| Sir Kenelm Digby, fils de sir Everard, est un diplomate anglais, né à Londres en 1603, mort à Londres le 11 juillet 1665. Dès 1620, il commençait sa carrière de héros de roman en tombant amoureux de Venetia, fille de sir Edward Stanley, de Tonge (Castle Shropshire), à qui il jura une éternelle fidélité. Sa mère le fit voyager sur le continent. A Angers, il fut ou se crut en butte aux avances galantes de Marie de Médicis, et s'enfuit. Il passa deux ans à Florence et à Madrid, où il se rendit agréable au prince de Galles, le futur Charles Ier, de passage à la cour d'Espagne. Il revint en Angleterre avec Charles, en 1623. Venetia Stanley s'était, dit-on, fort bien consolée de son absence; elle recevait de lord Dorset 500 livres sterl. par an. Digby l'épousa cependant; Dorset était son ami, et on dit qu'il continua d'exiger de lui, après son mariage, le subside annuel de 500 livres. Quoi qu'il en soit, il devint un des ornements de la cour, lié avec les gens de lettres et l'aristocratie; Edward Hyde, Ben Jonson. II avait une intarissable faconde et des manières engageantes. En 1627, il partit pour écumer la Méditerranée, avec deux corsaires. Le fameux coup de main de Seanderoon livra à sa merci la flotte franco-vénitienne. Il fouilla Milo, Délos, en quête d'antiquités, et revint en Angleterre où son gouvernement le désavoua. Héritier, en 1630, de la bibliothèque de son ancien précepteur, Thomas Allen, il l'offrit, dès 1623, à la bibliothèque Bodléienne d'Oxford. Les deux cent trente-huit «-manuscrits Digby » de la bibliothèque Bodléienne attestent encore aujourd'hui la générosité de sir Kenelm. En 1633, lady Digby mourut, et on raconta qu'il l'avait tuée en la forçant à boire certain poison pour conserver sa beauté. II manifesta cependant une pompeuse douleur; tous les versificateurs du temps embouchèrent la trompette en l'honneur de la défunte, et Digby se retira à Gresham College, où il passa deux ans, habillé comme un ermite, à faire des expériences d'alchimie. En 1638, il publia à Paris un écrit apologétique en faveur du catholicisme (A Conference with a lady about the choice of a Religion). Déclaré suspect par le Long Parlement, il souffleta et tua en duel un gentilhomme français qui avait mal parlé de Charles Ier devant lui. En 1642, il fut emprisonné par ordre du parlement; on essaya de lui faire dénoncer les tendances papistes de son ami, l'archevêque Laud; on l'expulsa enfin du territoire anglais (1643). Kenelm Digby, par Van Dyck (National Gallery). En France, Digby, qui avait déjà publié divers ouvrages de critique littéraire et de philosophie, rédigea et fit imprimer deux grands traités philosophiques : Of Bodies et Of the Immortality of man's soul. La reine Marie-Henriette le nomma en exil son chancelier et il fut envoyé à Rome par les catholiques anglais lever de l'argent pour la cause royale (1645). Innocent X le jugea « brouillon et agité »; sa mission échoua et ses relations avec le pape finirent par des gros mots. En 1647, il reparaît brusquement en Angleterre, désireux de vivre « sous les cieux souriants » de ce pays. On l'expulse; il revient mystérieusement, faisant de louches et continuels voyages de France en Angleterre, et réciproquement. Il est avéré que Digby, de 1649 à 1654, eut des pourparlers familiers avec Cromwell. Un correspondant de Thurloe le considérait, en 1655, comme l'agent du gouvernement de Cromwell à Paris. En retour, Digby essayait d'arracher à Cromwell des concessions en faveur des catholiques. - En dépit de ces trafics suspects, il restait du reste l'homme des royalistes exilés, le chancelier favori de la reine Henriette, et la Restauration l'accueillit à bras ouverts. Il s'occupa alors de botanique (La botanique au XVIIe siècle), contribua à fonder la Royal Society, tint salon dans sa maison de Covent Garden, où, comme ami de Descartes, il luttait souvent contre Hobbes. Comme savant, il n'eut aucun mérite. L'astrologie et l'alchimie séduisirent par-dessus tout cette intelligence vive et vagabonde. Il passa pour l'inventeur de la fameuse « poudre de sympathie » qu'il préconisa comme panacée dans des conférences faites à Montpellier, en 1658. En philosophie, c'est un aristotélicien encore imbu de scolastique. Son autobiographie; sous forme de roman ( pouvait-on s'y prendre autrement? -, a été publiée par N. Harris Nicolas (Private Memoirs of sir K. Digby; Londres, 1827, in-8). (Ch.-V. L.). | |