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Le commerce à l'époque moderne
1500-1900
La révolution économique qui se produisit à la fin du XVe siècle, et qui marque pour l'histoire du commerce le commencement des temps modernes, fut due aux découvertes géographiques de la route maritime des Indes par le sud de l'Afrique et du nouveau continent confondu d'abord avec les Indes. Ces explorations, dirigées vers les Indes orientales ou occidentales, seront exposées dans les pages consacrées à l'histoire de la géographie; elles eurent pour cause, mais aussi pour conséquence, d'immenses progrès de l'art nautique ainsi que de la navigation. Elles inaugurent dans l'histoire des transports une époque tout à fait nouvelle avec celle du grand commerce maritime. Jusqu'ici le commerce de terre, par caravanes, avait été le plus fréquent, le cabotage le long des côtes était la forme presque unique de la navigation maritime; avec la découverte de l'Amérique commencent les traversées océaniques, les voyages au long cours. La cargaison d'un seul navire venant de l'Inde à Lisbonne dépassait tout ce que pouvait déplacer la plus grande caravane asiatique. Le prix des transports fut énormément diminué; l'usage des produits des régions tropicales se généralisa avec l'abaissement des prix. Seuls les plus précieux sous un petit volume, épices, pierres précieuses, étoffes rares, matières tinctoriales, supportaient les frais d'un long transport et de transbordements nombreux. 

On put apporter des articles bien plus encombrants, des denrées alimentaires nouvelles, le riz, le sucre qui remplaça le miel dans la consommation européenne; la capacité des navires s'augmenta sans cesse, la prix du fret baissa. Une foule de bois, de substances tinctoriales et médicinales nouvelles furent introduites; de grandes cultures furent créées au nouveau monde qui produisit et exporta les plantes de l'Asie, sucre, café, coton, à côté des siennes, tabac, cacao, vanille. Tous ces articles, tirés surtout des colonies, prirent le nom de denrées coloniales. Leur consommation ne se développa tout à fait qu'au courant du XVIIe siècle et au XVIIIe; en Angleterre, celle du sucre passe de 22 a 181 millions entre 1700 et 1785; celle du coton et du thé est plus que décuplée. Le commerce des états marchands du Moyen âge, Venise, Flandre, la Hanse parait bien médiocre comparé à celui des temps modernes. Le prix des transports a tellement baissé, leur quantité s'est tellement accrue qu'une centralisation comme celle du marché de Bruges ne serait plus possible; tous les peuples prennent part à l'activité commerciale, les centres se multiplient. 

En même temps la spécialisation progresse : on distingue les diverses opérations commerciales, importation, exportation, commission, banques, armements maritimes, assurances, trafic de marchandises, du numéraire; les opérations financières et les spéculations commerciales se développent et se différencient de plus en plus. Le commerce est réglé par des lois et des usages plus précis, qui accroissent sa sécurité, permettent l'emploi général d'auxiliaires et d'employés à distance, le commerçant n'est plus obligé d'accompagner ses marchandises et la division du travail devient le principe constant.

Un autre effet non moins grave fut de déplacer le centre de gravité de l'ancien monde; jusqu'alors la Méditerranée avait été le théâtre principal de l'activité commerciale des peuples dispersés autour de ses bords, mais l'Asie anté rieure est ruinée, de même l'Afrique du Nord, les nouvelles routes commerciales partent des ports de l'océan Atlantique; le centre de la civilisation et de la richesse n'est plus aux confins des trois continents du vieux monde, il est sur l'océan Atlantique qui réunit l'ancien et le nouveau continent; aux Egyptiens, aux Syriens, aux Grecs, aux Italiens vont succéder les Portugais, les Hollandais, les Français, les Anglais.

Un autre trait marque les Temps modernes, c'est l'adoption par les nations centralisées d'une politique commerciale définie on les visées centralisatrices prévalurent. Au Moyen âge, période de fractionnement politique et d'individualisme, le commerce est essentiellement cosmopolite; abstraction faite des impôts et péages prélevés sur lui, on le laisse choisir sa voie et ses procédés en toute liberté, sauf à Venise où l'Etat est le premier commerçant. Les gouvernements du XVIe siècle eurent une conception toute différente; les nations centralisées de l'Europe occidentale se découvrirent un intérêt collectif, un intérêt national qui unit leurs différentes classes sociales contre l'étranger; le commerce devint une affaire politique où le gouvernement intervint par des lois et des institutions puissantes. Les rivalités entre peuples furent portées sur le terrain économique où le développement du sentiment national eut de profondes conséquences. Chaque Etat chercha à protéger ses sujets, à paralyser le commerce du voisin par des monopoles, des droits de douane; on ne toléra plus l'exploitation du commerce international par des intermédiaires italiens ou hanséates, chaque peuple en voulut sa part, chaque gouvernement tint à être maitre chez lui. Ce qui prévalut d'abord ce fut le système des monopoles. 

« Le gouvernement s'attribue le droit de régler tout le mouvement commercial et industriel du pays par des monopoles, qu'il vend ou afferme à des compagnies pour des sommes considérables, en s'y réservant assez souvent à lui-même une part de profit. L'administration des finances est tout entière organisée sur cette base, l'industrie est plus que jamais resserrée dans les liens des corporations, et le commerce extérieur ne peut plus être exploité qu'à la faveur d'un privilège. Chaque objet de consommation, chaque pays de provenance est livré au monopole exclusif d'une compagnie marchande; un pays suit l'exemple d'un autre; l'esprit de l'époque les subjugue tous, et ce n'est que vers le milieu du XVIIIe siècle que l'idée de la libre concurrence commence à se produire en France jusqu'à ce que la grande révolution de 1789 proclame le droit de tous les citoyens au libre exercice de l'industrie et du commerce. » (Scherer).
II faut avouer que les concessions de privilèges considérables aux grandes compagnies pour le commerce transocéanique se justifient à une époque où ce commerce exigeait des efforts et des dépenses qui excédaient les ressources de simples particuliers. Il fallait entretenir dans les pays lointains un personnel nombreux, souvent une force armée; les capitaux engagés dans l'entreprise ne rapportaient pas de bénéfice immédiat; seules des compagnies pouvaient s'engager dans ces entreprises, et seulement avec des privilèges qui fussent une garantie de succès, à moins que le gouvernement ne s'y engageât lui-même, comme en Portugal. Les compagnies servirent donc les progrès du commerce; mais ensuite, elles détendirent leurs monopoles contre la concurrence des particuliers et profitèrent de leurs privilèges pour élever arbitrairement les prix, sans souci de restreindre la consommation. Mal gérées, la plupart périrent avant la fin du XVIIIe siècle. Le système douanier se transforma au service de la politique; au lieu d'être un instrument fiscal, il servit à protéger l'industrie nationale; les droits d'entrée, primes de sortie, droits différentiels se développèrent. 

Transportés dans le domaine de la politique, les problèmes économiques donnèrent lieu à des systèmes que les gouvernements appliquèrent plus ou moins. On dressa par la statistique le bilan de la richesse des nations. Les philosophes s'adonnèrent à l'étude de ces questions, et une science nouvelle naquit au XVIIe siècle, l'économie politique, qui réagit sur la pratique au XIXe. Mais jusqu'alors la théorie de la balance du commerce prévalut et eut de funestes effets, d'autant qu'on évaluait la richesse nationale d'après la quantité de numéraire et qu'on cherchait à attirer ou à retenir le métal précieux par des mesures arbitraires. Par une singulière contradiction, tandis qu'on favorisait le commerce extérieur dans l'idée de l'enrichir par la vente, ébloui par l'exemple de la Hollande, on négligeait le commerce intérieur paralysé par les barrières, péages, douanes intérieures, monopoles : le système mercantile, conçu pour faire prévaloir les exportations sur les importations, en frappant celles-ci de droits de douane, eut du moins l'avantage de rendre au commerce intérieur quelque profit; le développement des routes fit aussi beaucoup. Bien que dans les relations internationales le commerce maritime eût tout à fait prévalu, le commerce par terre ne disparut pas; les routes des Alpes furent encore très fréquentées, et, parmi les foires, plusieurs de celles qui étaient internationales ne dépérirent pas d'abord : telles les foires de Beaueaire, Sinigaglia, Francfort, Leipzig, Nijni Novgorod. Dans l'intérieur de l'Asie et de l'Afrique les caravanes continuèrent.
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Illustration satirique sur la réciprocité des échanges commerciaux.
De la réciprocité dans le commerce international. - L'image montre la perplexité de l'Oncle Sam (personnifications des Etats-Unis), debout devant un magasin bien garni de tous lles biens s'échangeant sur le marché international et portant la mention "Avis - ici, pas de réciprocité dans les échanges"; un homme portant la mention "commerce" est endormi au comptoir. De l'autre côté de la rue se trouve Otto von Bismarck (l'Allemagne) vendant des cartes. A l'arrière-plan, on voit, se serrant la main  devant de leurs boutiques, Nicolas II (la Russie), tenant un morceau de papier proposant "faisons la trêve", et John Bull (l'Angleterre). Un écriteau sur la porte de la boutique anglaise indique: "réciprocité dans les échanges". (Illustration Bernhard Gillam, dans la revue satirique Puck, 1885).

L'élaboration du droit commercial et du droit international se fit lentement et ne s'acheva qu'au XIXe siècle. Le grand commerce développa avec lui les assurances, garantissant le négociant contre les accidents maritimes et autres; le crédit fut organisé avec une puissance dont les temps antérieurs n'auraient pas même eu l'idée; les banques de dépôt, d'escompte, de prêt se développèrent partout. Les placements internationaux, inaugurés en grand par les Hollandais qui en firent pour deux milliards, ont eu sur le développement des nations jeunes une influence décisive; aux autres même ils ont souvent évité de terribles catastrophes, tout en procurant de forts bénéfices aux pays surchargés de numéraire. Les spéculations financières, centralisées dans les bourses, en furent la conséquence, et malgré d'énormes inconvénients elles ont aussi servi la cause du progrès économique par la facile circulation des capitaux. La division du travail entre le commissionnaire, l'expéditeur, l'armateur, l'affréteur, le courtier, s'élabora dans les bourses où l'on cherchait perpétuellement à perfectionner les combinaisons commerciales. On sait l'extrême importance des métaux précieux dans le commerce de l'Antiquité ; elle fut bien dépassée au XVIe et au XVIIe siècle, et il fallut des siècles pour faire comprendre que le numéraire était non pas la richesse, mais le signe représentatif de la richesse et une marchandise comparable aux autres. 

Le fait dominant de l'histoire commerciale des Etats européens dans les Temps modernes, c'est leur politique coloniale, la fondation de vastes colonies destinées à servir de débouchés aux produits de la métropole et à l'approvisionner de denrées tropicales; l'Etat se procurait ainsi des possessions vis-à-vis desquelles il se comportait comme un propriétaire vis-à-vis d'une ferme. 

Nous rappellerons encore que la grande navigation eut pour conséquence la grande pêche maritime, objet d'un trafic très considérable, et que le système colonial fondé sur le travail des prétendues races inférieures provoqua l'organisation d'un nouvel esclavage, la traite des Noirs qui fut un des objets principaux du commerce depuis le XVIe jusqu'au XVIIIe siècle et développa beaucoup les échanges avec l'Afrique.

Le dernier fait général à signaler, c'est la prépondérance économique de l'Europe et l'énorme développement de sa richesse industrielle. Toutefois, ce dernier progrès, dû à la science et aux machines, ne s'est réalisé qu'au XIXe siècle.

L'activité des peuples se porte sur les travaux agricoles et manufacturiers; l'esprit d'invention régénère l'industrie, la production augmente immensément ainsi que la consommation; le commerce, dès lors, prend des proportions sans précédent.

Ce qui contribue puissamment à son essor, c'est le perfectionnement des voies de communication et des moyens de transport. Il ne s'agit pas seulement de routes ordinaires et de canaux multipliés et soigneusement entretenus. Fulton applique à la navigation, qui jusque-là ne s'était servie que de la voile, la puissance de la vapeur; des bateaux à vapeur paraissent sur les rivières, sur les fleuves et sur les lacs; ils franchissent les détroits; ils longent les côtes maritimes; ils finissent par effectuer sur la mer les trajets les plus étendus. A la navigation à vapeur transatlantique se joint, pour la sécurité et pour la rapidité du commerce maritime, une connaissance approfondie des courants dont la mer est sillonnée. Une autre invention transforme le commerce de terre et lui assure une importance qu'il n'avait jamais connue, c'est l'invention des chemins de fer, sur lesquels des locomotives mues par la vapeur mettent en mouvement des trains de wagons innombrables, et dont les immenses réseaux couvrent le sol de tous les États. La télégraphie électrique, enfin, supprime littéralement les distances sur la terre comme sur la mer.

De même qu'au commencement des Temps modernes les métaux précieux du nouveau monde vinrent en aide à un mouvement d'affaires beaucoup plus considérable, l'or de la Californie et de l'Australie subvient aux nécessités d'opérations qui se multiplient chaque jour. En même temps, du reste, les institutions de crédit dont les papiers suppléent à la monnaie, se développent sur une grande échelle.
Les nations constituent successivement l'unité de leur marché intérieur. 

Le commerce n'est plus, à la fin du XIXe siècle, comme dans d'autres temps, l'occupation spéciale d'un petit nombre de peuples, il est plus ou moins pratiqué par tous. Mais il est principalement entre les mains des Occidentaux. Les principaux centres commerciaux du monde sont Londres, Paris et New-York. (A.-M. B / Henri Richelot).

Les principaux acteurs du commerce mondial entre 1792 et 1900.

Portugal.
Appelé par sa situation géographique à la navigation, le Portugal avait pour mission de réaliser le pressentiment des siècles. Il eut, à cette époque, appelée son âge d'or, le bonheur d'être gouverné par une suite de princes, parmi lesquels on doit citer Henri le Navigateur et Emmanuel le Grand. Dès les premières années de son règne, Emmanuel atteignit le but dont son prédécesseur s'était peu à peu approché. Vasco de Gama effectua le trajet maritime de l'Inde, et aborda, le 18 mai 1498, à la côte de Malabar. Le roi prit alors le titre de maître de la navigation et du commerce de l'Afrique, de l'Arabie, de la Perse et de l'Inde; et ses sujets furent saisis d'un enthousiasme qui renversa tout devant lui. En 1505, François Almeida, avec une flotte de vingt-deux voiles, la plus grande qui eût été équipée jusque-là, partit comme vice-roi de l'Inde , chargé de détruire le commerce des Arabes. Depuis ce moment se déroule le tableau d'une histoire commerciale, qui ressemble à un roman; car les faits d'armes les plus spectaculaires et le prosélytisme religieux se mêlent aux spéculations mercantiles. Almeida et son successeur Albuquerque y acquirent une immense rennomée. Ce dernier, après un siège long et difficile, prit d'assaut, le 25 novembre 1510, sur la côte de Malabar, la ville de Goa, qui atteignit promptement, comme centre commercial, une prospérité extraordinaire. En peu d'années, tout le littoral d'Ormuz à Ceylan (Sri lanka) reconnaissait l'autorité des Portugais, qui dominaient encore par delà le cap Cormorin jusqu'aux Moluques.

Alors commença pour le Portugal un commerce maritime, placé sous la direction du gouvernement, mais ouvert à tous les Portugais. Des flottes, partant à des époques régulières, faisaient le trajet entre Goa et Lisbonne, qui s'éleva à un liant degré de splendeur.

En 1500, le hasard avait fait découvrir le Brésil à l'amiral portugais Cabral. Cette contrée fut d'abord une colonie pénitentiaire. Puis elle acquit une importance commerciale par la culture du sucre, qui, à cette époque, apparaît pour la première fois dans les ports d'Europe en quantité considérable. Plus tard, ou y découvrit les mines d'or et de diamants de Minas-Geraès et du Cerro da Rio.

Pendant toute la durée du XVIe siècle, le Portugal eut le monopole du commerce de l'Inde, et Lisbonne en fut l'entrepôt. Mais la décadence commença lorsque le Portugal fut tombé sous la loi de l'Espagne. Le décret espagnol qui, en 1594, ferma aux Hollandais le port de Lisbonne, fonda l'empire de ces derniers dans l'Inde, ainsi que leur prépondérance commerciale, et commença la ruine des Portugais.

Espagne.
Les Espagnols, sans avoir l'esprit du commerce, ont été cependant appelés à jouer un grand rôle dans son histoire. On ne peut guère citer parmi eux comme ayant de l'aptitude pour le négoce que les Catalans. Les Juifs et les Maures, animaient la péninsule; le fanatisme espagnol les en expulsa. En revanche, l'esprit chevaleresque , héroïque, acquis dans les luttes contre les Maures, fit faire aux Espagnols de grandes choses dans le nouveau monde, où les avait conduits Christophe Colomb. De là, les conquêtes du Mexique, du Pérou, l'occupation de la plus grande partie de l'Amérique du Sud, et par suite la fondation d'un imposant système colonial. Mais la soif de l'or fut à peu près l'unique mobile de ces entreprises, et la contrée la plus fertile, douée du climat le plus beau et le plus sain, était dédaignée quand on n'y trouvait pas de traces d'or et d'argent. L'extraction des métaux précieux ne fut pas dénuée d'avantages pour l'Espagne elle-même; mais elle exerça surtout une influence considérable sur le commerce mondial.

Un ensemble colossal de pays situés dans les climats les plus divers, et accru encore, sous Philippe II, par les possessions portugaises, ouvrait au commerce espagnol le marché le plus vaste et le plus riche qu'on pût concevoir; mais il en tira peu de parti. Deux escadres royales se rendaient chaque année, ou au moins tous les deux ans, en Amérique; l'une était appelée la flotte, et l'autre les galions. Les galions faisaient le commerce du Pérou et du Chili; la flotte, celui de la Nouvelle-Espagne ou Mexique et des provinces adjacentes. Les escadres étaient escortées par des bâtiments de guerre. Les bâtiments étaient affrétés par les négociants de Séville et de Cadix. Peu de temps après l'arrivée des galions, les négociants de l'Amérique du Sud apportaient par mer à Panama, et de là par terre à Porto-Bello, les produits de leurs mines et d'autres articles précieux destinés à être échangés contre des objets manufacturés. La ville, en d'autres temps abandonnée et déserte, se remplissait alors d'une foule innombrable, et le marché restait quarante jours ouvert; mais il n'était pas livré à la libre concurrence, tout y était prévu et réglé d'avance.

Les prix étaient fixés par les délégués des commerçants des deux hémisphères, à bord du vaisseau amiral, en présence du gouverneur de Panama. Pendant ce temps, la flotte était arrivée à la Veracruz, pour procéder avec la Nouvelle-Espagne aux mêmes opérations qu'à Porto-Bello, et sous les mêmes conditions.

Après avoir détaché quelques navires pour trafiquer avec les îles, les escadres se réunissaient à la Havane, d'où elles retournaient en Europe. Sous Philippe II, indépendamment des métaux précieux, leurs cargaisons comprenaient encore de l'indigo, de la cochenille, du sucre, de la vanille, du bois de campêche, du quinquina et des peaux tannées. Mais plus tard, ces produits étant de plus en plus dédaignés, elles se composaient presque exclusivement d'or, d'argent, de perles de Panama et de la Californie et de pierres précieuses. L'importation dans les colonies consistait principalement en tissus de laine et de lin, meubles, instruments aratoires, ouvrages en métaux, objets de luxe de toute sorte, vins, huiles et provisions de bouche.

Le commerce des colonies espagnoles, soumis à toutes les rigueurs du système colonial, fut bientôt envahi par une contrebande qui s'exerça sur une grande échelle, et que le gouvernement fut obligé de tolérer. Ce commerce interlope fut poussé systématiquement par la Hollande, l'Angleterre et la France, et les neuf dixièmes des marchandises consommées dans les colonies étaient de fabrication étrangère. Bientôt, d'ailleurs, à partir du règne de Philippe II, le despotisme énerva peu à peu, dans toute la monarchie espagnole, l'activité commerciale, qui ne se ranima un peu qu'au XVIIIe siècle sous les Bourbons.

Hollande. Pays-Bas.
Lorsque, le 23 janvier 1579, à Utrecht, les Hollandais se constituèrent sous le nom de république des sept Provinces-Unies, non seulement ils avaient secoué le joug de l'Espagne, mais ils avaient jeté les fondements d'une grandeur commerciale extraordinaire. Déjà dans le Nord-est de l'Europe ils avaient acquis la prépondérance sur les Hanséates. Déjà leurs pêcheries étaient florissantes. Possédant, par leur commerce avec le Nord-Est, les meilleurs matériaux de construction, et par leurs pêcheries les meilleurs matelots, ils surpassèrent bientôt sur mer les autres peuples, et ce fut cette supériorité qui leur permit de résister à l'Espagne et en dernier lieu de la vaincre. L'élément qui les environnait partout de ses terreurs, qui souvent envahit leurs campagnes et leurs villes, se trouva être le palladium de leur indépendance et la source de leur richesse.

Pour devenir la première puissance commerçante, il fallait, chose remarquable, qu'ils eussent pour adversaire le roi d'Espagne, dans les vastes États duquel le soleil ne se couchait pas. S'ils n'avaient pas été amenés à conquérir les colonies espagnoles et portugaises, leur commerce et leur navigation n'auraient dépassé que de fort peu le commerce et la navigation de la Hanse, leur sphère d'activité eût été restreinte à l'Europe, et, dans l'hypothèse la plus favorable, ils n'auraient été rien de plus que les intermédiaires entre le nord-est et le Sud-Ouest.

Par la ruine d'Anvers, les affaires de cette place passèrent à celle d'Amsterdam, déjà prospère. Amsterdam, comme héritière d'Anvers, chercha avant tout à conserver les bénéfices du commerce de l'Inde, en continuant les relations avec Lisbonne, le seul port qui reçût alors de cette contrée des arrivages directs. L'Espagne, en guerre avec les provinces rebelles, mit tout en oeuvre pour anéantir ce trafic, mais inutilement. Tant que le Portugal conserva son indépendance, il ne prit aucune part à, la lutte de l'Espagne avec la Hollande, et les négociants des Pays-Bas furent parfaitement accueillis sur le marché de Lisbonne. Mais quand, en 1580, il passa sous la domination de l'Espagne avec toutes les colonies d'outre-mer, Philippe II ne crut pouvoir mieux châtier une république odieuse, qu'en la privant des marchandises de l'Inde, que ses navires allaient chercher à Lisbonne. En 1594, il fit saisir dans ce port cinquante navires hollandais, et interdit, sous les peines les plus sévères, à ses nouveaux sujets, toute relation avec les provinces insurgées. Ce coup, terrible en apparence, fut le principe de la fortune commerciale des Hollandais. Ils comprirent qu'il n'y avait pas pour eux d'autre moyen de se tirer d'affaire, que d'aller chercher les produits de l'Inde dans l'Inde même. Les périls d'une navigation lointaine n'effrayèrent pas le génie entreprenant et la persévérante énergie de ce peuple. Après quelques tentatives avortées, on finit par réussir. La route de l'Inde fut frayée par un Hollandais, Cornélius Houtman, qui avait déjà plusieurs fois navigué outre-mer pour le Portugal, et qu'on fit sortir de la prison où il était retenu pour dettes à Lisbonne. Au bout de peu d'années, secondé par la haine amassée contre les Portugais, le commerce hollandais régnait dans les parages de la Sonde. Par la création d'une grande compagnie, qui entra en activité le 20 mars 1602, le commerce de l'Inde fut centralisé et déclaré expressément une affaire d'État.

Il fallait, avant tout, trouver dans l'Inde même un centre convenable d'opérations. Les Hollandais firent preuve d'une grande sagacité en jetant les yeux, dès le commencement, sur l'Insulinde, plutôt que sur le continent, et en choisissant une île. Parmi les produits de l'Inde alors les plus recherchés en Europe, les épices figuraient en première ligne. Les Hollandais conçurent le désir de s'emparer de ce commerce, et à cet effet ils prirent possession des Moluques. Mais les Moluques étaient trop écartées pour leur servir de centre; ils choisirent Java, qu'ils conquirent sur les Anglais, et y fondèrent Batavia (auj. Jakarta), siège du gouvernement général et d'une administration centrale, qui, par sa prospérité commerciale, mérita d'être appelée la perle de l'Orient. Par une rapide série de succès, la domination et le commerce des Hollandais aux Indes orientales atteignirent leur apogée à la fin du XVIIe siècle.

Les succès des Hollandais en Orient ne leur ont pas fait perdre de de vue l'Occident. Il se forma une grande compagnie des Indes occidentales, et cette compagnie fit la conquête du Brésil, que reprit bientôt, il est vrai, le Portugal. D'autres possessions en Amérique, que les Hollandais conservèrent, furent quelques-unes des Antilles, notamment Curaçao, de plus la Guyane, où leur établissement le plus considérable était Surinam.

L'essor extraordinaire de la navigation maritime de la Hollande permit aux Pays-Bas d'assurer à leur pavillon une large part du commerce intermédiaire. Les marchandises de l'Inde, réexportées d'Amsterdam, étaient réputées des produits de la métropole et obtenaient un libre accès dans tous les États dépourvus de colonies; les États mêmes qui en possédaient, étaient du moins obligés d'admettre les épices dont la Hollande avait le monopole. Les produits de l'industrie, de l'agriculture et des pêcheries de la Hollande, alimentaient l'exportation dans une proportion tout aussi grande.

Il se trouvait partout des retours pour ces chargements; les besoins de la Hollande, surtout en blé et en articles du Nord, s'étaient immensément accrus, et les marchés étrangers s'ouvraient à son trop plein. Par sa supériorité commerciale, elle s'était rendue indispensable, même dans les États dont la législation était le plus exclusive à son égard. Tels étaient, en premier lieu, l'Espagne et le Portugal; mais l'Angleterre et la France ne pouvaient pas non plus se passer de la navigation hollandaise, et, dans l'insuffisance de leur propre marine, elles étaient obligées, malgré leurs tendances restrictives, de lui abandonner leurs frets. L'Angleterre s'émancipa par l'acte de navigation, mais la France resta encore un peu de temps soumise à cette servitude.

Indépendamment du commerce des marchandises, la Hollande était le centre du commerce de l'argent et du crédit. Elle fonda, à Amsterdam et à Rotterdam, des banques de dépôt et de virement. Le commerce mondial avait accumulé chez elle tant de capitaux que l'argent n'était nulle part à plus bas prix, et les titres de tous les emprunts du temps, les actions des 

entreprises commerciales et industrielles du pays et de l'étranger avaient pour quartier général la bourse d'Amsterdam. 

Mais cette grandeur commerciale d'un petit État, minée par des luttes terribles et ruineuses, commença à décliner à partir du commencement du XVIIIe, où la France et surtout l'Angleterre s'adonnèrent au commerce avec des ressources beaucoup plus considérables.

Angleterre.
Le commerce de l'Angleterre, à partir du jour où il acquiert quelque, importance, offre trois périodes. Le règne d'Elisabeth Ire inaugure la première. A l'intérieur, un peuple majeur s'émancipe de la tutelle commerciale de la Hanse et acquiert un commerce propre; à l'extérieur, il triomphe de l'armada espagnole, revendique la liberté des mers et fonde des colonies. 

Cette première période n'offre qu'une marche assez lente. La seconde, qui commence avec l'acte de navigation et crée la puissance maritime, présente déjà un plus grand essor; mais la plus féconde est la troisième, qui, à dater de la paix d'Utrecht, révèle une égale énergie sur tous les points et dans tous les sens,,dans la métropole et dans les colonies dans le commerce comme dans l'industrie, dans l'agriculture comme dans la navigation.

La fabrication des laines était une vocation naturelle pour un pays qui produisait alors abondamment cette matière. Déjà Edouard III, au XIVe siècle, l'avait encouragée. Elle marcha lentement toutefois. La noblesse préférait vendre sa laine à l'étranger, et les fabricants d'Angleterre trouvaient dans ceux des Pays-Bas de rudes concurrents. Ils furent, en revanche, aidés par les Hanséates, qui avaient intérêt à susciter une rivalité aux Flamands, et qui réalisaient plus de bénéfices sur l'exportation des draps écrus d'Angleterre, qu'ils faisaient ensuite teindre et apprêter chez eux, que sur les articles entièrement manufacturés de la Flandre et du Brabant. L'industrie anglaise prit ainsi peu à peu de l'extension; mais ses envois consistaient exclusivement en draps de qualités communes. Affranchir le pays de l'entremise des Hanséates et exporter des draps ayant reçu le dernier apprêt, tel fut le but spécial de la société des aventuriers marchands. Ce but ne fut atteint que sous Élisabeth, lorsqu'elle eut restreint l'exportation des draps écrus et supprimé la concurrence hanséate. La reine chercha à naturaliser d'autres industries en Angleterre. Un acte de 1563 prohiba l'importation des armes, de la sellerie, des aiguilles, des dentelles et de divers articles en métaux et en cuir. L'attention se porta sur les mines; on fit venir d'habiles mineurs d'Allemagne. Le commerce était alors pratiqué par des compagnies, et ses relations les plus actives avaient lieu avec les Pays-Bas. La grandeur commerciale de Londres s'annonçait. Elisabeth s'appliqua aussi à encourager la marine marchande. Les grandes explorations dans le lord et les voyages autour du monde des Drake et des Cavendish, en 1581 et 1586, éveillèrent dans le peuple le goût de la navigation et étendirent ses connaissances nautiques. Si les plans de colonisation tentés par Walter Raleigh avortèrent, on posa du moins, dans les dernières années du règne d'Elisabeth, la première pierre du grand édifice de la domination anglaise aux Indes orientales. Philippe II, en fermant le port de Lisbonne aux Anglais comme aux Hollandais, les avait poussés à se rendre en Inde. A la fin de 1600 se forma la société des marchands de Londres trafiquant avec les Indes orientales, qui obtint de la couronne, pour quinze ans, le privilège du commerce avec tous les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique, situés au delà du cap de Bonne-Espérance jusqu'au détroit de Magellan.

Dans les temps qui suivirent on remarque la prohibition de sortie des laines, la fabrication des étoffes de coton, à Manchester, dont il est question pour la première fois en 1641; les premiers essais de l'industrie du fer et de l'extraction de la houille.

L'acte de navigation, promulgué par Cromwell en 1651, confirmé et complété, en 1660, par Charles II, cet acte qui resta si longtemps la charte maritime de l'Angleterre, éleva sa navigation sur les ruines de celle de la Hollande. Vers la même époque fut faite la conquête de la Jamaïque. Bientôt la révolution de 1688, en fondant les libertés publiques, donna des bases durables à la suprématie commerciale de l'Angleterre, et la réunion de l'Écosse fit de la Grande-Bretagne un vaste marché. Alors, après quelques tâtonnements, surgit la compagnie définitive des Indes orientales, à laquelle étaient réservées de si grandes destinées; alors le crédit fut établi par la création de la banque d'Angleterre.

Le XVIIIe siècle, en Angleterre, sous le régime de la monarchie constitutionnelle, offre un remarquable développement de l'agriculture et de l'industrie manufacturière, par suite du commerce et de la navigation qu'elles alimentent. C'est le temps des inventions fécondes des Watt, des Hargreaves, des Arkwright, des Wedgwood et autres. C'est aussi le temps de la fondation de l'empire anglo-indien, due aux Clive et aux Hastings. C'est aussi celui du développement rapide des colonies fondées par les immigrations successives du siècle précédent dans l'Amérique du Nord. Mais ces colonies, à la suite de dissentiments avec la métropole, se soulèvent et font reconnaître leur indépendance, sous le nom d'États-Unis, par la paix de Versailles en 1783. 

L'Angleterre, la plus habile dans l'industrie, dans le commerce et la navigation, a été la première à s'apercevoir que les entraves du système protecteur ont fait leur temps; elle a accompli peu à peu dans ce sens, des réformes auxquelles sont attachés les noms de Huskisson, de Cobden, de Robert Peel et de Gladstone : l'Angleterre n'a plus que des droits fiscaux. Ces réformes appellent l'attention des autres États sur leur propre régime commercial, et plusieurs en opèrent aussi, sinon dans les proportions de l'Angleterre, du moins dans une plus ou moins large mesure. 

C'est le traité de commerce de 1860, entre la France et l'Angleterre, qui semble devoir hâter le mouvement. Les prohibitions ont disparu et l'on s'attache à accorder au commerce des facilités de plus en plus larges. Certains pays, cependant, et en particulier les Etats-Unis, persistent encore dans le système d'une protection douanière énergique, mais pour la république américaine, le désir de payer sa dette y est pour beaucoup. Le système protecteur y est d'ailleurs, incessamment, battu en brèche.

France.
Les guerres civiles qui déchirèrent la France dans le premier siècle des temps modernes ne purent que décourager son commerce et son industrie. L'avènement de Henri IV, en lui rendant le repos et la concorde, les ranima. Sous le règne de ce prince s'acheva le canal de Briare, et la culture des mûriers fut encouragée. Mais le rôle actif de la France dans le commerce mondial ne date que de Colbert.

« Colbert, comme l'a dit Henri Martin, pensait qu'une grande nation, une société complète doit être à la fois agricole, industrielle et navigatrice, et que la France a reçu de la nature, au plus éminent degré, les conditions de cette triple fonction; toute sa vie fut employée à poursuivre la réalisation de sa pensée.» 
De ce point de vue, le grand ministre conçut et exécuta, du moins en partie, le plan de supprimer les péages intérieurs, de transporter les douanes aux frontières du royaume, de réunir la France entière sous un seul et même tarif, et d'ajouter la centralisation économique à la centralisation politique qu'elle possédait déjà. Afin de développer l'industrie nationale, il avait pris pour base de son tarif des douanes :
 Â« Réduire les droits à la sortie sur les denrées et les marchandises du royaume, diminuer aux entrées les droits sur tout ce qui sert aux fabriques; repousser, par l'élévation des droits, les produits des manufactures étrangères. » 
A ce programme se joignait le plan d'une étroite et forte organisation des corporations industrielles et d'une surveillance permanente et sévère de l'État sur le travail. Malgré des violences regrettables à la liberté du travail, l'industrie française fit, sous son influence, des progrès incontestables. Colbert employa des sommes considérables à ranimer des industries languissantes et à en introduire de nouvelles; il attira à grands frais dans le pays des industriels étrangers. Cinq cents drapiers hollandais s'établirent à Abbeville, en Picardie, et y naturalisèrent, ainsi qu'à Sedan et à Elbeuf, la fabrication des lainages les plus fins. Par des créations telles que celles des Gobelins et des grandes manufactures de glaces, Colbert, en flattant les goûts de son maître, assura l'avenir des industries de luxe. De là date l'empire de la France dans les objets de goût. Ses marchandises en ce genre furent de plus en plus recherchées à l'étranger, à mesure que Louis XIV étendait son influence.

Déjà, sous Mazarin, la marine française avait été affranchie de la prépondérance de la marine hollandaise par le droit différentiel de 50 sous par tonneau. Colbert maintint ce droit, et, par le système de l'inscription maritime, il créa la marine militaire et marchande de la France. Le Languedoc lui doit son canal. La réforme des consulats et un traité de commerce conclu avec la Porte en 1673, vivifièrent le commerce avec le Levant.

Malheureusement après la mort de Colbert, la révocation de l'édit de Nantes qui enleva à la France tant de bras industrieux, les désastres de la fin du règne de Louis XIV et les folies de la Régence, arrêtèrent les développements de son oeuvre. Mais elles ne la détruisirent pas complètement; après une fâcheuse éclipse, l'industrie et le commerce de la France reprirent peu à peu leur éclat dans le cours du XVIIIe siècle.

Colbert fit beaucoup aussi pour les colonies. Les Français n'avaient pris que peu de part à la navigation transatlantique; on cite seulement, au commencement du XVIe siècle, des tentatives particulières, et notamment celle de Jacques Cartier, à qui fut due véritablement la découverte du Canada ou de la Nouvelle-France. Malgré les Hollandais et les Anglais, cette contrée était restée à la France, et Québec et Montréal avaient été fondés en 1606. Colbert prit des mesures pour assurer l'existence de la colonie et pour en améliorer la condition matérielle. La domination française s'étendit dans l'intérieur jusqu'à la Louisiane. Parmi les Antilles, colonisées par les flibustiers, Colbert sut obtenir pour la France la Guadeloupe, la Martinique, la Grenade, et il en organisa le régime suivant les idées de l'époque. Ce fut encore sous Louis XIV et avant tout par sa volonté que fut fondée une grande compagnie pour l'exploitation du commerce des Indes orientales. La France possédait ainsi les éléments d'un vaste empire colonial; mais elle se les laissa enlever la plupart les uns après les autres. A la paix d'Utrecht, Louis XIV céda à l'Angleterre le pays de la baie d'Hudson, Terre-Neuve et l'Acadie. A celle de Paris, en 1763, Louis XV lui abandonna le Canada. Dans l'Océan Indien, au milieu du XVIIIe siècle, La Bourdonnais, à l'île de France (Maurice), Dupleix, à Pondichéry, eurent une action énergique; mais par suite de la jalousie entre ces deux hommes et des succès prodigieux des Anglais, l'empire colonial des Français disparut à peu près de l'Inde. Les Antilles, du moins, étaient prospères, surtout Saint-Domingue, et alimentaient un vaste commerce de denrées.

Les nouveaux venus.
La dispartion de la Hanse, puis les guerres avaient réduit considérablement l'importance commerciale de l'Allemagne. Celle-ci, morcelée, s'est unie au XIXe siècle dans une féconde association de douanes (le Zollverein) avant de se constituer en empire. L'Autriche a fait tomber les barrières qui s'élevaient entre ses deux moitiés orientale et occidentale. La Suisse, après s'être politiquement centralisée, centralise aussi son commerce, en substituant à ses nombreux péages cantonaux une seule ligne de douane à ses frontières. L'Italie, ayant conquis l'unité politique, la confirme par l'unité commerciale, sous un tarif de douane unique.

De l'autre côté de l'Atlantique, naissent ou se consolident de nouvelles puissances commerciales. Les États-Unis s'imposent très rapidement sur tout le continent. Ils seront les premiers à faire s'ouvrir le Japon aux grands flusx commerciaux mondiaux. La séparation du Brésil d'avec le Portugal, ouvre un nouvel et vaste espace en Amérique du Sud. Le Mexique et toute l'Amérique espagnole du Sud, secouant le joug de leur métropole, abolissent les restrictions de leur ancien régime colonial, et s'ouvrent eux aussi au commerce des autres pays. 

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