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La Grande Dépression
1929-1939
La Grande Dépression est la plus grave crise économique du XXe siècle. Elle a débuté aux États-Unis après le krach boursier de 1929, s'est rapidement propagée à l'Europe et au reste du monde, affectant durement leur économie, leur commerce et leur stabilité politique. Chaque pays a réagi différemment, mais les conséquences ont été profondes, menant à une montée du chômage, des troubles sociaux et à l'ascension des régimes autoritaires. Elle a  profondément transformé les politiques économiques et sociales, conduisant à une intervention accrue de l'État dans l'économie avec le New Deal aux États-Unis et d'autres réformes dans le monde. Elle a mis en évidence les dangers du capitalisme non régulé et a conduit à une intervention accrue de l'État dans l'économie, influençant durablement les politiques économiques du XXe siècle. C'est finalement la Seconde Guerre mondiale qui mettra fin à la Grande Dépression en stimulant massivement l'économie mondiale.

Les causes de la crise

La Grande Dépression est le résultat d'un enchaînement de facteurs : spéculation boursière excessive, inégalités économiques, surproduction, faiblesse du système bancaire, erreurs politiques et contraction du commerce international.

Le krach boursier de 1929.
Le 24 octobre 1929 (Jeudi Noir), la Bourse de Wall Street s'effondre après une période de spéculation excessive. Ce krach entraîne une panique financière et une perte massive de valeur des actions, provoquant des faillites et un effondrement du crédit. Causes du krach :

• La spéculation boursière excessive. - Beaucoup d'investisseurs achètent des actions à crédit (achat sur marge).

• La bulle financière. - La valeur des actions est largement surévaluée par rapport aux bénéfices réels des entreprises.

• La panique des investisseurs. - La vente massive d'actions accélère l'effondrement des cours.

Une économie déséquilibrée.
La croissance des années 1920 (les Roaring Twenties) a bénéficié principalement aux élites. Les travailleurs et la classe moyenne n'ont pas vu leurs salaires augmenter suffisamment pour soutenir la consommation. La demande intérieure ralentit, aggravant la crise industrielle.

L'industrie produit plus que la demande réelle, ce qui entraîne une chute des prix et des stocks invendus. L'agriculture souffre d'une production excédentaire, provoquant l'effondrement des prix des matières premières et la ruine de nombreux agriculteurs.

 Faiblesses du système bancaire et monétaire.
Les banques avaient prêté massivement aux spéculateurs. Avec l'effondrement de la Bourse, elles subissent d'importantes pertes. La panique bancaire pousse les épargnants à retirer leur argent, provoquant l'effondrement de nombreuses banques. Les banques survivantes, fragilisées, réduisent drastiquement les prêts, asphyxiant l'économie réelle. Moins d'investissements et de crédits signifient moins de consommation et de production. De plus, la Réserve fédérale (banque centrale américaine) adopte une politique monétaire restrictive, réduisant la quantité de monnaie en circulation et aggravant la déflation.

Erreurs des politiques économiques.
En 1930, les États-Unis adoptent la loi Smoot-Hawley, qui augmente fortement les droits de douane pour protéger l'industrie américaine. En réponse, d'autres pays imposent leurs propres tarifs douaniers, réduisant drastiquement le commerce international.

Le président Herbert Hoover minimise la crise et refuse d'intervenir rapidement dans l'économie, pensant que le marché s'autorégulera. Son refus d'accorder des aides directes aux chômeurs et aux entreprises accentue la misère sociale.

 Facteurs internationaux aggravants.
L'Europe est encore affaiblie par les conséquences de la Première Guerre mondiale et dépend des crédits américains. L'interconnexion des économies entraîne une contagion rapide de la crise. L'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne sont touchées par la baisse du commerce et les faillites bancaires.

Les conséquences de la Grande Dépression

Les conséquences de la Grande Dépression se sont manifestées à travers trois aspects majeurs : l'effondrement économique, la pauvreté et la misère sociale, ainsi que l'impact mondial.

 Effondrement économique.
La crise a provoqué un effondrement sans précédent des économies à travers le monde. Aux États-Unis, la production industrielle diminue de 50 % entre 1929 et 1933. Les entreprises ferment en masse, incapables de vendre leurs produits ou d'obtenir du crédit. L'agriculture est durement touchée par l'effondrement des prix : les agriculteurs ne parviennent plus à rembourser leurs dettes, ce qui entraîne la saisie de nombreuses fermes.

Le chômage atteint 25 % aux États-Unis en 1933, soit environ 13 millions de personnes sans emploi. Dans certains pays, comme l'Allemagne, le taux de chômage dépasse les 30 %. La fermeture des usines et des banques entraîne une paralysie de l'économie.

Les prix chutent fortement, réduisant encore les revenus des entreprises et des agriculteurs. Les banques, en faillite, limitent les prêts, ce qui aggrave la crise en empêchant les investissements.

Pauvreté et misère sociale.
La crise a plongé des millions de personnes dans la misère, modifiant profondément la structure sociale. De nombreuses familles perdent leurs économies à cause des faillites bancaires. Les classes moyennes sont particulièrement touchées, avec des expulsions massives de logements et une augmentation des bidonvilles. On constate aussi aux Etats-Unis, l'apparition des Hoovervilles, nom donné aux campements de sans-abri en référence au président Hoover, accusé d'inaction.

En raison de la baisse des revenus, beaucoup ne peuvent plus acheter de nourriture. Aux États-Unis, les soupes populaires se multiplient pour nourrir les chômeurs. Les agriculteurs, incapables de vendre leurs récoltes à des prix raisonnables, en viennent parfois à détruire leurs propres cultures pour tenter de faire remonter les prix.

On assiste à une hausse de la criminalité et de la violence, notamment à cause du désespoir économique. Le nombre des grèves et des manifestations contre les gouvernements jugés inefficaces augmentent. Des idéologies extrêmes, comme le communisme et le fascisme, qui promettent des solutions radicales à la crise bénéficie de la situation.

Impact mondial.
La Grande Dépression a profondément bouleversé l'économie mondiale, provoquant une crise sociale sans précédent et alimentant les tensions politiques qui ont contribué à l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale. 

L'Europe, déjà affaiblie par les séquelles de la Première Guerre mondiale et dépendante des États-Unis pour les prêts et le commerce, est frappée de plein fouet par la crise.  En 1930, la loi Smoot-Hawley (V. ci-dessous) des États-Unis augmente fortement les tarifs douaniers, limitant les exportations européennes vers le marché américain. En réaction, d'autres pays instaurent des barrières commerciales, réduisant le commerce mondial de 60 % entre 1929 et 1933.Les pays européens, exportateurs de matières premières et de produits manufacturés, voient leurs revenus chuter brutalement. De nombreuses banques européennes sont étroitement liées aux banques américaines et subissent des faillites en cascade. En 1931, l'effondrement de la banque autrichienne Creditanstalt déclenche une panique bancaire en Europe centrale. La production industrielle chute de 30 à 50 % dans plusieurs pays. 

Le chômage explose : il atteint 25 % en Allemagne et 20 % en France et au Royaume-Uni. La déflation (baisse des prix) aggrave la crise en réduisant les revenus et les investissements. L'Allemagne, déjà endettée par les réparations de guerre du Traité de Versailles, est l'un des pays les plus touchés. Le chômage atteint 30 % en 1932, provoquant une forte instabilité sociale. L'Allemagne, déjà affaiblie par le paiement des réparations de la Première Guerre mondiale, voit son économie s'effondrer, créant un terrain favorable à la montée du nazisme. En Italie, le régime fasciste de Mussolini se consolide en réponse aux difficultés économiques. La crise pousse le Japon à adopter une politique expansionniste en Asie pour assurer son approvisionnement en matières premières. La France et le Royaume-Uni subissent également une forte baisse de leur production et du commerce.  Les pays en développement, comme ceux d'Amérique latine, sont touchés par la chute des exportations de matières premières.

Les tentatives de sortie de crise

Face à la Grande Dépression, plusieurs stratégies ont été mises en place pour tenter de redresser l'économie. Ces réponses ont varié selon les dirigeants, passant d'une approche libérale sous Herbert Hoover à une intervention massive de l'État avec le New Deal de Franklin D. Roosevelt.

La politique de Herbert Hoover (1929-1933) : une réponse insuffisante.
Herbert Hoover, président des États-Unis de 1929 à 1933, adopte une approche basée sur le libéralisme économique, pensant que la crise se résorberait naturellement. Il croit en la responsabilité individuelle et refuse que l'État aide directement les chômeurs. Il pense que les entreprises doivent maintenir l'emploi sans intervention gouvernementale. Il privilégie le soutien indirect à l'économie via des aides aux banques et aux entreprises. Les mesures prises :

• Reconstruction Finance Corporation (RFC) (1932). - Prêts aux banques et aux grandes entreprises pour éviter les faillites.

• Augmentation des taxes pour équilibrer le budget fédéral, ce qui aggrave la récession.

• Smoot-Hawley Tariff Act (1930) . - Forte augmentation des droits de douane pour protéger l'industrie américaine, mais cela entraîne une chute du commerce mondial.

Cette politique est un échec. Le chômage continue d'augmenter, atteignant 25 % en 1933. La misère grandit, avec des millions d'Américains sans emploi et sans logement. L'opinion publique se retourne contre Hoover, accusé d'inaction (les bidonvilles de sans-abri sont ironiquement appelés Hoovervilles). En 1932, Hoover est largement battu par Franklin D. Roosevelt à l'élection présidentielle.

Le New Deal de Franklin D. Roosevelt (1933-1945).
Dès son arrivée au pouvoir en mars 1933, Franklin D. Roosevelt met en place le New Deal, une politique de relance économique et sociale basée sur l'intervention massive de l'État. Il s'agit de relancer l'économie en stimulant la production et la consommation, de créer des emplois grâce à des projets d'infrastructures et de réformer le système financier pour éviter une nouvelle crise. Le New Deal se déroule en deux phases :

Premier New Deal (1933-1934) : réaction d'urgence.

• Réforme du système bancaire. - Bank Holiday : fermeture temporaire des banques pour éviter les retraits massifs. Glass-Steagall Act (1933) : séparation des banques d'investissement et de dépôt pour limiter la spéculation. Création de la FDIC pour garantir les dépôts bancaires et restaurer la confiance.

• Programmes de grands travaux et d'emploi. - Public Works Administration (PWA) : Construction d'infrastructures (ponts, routes, écoles) pour créer des emplois. Civilian Conservation Corps (CCC) : Emplois pour les jeunes dans la reforestation et l'aménagement rural.

• Soutien aux agriculteurs. - Agricultural Adjustment Act (AAA) : réduction de la production pour faire remonter les prix agricoles.

Deuxième New Deal (1935-1938) : réformes sociales et économiques durables.
• Soutien aux travailleurs et aux syndicats. - Wagner Act (1935) : droit à la négociation collective et reconnaissance des syndicats.

• Mise en place de la Sécurité sociale (1935).  Création d'un système de retraite et d'assurance chômage. Aide aux familles et aux personnes âgées.

• Travaux publics massifs. Works Progress Administration (WPA) : emploi pour des millions d'Américains dans la construction et la culture (arts, littérature, musique).

Les réactions des Pays Européens.
Chaque pays tente de faire face à la crise avec des politiques économiques différentes, souvent inefficaces au début.

En 1931, le Royaume-Uni quitte l'étalon-or pour dévaluer sa monnaie et relancer ses exportations. Il est suivi par d'autres pays, ce qui déstabilise les échanges monétaires.Parmi les autres mesures, on note l'adoption d'une politique protectionniste (tarifs douaniers élevés), la création d'emplois via des grands travaux (logements, routes). Le chômage reste élevé mais l'économie commence à se stabiliser à partir de 1934.

La France est moins touchée au début, mais la crise frappe en 1931-1932. Le gouvernement adopte une politique d'austérité qui aggrave la situation. En 1936, le Front Populaire (gouvernement de gauche dirigé par Léon Blum) met en place des réformes sociales : réduction du temps de travail à 40 heures par semaine; congés payés pour les travailleurs. Mais les réformes coûtent cher et n'empêchent pas la poursuite de la crise.

En Allemagne, le gouvernement applique une politique d'austérité, qui aggrave la situation. La population désespérée se tourne vers les extrêmes : en 1933, Adolf Hitler arrive au pouvoir en promettant une relance économique et la fin du chômage. Hitler met en place une politique de relance massive par l'investissement dans les infrastructures et la militarisation, sortant l'Allemagne de la crise avant la guerre.

Les pays comme l'Italie, l'Espagne et les États de l'Est subissent aux aussi une forte récession. La crise renforce les régimes autoritaires (Mussolini en Italie, Franco en Espagne).  Ces pays adoptent des politiques d'autarcie (réduction des importations pour être autosuffisants). L'Italie comme l'Allemagne utilisent la crise pour justifier une économie militarisée, préparant ainsi la guerre. Les tensions économiques et la montée des dictatures fragilisent l'équilibre en Europe, menant à la Seconde Guerre mondiale en 1939.

Un peu partout, on assiste à l'effondrement du libéralisme économique. Avant la crise, la plupart des pays européens suivaient une politique de libre-échange et de non-intervention de l'État.  Après la crise, les gouvernements adoptent des politiques interventionnistes (grands travaux, nationalisations, aide sociale). L'idée que l'État doit jouer un rôle actif dans l'économie s'impose progressivement. 

La fin de la Grande Dépression

L'impact limité du New Deal.
La Grande Dépression ne se termine pas brusquement, mais progressivement, grâce à une combinaison de facteurs économiques et politiques. Le New Deal de Franklin D. Roosevelt (1933-1939) contribue à stabiliser l'économie américaine en mettant en place des réformes bancaires, des programmes d'emploi et des aides sociales. Parmi ses effets bénéfiques, on mentionnera la réduction du chômage (de 25 % en 1933 à 14 % en 1937), le rétablissement de la confiance dans le système financier, et la mise en place d'une protection sociale durable (Sécurité sociale, droit du travail). Cependant la croissance économique reste faible. Une nouvelle récession survient en 1937-1938, lorsque Roosevelt réduit les dépenses publiques, montrant que l'économie reste fragile. Le chômage reste élevé jusqu'à l'entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale en 1941.

Le rôle de la Seconde Guerre mondiale.
L'entrée dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) marque la vraie fin de la Dépression. Dès 1939, les industries américaines commencent à produire des armes et du matériel militaire pour les Alliés (Royaume-Uni, France). En 1941, après l'entrée en guerre des États-Unis (attaque de Pearl Harbor), l'économie passe en mode de production de guerre. Des millions d'Américains trouvent un emploi dans les usines ou rejoignent l'armée. Le gouvernement dépense des milliards de dollars dans l'effort de guerre. L'industrie lourde (acier, automobile, aviation) tourne à plein régime.  On assiste alors à l'augmentation de la consommation et des salaires. À la fin de la guerre, les États-Unis deviennent la première puissance économique mondiale. 

La fin de la Grande Dépression en Europe
Comme aux États-Unis, la Grande Dépression ne prend réellement fin qu'avec la Seconde Guerre mondiale. Mais le commerce commence à se redresser dès 1936. Certains pays (Royaume-Uni, France) sortent de la crise grâce aux politiques publiques et aux réformes sociales. En Allemagne et en Italie, cependant, la sortie de crise est due à une économie de guerre, orientée vers l'armement. La guerre relance massivement l'industrie et l'emploi. Les dépenses militaires stimulent la production et absorbent le chômage. Après 1945, l'Europe, comme les Etats-Unis entrent dans une période de prospérité sans précédent avec les Trente Glorieuses (forte croissance économique entre 1945 et 1975).

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