapotèques
commencent à se développer vers 1000 av. JC. Ils établissent des villes
importantes, comme Monte Albán, qui devient l'un des centres urbains majeurs
de la Mésoamérique. Les Zapotèques développent une écriture hiéroglyphique
et un système de calendrier, marquant des avancées technologiques et
culturelles.
Bien qu'ils soient
souvent associés aux Zapotèques, les Mixes, un autre groupe de la région,
jouent également un rôle important et participent à un réseau commercial
étendu dans la région. Leur société est se signale par des croyances
religieuses accompagnées de rituels impliquant des sacrifices et
des offrandes.
Les
Mayas préclassiques.
Les premières formes
de civilisation maya commencent à émerger
vers 1000 av. JC dans les basses terres de la région du Chiapas et du
Guatemala. Au départ, les Mayas sont principalement organisés en petites
communautés agricoles, mais au fil du temps, certaines d'entre elles se
développent en centres urbains plus importants. Pendant cette période,
les Mayas commencent à mettre en place des éléments de leur future civilisation,
comme les premières formes d'écriture. Le système de calendrier maya
se raffine également, et des centres comme Nakbé et El Mirador montrent
les premières grandes constructions en pierre.
La période classique.
L'époque classique,
qui s'étend de 250 à 900 ap. JC, est une période caractérisée par
l'essor de grandes civilisations, une complexification des sociétés et
une expansion culturelle et économique. C'est l'époque où les sociétés
comme les Mayas et leurs cités-Etats, les Teotihuacans, les Zapotèques
et les Toltèques dominent la région. Ces civilisations connaissent un
développement impressionnant sur les plans politique, artistique, scientifique
et architectural. À la fin de la période classique, une série de facteurs
(changements climatiques, guerres internes, épuisement des ressources)
entraîne l'effondrement de nombreuses cités-États. Par exemple, les
grandes cités mayas du petit sud (Tikal, Copán, etc.) commencent à décliner
vers 900 ap JC. Il en va de même pour Teotihuacan, dont la chute se produit
autour de 650 ap. JC, bien que la ville ait continué à exercer une influence
dans la région longtemps après.
Les
Mayas.
Les Mayas ont été
l'une des civilisations les plus remarquables de l'époque classique. La
période qui va de 250 à 900 ap. JC. Elle est marquée par un florissement
des cités-États, un développement de l'écriture, une avancée dans
les sciences (astronomie, mathématiques) et une grande production artistique.
Les Mayas n'ont pas formé un empire centralisé, mais plutôt un ensemble
de cités-États indépendantes. Les principales cités étaient Tikal,
Palenque,
Copán, Calakmul, Caracol, et Uxmal. Ces cités étaient souvent en concurrence
les unes avec les autres, mais elles partageaient des croyances religieuses
et un langage commun, le maya classique.
Les Mayas ont accomplie des avancées en astronomie et en mathématiques,
développant des systèmes de calendriers, tels que le compte long, utilisé
pour mesurer les longues périodes. Ils ont également inventé un système
d'écriture hiéroglyphique extrêmement sophistiqué, utilisé pour enregistrer
des événements historiques, des rituels religieux et des dynasties royales.
Leurs structures architecturales sont également impressionnantes, avec
des pyramides, des palais et des terrains de balle. La religion des
Mayas était polythéiste et impliquait des rituels complexes. Le sacrifice
humain faisait partie de ces rituels, souvent pour apaiser les dieux ou
pour marquer des événements importants. Le dieu du soleil et du maïs,
Hun Hunahpu, et d'autres divinités associées aux cycles naturels et cosmiques
occupaient une place centrale.
Teotihuacan.
Teotihuacan
(250-650 ap. JC), située dans la vallée de Mexico, est l'une des cités
les plus importantes de la période classique. Teotihuacan
a atteint son apogée vers 400-500 ap. JC et comptait alors probablement
plus de 100 000 habitants. La ville était un centre de commerce majeur,
reliant les régions de la Mésoamérique grâce à son emplacement stratégique.
Elle se distingue par son plan urbanistique en quadrillage et ses grandes
avenues. Parmi les monuments les plus célèbres de Teotihuacan , on trouve
la Pyramide du Soleil, qui est l'une des plus grandes pyramides de la Mésoamérique,
ainsi que la Pyramide de la Lune et l'Avenue des Morts. Ces constructions
témoignent de la puissance politique et religieuse de la cité. Teotihuacan,
comme les autres civilisations mésoaméricaines, avait une religion dont
les divinités principales étaient associées aux éléments naturels,
tels que le dieu de la pluie et le dieu du vent. Cependant, contrairement
aux Mayas, les Teotihuacans laissent moins de traces écrites, ce qui rend
leur histoire politique et religieuse plus difficile à comprendre.
Les
Zapotèques et Mixes.
La civilisation
zapotèque (250-900 ap. JC)., qui avait commencé à se développer
pendant la période préclassique, atteint son apogée pendant la période
classique. Monte Albán, la capitale zapotèque située dans la vallée
d'Oaxaca, devient un centre politique, religieux et culturel majeur. Monte
Albán est une ville-état prospère, dotée d'une pyramide et de plaza
publiques. C'est aussi un important centre de commerce, et les Zapotèques
y établissent un système d'écriture unique, qui combine des pictogrammes
et des idéogrammes. Les tombes royales découvertes à Monte Albán révèlent
la richesse et la complexité de la société zapotèque. Les Zapotèques
ont entretenu des relations avec les Teotihuacans et d'autres sociétés.
Leurs objets et artéfacts ont été retrouvés à Teotihuacan, ce qui
suggère une relation d'échange, voire d'influence culturelle. Les Mixes,
autre groupe ethnique de la région, prospèrent également à cette époque,
mais leur influence reste plus modeste.
La période postclassique.
La période postclassique,
qui s'étend approximativement de 900 à 1521 ap. JC, est caractérisée
par l'effondrement de nombreuses grandes civilisations classiques, comme
les Mayas du Sud et Teotihuacan, et l'émergence de nouvelles civilisations
puissantes, telles que les Toltèques, les Zapotèques, les Mixes et, enfin,
les Aztèques. L'économie et les structures sociales de la région évoluent,
avec une intensification des conflits militaires, mais aussi des développements
culturels et des échanges. La période postclassique se termine par l'arrivée
des conquistadors espagnols au début du XVIe
siècle, avec la chute de l'empire aztèque. D'autres groupes, cependant,
comme les Tarascans, les Mayas du Nord et les Mixes résisteront encore
pendant un certain temps à l'influence espagnole.
,
Les
Mayas du Sud.
Vers 900 ap. JC,
la plupart des grandes cités mayas du petit sud, comme Tikal, Copán,
Palenque et Yaxchilan, connaissent un déclin. Ce phénomène est pourrait
être imputable à des crises agricoles, des sécheresses prolongées et
des guerres inter-cités. Les cités mayas du nord (Chichen Itzá, Uxmal,
etc.) connaissent cependant un développement continu pendant cette période
et se distinguent par des réalisations architecturales importantes.
Les
Toltèques.
Les Toltèques ont
commencé à émerger vers 600 ap. JC. Mais leur influence atteint
son apogée pendant la période postclassique et leur civilisation durera
jusque vers 1150. Ils prennent leur essor après la chute de Teotihuacan.
Leur capitale, Tula (ou Tollan), devient un
centre de pouvoir majeur. La société toltèque revêtait un caractère
militariste marqué. La sculpture monumentale, comme les célèbres Atlantes
de Tula, qui représentent de grands guerriers, illustre leur prestige
militaire et leur style artistique particulier. Les Toltèques sont associés
à une influence importante sur les cultures ultérieures, notamment les
Aztèques, qui vénèreront les Toltèques comme leurs ancêtres mythologiques,
et en tant que modèles de civilisation, notamment pour leur organisation
sociale, leur religion et leurs traditions guerrières. Ils considèreront
Tula comme un lieu mythique et sacré.
Les
Zapotèques et Mixes.
Les civilisations
zapotèque et mixe continuent d'exister au cours de la période postclassique,
bien que leur puissance aient été quelque peu affaiblie par les nouvelles
dynamiques politiques de l'époque. Monte Albán, capitale historique des
Zapotèques, continue d'exercer une influence culturelle, mais après 1000
ap JC, elle perd de son influence..
Les Mixes,quant Ã
eux, continuent à prospérer dans la vallée de Oaxaca. Leurs sculptures,
céramiques et objets de prestige témoignent de leur sophistication. Ils
sont également connus pour avoir eu des contacts commerciaux et culturels
avec les Aztèques, tout en préservant leur autonomie politique.
Les
Aztèques.
Les Aztèques,
ou Mexicas, sont sans doute la civilisation la plus représentative de
la période postclassique, en raison de leur expansion rapide et de l'empire.
Les Mexicas arrivent dans la vallée de Mexico au début du XIVe
siècle et s'installent finalement sur une petite île dans le lac Texcoco,
où ils fondent Tenochtitlan en 1325. Au départ, ils sont un groupe nomade
parmi d'autres tribus de la région, mais leur capacité militaire et leur
structure sociale hiérarchique leur permet de s'imposer comme une force
dominante. Sous la direction de puissants empereurs comme Moctezuma I et
Ahuitzotl, l'empire aztèque se développe et domine une grande partie
du Mexique central. L'empire est structuré en une série de provinces
qui paient des tributs et suivent les directives du souverain aztèque.
L'organisation politique, militaire et religieuse est extrêmement centralisée.
Les Aztèques sont
aussi réputés pour leurs réalisations dans divers domaines, comme l'agriculture,
l'architecture et les arts. La chinampa (culture en îles flottantes)
est un exemple de leur ingénierie agricole. Tenochtitlan est une métropole
de grande taille avec un réseau complexe de canaux et de marchés. La
pyramide du soleil et les temples dédiés aux dieux, sont des éléments
importants de la ville. La religion aztèque est centrée sur un panthéon
de dieux associés à des phénomènes naturels et cosmologiques. Le dieu
Huitzilopochtli
(le dieu du soleil et de la guerre) et le dieu Quetzalcoatl
(le serpent à plumes) sont parmi les plus importants. Les sacrifices humains,
notamment ceux réalisés sur les pyramides de Tenochtitlan, sont une caractéristique
majeure de la religion aztèque, considérés comme essentiels pour nourrir
les dieux et maintenir l'ordre cosmique. En 1521, l'empereur aztèque Moctezuma
II est capturé et tué par Hernán Cortés, ce
qui conduit à la chute de l'empire aztèque. Bien que les Aztèques aient
été la civilisation dominante à la fin de la période postclassique.
Depuis la conquête.
La conquête de
la Mésoamérique, amorcée par Hernán Cortés contre l'Empire aztèque,
a entraîné un bouleversement brutal. Des empires puissants comme celui
des Aztèques et des cités-États comme celles des Mayas ont été détruits.
Les maladies apportées par les Européens (variole, typhus) ont réduit
la population autochtone de manière catastrophique, avec une chute estimée
de 90 % en un siècle. Les populations autochtones ont été soumises Ã
des systèmes d'exploitation, où elles devaient fournir du travail et
des tributs aux colons.
Les Espagnols ont
imposé le christianisme, les langues européennes (espagnol en particulier)
et leurs institutions. Malgré cela, les populations indigènes ont
intégré les nouvelles pratiques à leurs croyances traditionnelles, créant
des formes de syncrétisme (ex. la Vierge de Guadalupe).
Les autochtones ont
été regroupés dans des "républiques d'Indiens", une forme d'autonomie
limitée sous surveillance coloniale. La société coloniale était hiérarchisée
: les autochtones occupaient des positions inférieures, en dessous des
colons européens et des métis. Les terres communautaires (ejidos)
ont été largement confisquées pour être redistribuées aux colons ou
utilisées pour des plantations (cacao, canne à sucre).
Après l'indépendance
du Mexique et des autres pays mésoaméricains, les promesses d'égalité
des peuples autochtones, inscrites dans certaines constitutions, ont rarement
été respectées. Les élites créoles ont continué à exploiter les
autochtones, encore considérés comme une main-d'oeuvre bon marché.Le
XIXe siècle a été marqué par des politiques
de libéralisation économique qui ont conduit à la privatisation des
ejidos,
aggravant la marginalisation des autochtones.
Des révoltes autochtones
ont éclaté face à l'oppression, comme la Guerre des Castes au Yucatán
(1847-1901), un conflit majeur mené par les Mayas contre les colons créoles.
La Révolution mexicaine
a introduit des réformes importantes pour les populations autochtones,
bien que les résultats aient été mitigés : la réforme agraire a permis
de redonner certaines terres aux communautés autochtones; le Mexique post-révolutionnaire,
notamment sous le président Lázaro Cárdenas,
a aussi mis en avant un discours valorisant l'héritage indigène, bien
qu'il s'agisse souvent d'un symbolisme plus qu'un réel soutien aux peuples
autochtones.
Les projets de développement
économique ont souvent ignoré les besoins des populations autochtones,
les forçant à migrer vers les villes ou à travailler dans des conditions
précaires. Les discriminations linguistiques et culturelles persistent.
Le soulèvement zapatiste
de 1994, mené par l'EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) au
Chiapas, a attiré l'attention internationale sur les revendications des
autochtones pour la terre, la justice et l'autonomie. Depuis, des organisations
autochtones militent pour la reconnaissance de leurs droits, le respect
de leur culture et la protection de leurs territoires face aux industries
extractives.
La ratification de
la Convention 169 de l'OIT par plusieurs pays mésoaméricains a marqué
un pas vers la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Cependant,
les disparités économiques et sociales restent criantes, avec un accès
limité à l'éducation, à la santé et à des opportunités économiques.
Malgré les défis,
les peuples autochtones mésoaméricains continuent de préserver leurs
langues, leurs pratiques agricoles traditionnelles et leurs célébrations
religieuses. Des efforts sont déployés pour revitaliser les langues en
voie de disparition et renforcer l'identité culturelle des jeunes générations. |
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