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L'École libérale
prétend que l'organisation actuelle est bonne, parce qu'elle repose sur
le principe de la libre concurrence, source féconde de prospérité et
sur le respect des lois naturelles qui produisent nécessairement l'harmonie
sociale.
A en croire l'École libérale, les lois
économiques, telles que la loi de l'offre et de la demande ou de la libre
concurrence, sont aussi naturelles et nécessaires que les lois qui régissent
le monde physique ou biologique,. et par elles-mêmes elles sont bienfaisantes.
Il faut donc bien se garder d'y toucher. Écoutons quelques-uns des chefs-:
« L'ordre
et l'harmonie règnent dans le monde du travail en vertu des lois et des
tendances naturelles... (J. Garnier, Traité d'économie politique).
»
« Notre évangile
se résume en ces quatré mots : Laisser taire, laisser passer (G. de Molinari,
Les lois naturelles de l'économie politique). »
D'autres libéraux, moins intransigeants (Paul
Leroy-Beaulieu et de façon plus marquée John Maynard Keynes), admettent
une intervention (introducttion d'une régulation) de l'État en certains
cas. C'est la doctrine du social-libéralisme (ou libéralisme de gauche).
Mais ils regardent toujours la liberté comme une sorte de panacée : Leroy-Beaulieu
affirme en effet que « la liberté et le temps suffisent pour résoudre
toutes les difficultés sociales qui sont humainement résolubles » (Essai
sur la répartition des richesses).
Les nuances.
Le libéralisme économique compte plusieurs
groupes à tendance différente. Tous ses partisans admet tent néanmoins
certains principes généraux.
a.
Les physiocrates.
Les physiocrates sont les économistes
qu'a enfantés la philosophie du XVIIIe
siècle. Leurs théories sont basées sur la doctrine de J. J. Rousseau,
en particulier sur ce principe que la nature de l'humain étant naturellement
bonne, ses tendances le seront aussi. Il n'y aura donc qu'Ã les suivre
sur toits les terrains, dans toutes les sphères de l'activité humaine.
Toute la théorie se résume dans cette formule de Vincent de Gournay :
« laissez faire, laissez Passer ».
La formule est générale. Les physiocrates
l'étendent à tout le système social. Les principaux physiocrates sont
Quesnay, Dupont de Nemours, Mercier de la Rivière,
Morellet, le Marquis de Mirabeau, Le Trosne, Saint Peravy, Turgot, ministre
de Louis XVI.
b.
Adam Smih (1723-1790).
Il publia en 1776 les Recherches sur
la nature et les causes de la richesse des nations. L'économiste anglais
s'inspire dans ce livre des idées des physiocrates. Il s'en éloigne cependant
et quant à la méthode qu'il veut moins aprioristique, et quant à la
doctrine qu'il veut moins radicalement libertaire et individualiste. Mais
ce ne sont là que de légers tempéraments. L'impression qui se dégage
de l'étude de son livre montre qu'il est nettement favorable aux principes
libéraux; d'ailleurs le but qu'il se proposait était de construire un
système d'économie politique ayant comme base la liberté, et comme mobile
la loi de l'intérêt.
Les physiocrates embrassent tout l'ordre
social, Adam Smith ne s'occupe que de l'économie sociale. Il en fait ainsi
le premier une science distincte.
c.
Ecole libérale classique.
Adam Smith eut des disciples. Le principal
en Angleterre fut Ricardo (1772-1823) qui est le véritable chef de l'école
anglaise. Il poussa jusqu'à ses dernières conséquences le système des
déductions aprioristiques. On peut encore citer en Angleterre Malthus
fameux par son Essai sur le Principe de la Population.
En France, la doctrine d'Adam Smith, Ã
quelques nuances près, fut répandue par J.B. Say (1767-1832), par Rossi,
Cherbuliez, Bastiat
etc.
Le libéralisme économique domina pendant
toute cette époque. Il devint l'école officielle, orthodoxe, classique,
comme on se plut longtemps à la nommer. En 1848, il remporta la victoire
dans la lutte engagée entre le protectionisme et le libre-échange, grâce
surtout à Richard Cobden et John Bright, appuyés par Robert Peel.
Ce libéralisme économique est souvent
désigné sous le nom de école de Manchester, quoique celle-ci ne constitue
qu'un groupe spécial de l'école libérale économique.
Une fraction du libéralisme continua Ã
se laisse guider par ses principes absolus.
Ce furent les libéraux intransigeants
dont les principaux étaient Joseph Garnier, De Molinari, Léon Say, Maurice
Block, Yves Guyot, Courcelle Seneuil etc.
d.
Ecole libérale modérée.
Une importante réaction ne pouvait tarder
à se produire contre le libéralisme économiste classique. Ses principes
avaient eu, dans la pratique, des conséquences désastreuses au point
de vue industriel et humanitaire. Un certain nombre d'économistes, tout
en restant fidèles aux principes fondamentaux de l'école orthodoxe, crurent
devoir en faire une application pratique moins rigoureuse. C'est ainsi
que, pour remédier aux maux les plus aigus du libre-échange, ils conseillent
une légère intervention de l'Etat, pour corriger les abus, ils consentent
à appeler à leur aide les principes de la morale, enfin, vaincus par
l'évidence des faits ils font la part plus large à l'observation, Ã
l'induction.
Les principaux représentants de ce libéralisme
modéré sur le terrain économique sont : Cairnes,Thorold Rogers, Leroy-Beaulieu,
Levasseur, Baudrillard, Emile de Laveleye.
e.
Le néo-libéralisme.
Le néo-libéralisme représente un retour
aux principes les plus radicaux du libéralisme économique. Il prône
en particulier un effacement de l'intervention de l'Etat sur l'économie
(dérégulation); le marché seul faisant loi. Il a eu pour théoriciens,
dans les années 1980, Milton Friedmann et l'école de Chicago, et pour
relais politiques, notamment, le président Ronald Reagan, aux Etats-Unis,
le premier ministre Margareth Thatcher, au Royaume-Uni, mais aussi, comme
pour rappeler que libéralisme économique et libéralisme politique ne
vont pas de pair, le dictateur Augusto Pinochet, au Chili.
f.
Le libéralisme de Gauche.
Le libéralisme
de gauche est une approche qui tente de concilier les principes du libéralisme
politique, tels que la liberté individuelle, les droits civils et politiques,
avec un libéralisme économique dans lequel une intervention gouvernementale
modérée peut atténuer les inégalités économiques et sociales. Il
accorde une importance particulière à l'égalité des chances et à l'accès
équitable aux ressources et aux opportunités. Les libéraux de gauche
soutiennent souvent des politiques telles que la sécurité sociale, l'éducation
publique gratuite ou abordable, et des réglementations économiques visant
à réduire les monopoles et à protéger les travailleurs. Ils croient
en une économie de marché mais prônent une régulation gouvernementale
pour éviter l'exploitation et les déséquilibres sociaux.
g.
Le social-libéralisme.
Le social-libéralisme
est un courant politique qui se base sur les principes du libéralisme
économique classique en faveur d'une économie de marché, et du linéralisme
politique , en faveur de la liberté individuelle et des droits humains,
tout en admettant un rôle actif du gouvernement dans la correction des
inégalités et dans la prestation de services sociaux essentiels. Les
sociaux-libéraux soutiennent des politiques comme les filets de sécurité
sociale, la régulation du marché pour prévenir les abus, la progressive
redistribution des richesses et des opportunités pour promouvoir l'égalité
des chances. Ils cherchent à équilibrer les libertés individuelles avec
la responsabilité sociale, en garantissant que le marché fonctionne de
manière à ce que les avantages soient étendus aussi largement que possible
dans la société.
La doctrine commune.
a) L'humain est essentiellement bon (J.-J.
Rousseau). Donc toutes ses tendances le sont aussi. Or, dans le domaine
des intérêts matériels l'humain sent en soi une tendance unique, irrésistible
à rechercher sans limites son intérêt personnel (self-love, selfinterest,
selfishness).
La recherche sans limites du bien-être
matériel, voilà donc le principe unique qui doit guider l'humain dans
la sphère économique.
Ce principe se résume dans cette formule
: enrichissez- vous. C'est la liberté sans entrave quant à l'objet Ã
poursuivre.
b) L'humain est essentiellement bon (J.-J.
Rousseau). Donc toutes ses tendances le sont aussi. Par conséquent pour
atteindre sûrement l'objet poursuivi : les richesses, il n'y a qu'à suivre
la tendance naturelle.
Et puisque chaque humain est doué de la
même nature et de la même bonne tendance, tous les humains en suivant
leur pente naturelle dans la recherche du bien, trouveront leur prospérité
matérielle.
Laissez donc à chaque individu la pleine
liberté dans la manière de poursuivre son intérêt personnel, et spontanément
se réalisera le meilleur état social possible. La formule résumant ce
second point es toujoust : Laissez faire, laissez Passer.
Elle consacre la liberté individuelle
illimitée quant au mode de poursuivre la richesse.
Fausseté du principe
fondamental de Rousseau.
La double loi économique du libéralisme
est déduite de la proposition de J. J. Rousseau :
« L'humain
est essentiellement bon, donc toutes ses tendances le sont aussi. »
Que cette proposition soit fausse, il semble
superflu de le prouver. En effet :
a) Qui admettra de bonne foi que
l'humain s'abandonnant aux tendances ou passions qui l'agitent, agisse
bien?
b) Qui croira que le genre humain tout
entier est dans l'erreur quand il poursuit de son mépris ceux qui satisfont
leurs instincts pervers, c.-Ã -d. ce que Rousseau appelle tendances naturelles,
alors qu'il réserve son admiration et son respect pour ceux qui savent
les dominer, pour ceux donc qui, d'après Rousseau, agissent mal puisqu'ils
résistent à des tendances bonnes ?
Procédé illogique
de l'école libérale.
Le procédé illogique de l'école libérale
consiste à ne considérer la nature humaine que d'une manière abstraite
donc incomplètement.
a.
Quant a leur première loi.
Les libéraux ne considèrent l'humain
qu'abstraitement, seulement comme tendant à sa fin matérielle (homo oeconomicus)
et lui tracent comme tel, des règles pratiques, concrètes d'action, comme
s'il n'avait pas d'autre fin à atteindre.
Ils pèchent donc et contre le simple bon
sens en méconnaissant la nature vraie de l'humain, et contre une règle
élémentaire de logique qui défend d'appliquer à l'ordre concret ce
qu'on n'affirme que de l'ordre abstrait.
b.
Quant à leur seconde loi.
Appuyée sur le principe de Rousseau,
l'école libérale affirme que chaque humain possédant une tendance naturelle
à poursuivre son intérêt personnel, chaque humain n'aura qu'à suivre
cette tendance bonne pour que tous soient heureux.
1° Supposons que tout cela soit
exact, la conclusion qui s'impose est celle-ci : tous les humains considérés
abstraitement comme individus, sans lien social entre eux, seront heureux.
Or, en réalité, l'humain n'est pas seulement une individualité
ou, si l'on préfère, l'humanité entière n'est pas une simple collection
d'individus, non! l'humain est, en tant qu'il est humain, un être social,
ayant des relations avec d'autres humains.
2° Bien plus, l'intérêt personnel envisagé
exclusivement doit fatalement produire le contraire du bien social. La
raison en est simple. Le bonheur social, la cohésion sociale supposent
un principe unificateur; tandis que l'intérêt personnel, exclusif, l'égoïsme
qui tend de sa nature à la séparation, ne peut que relâcher les liens
sociaux, séparer les classes et les opposer l'une à l'autre, séparer
même les individus et les amener à se combattre.
Preuve tirée de
l'observation des faits.
a. « L'intérêt, le besoin de la richesse
pour soi, tel est l'unique mobile de l'activité économique. » VoilÃ
la première base de la doctrine libérale. Or, l'expérience proteste
contre cette affirmation.
L'activité dans l'ordre économique a d'autres
mobiles. La jalousie, l'ambition, le désir de dominer, de faire de la
propagande, la haine etc. influencent bien souvent l'activité humaine
dans sa poursuite des richesses.
b. Quant au second Principe : liberté
dans la manière de se procurer des richesses, libre-échange, libre concurrence
etc.; les faits lui ont infligé un cruel démenti. On peut lire dans la
plupart des auteurs l'énumération des maux causés par le libéralisme
économique. Contentons-nous de dire que ce sont ses conséquences désastreuses
qui ont fait poser la question sociale. Ce sont elles qui ont réduit l'ouvrier
à une situation d'infortune et de misère imméritée, qui ont allumé
la guerre entre les capitalistes et les prolétaires.
(A19). |
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