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Histoire de l'Europe > L'Espagne / L'Angleterre
L'Invincible Armada 
1588
Le mot armada signifie d'une manière générale en espagnol une escadre, une flotte, une armée navale; mais historiquement, même sans être accompagné d'une autre indication il sert à désigner la grande flotte dirigée en 1588 par l'Espagne de Philippe II contre l'Angleterre; plus souvent, dans ce cas, on joint au mot Armada l'appellation d'Invincible
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L'Invincible Armada.
L'Invincible Armada.

Le roi Philippe II avait de nombreux griefs contre la reine d'Angleterre Elisabeth Ire; outre qu'il s'était vu frustré de ses espérances au sujet de cette couronne, il voyait dans les Anglais des hérétiques et d'audacieux corsaires qui faisaient le plus grand mal à son empire colonial. Avec la ténacité qui faisait le fond de son caractère, Philippe II prépara lentement sa vengeance et s'occupa activement, sans relâche, d'un projet de descente en Angleterre

Une grande flotte, telle que l'Espagne seule en pouvait équiper une alors, devait tenir la mer Océane (= l'océan Atlantique), détruire la marine naissante des Anglais, et occuper les ports de la Manche. Cependant Farnèse ferait construire dans la forêt de Vaes, en Flandre, de nombreux bateaux plats, pleytas, sur lesquels ils franchirait le détroit avec son armée et marcherait sur Londres. C'était, on le voit, une entreprise assez analogue à celle que conçut plus tard Napoléon avec la grande armée. 

Ce fut le capitaine général des flottes d'Espagne, marquis de Santa-Cruz, qui dirigea l'armement de l'escadre; ses exploits contre les Maures, son intervention décisive à la journée de Lépante, sa victoire enfin sur Strozzi lui avaient valu la réputation de premier homme de mer de l'époque. Naples, la Sicile, le Milanais, l'Espagne tout entière et le Portugal se remplirent de levées de troupes et de préparatifs.
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Philippe II d'Espagne.
Elisabeth I d'Angleterre.
Philippe II d'Espagne.
Elisabeth Ire d'Angleterre.

Les navires s'amassèrent dans les ports de ces divers pays. C'était un immense effort. Les Espagnols se croyaient et étaient peut-être alors les premiers marins du monde; ils avaient tout espoir; ils avaient confiance dans la supériorité de leurs forces, dans le génie de leur amiral, et la protection de Dieu ne devait pas leur manquer puisqu'ils combattaient pour rétablir la foi catholique dans l'hérétique Angleterre. Ils appelaient la flotte l'Invincible, nom qui lui est resté dans l'histoire. 

Un fait vint pourtant montrer que ces apparences de force cachaient bien des vices, des incertitudes, des faiblesses et que le sombre despotisme de Philippe II avait détruit chez ses sujets l'élan l'esprit d'initiative et la hardiesse. Le 29 août 1587, dans la rade de Cadix, encombrée de galères et de vaisseaux espagnols, de canons et de soldats, Francis Drake apparaît tout à coup avec 28 navires sans pavillon, brûle une trentaine de bâtiments, incendie les magasins situés sur les quais, enlève des prisonniers et cause une épouvantable panique. Il court à Lisbonne, brûle encore cent navires dans le Tage, cingle vers les Açores, prend le galion San-Felipe, chargé d'or, et rentre en Angleterre, sans être inquiété. 

Quand le duc de Santa-Cruz put enfin mettre à la voile pour le poursuivre, il y avait quinze jours que l'illustre aventurier était rentré dans Londres avec d'immenses richesses. A ce sujet, Santa-Cruz fut accusé d'inertie par ses ennemis. Philippe II, égaré par la colère et l'impatience, voudrait que Farnèse débarquât de suite en Angleterre, sans attendre l'arrivée de l'Armada. L'ordre et l'entente font défaut et Santa-Cruz meurt tout d'un coup, d'un accès de fièvre. Philippe Il attend cinq semaines pour lui nommer un successeur ; il désigne enfin le duc de Medina Sidonia, homme grave, pointilleux, qui reçoit des instructions très strictes, lui dictant sa conduite pour tous les cas prévus et ne lui permettant aucune initiative personnelle.

Au printemps de 1588, la flotte était prête enfin; elle comprenait 129 navires de guerre et un grand nombre de transports; elle portait plus de 10,000 marins, 18,000 soldats et 3000 canons (d'autres donnent le chiffre de 2640). Le 30 mai, elle quitte le port de Lisbonne, et à cette heure, dans toute l'Espagne, les religieux reçoivent l'ordre de se donner les uns aux autres « les coups de discipline, le 4 juin, depuis matines, dans le choeur, pour l'heureux succès de la flotte ». En maint endroit, il y a des processions publiques de flagellants. Cependant une tempête surprend la flotte quand elle gagne la haute mer et l'amiral fait signe de chercher un abri au Ferrol. Les navires reviennent un à un au Ferrol, à la Corogne, à Vigo; les équipages débarquent et se querellent; il y a un commencement de désorganisation. On perd ainsi un temps précieux, et Farnèse, qui avait assemblé une flottille de pleytas et une armée de près de 40,000 hommes, Italiens, Allemands, Espagnols, voyait son armée se fondre dans l'inaction en attendant que le duc de Medina-Sidonia devint « seigneur de la mer ». Enfin , il perd patience et renonce à L'expédition au moment même où l'Invincible Armada reprenait le large, le 22 juillet. 
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Le duc de Medina Sidonia.
Le duc de Medina Sidonia.

ll semblait, au reste, que la flotte espagnole suffirait pour infliger une humiliation à l'Angleterre; celle-ci n'avait en mer qu'un très petit nombre de navires; la valeur de ses capitaines et de ses marins était encore mal connue et on les considérait plus volontiers comme des aventuriers et des corsaires que comme de véritables combattants. L'Angleterre n'avait pas non plus d'armée pour se défendre contre une invasion, car elle avait tous ses soldats occupés en Hollande à soutenir les Gueux. Elisabeth n'avait pas même un allié. Parcimonieuse au delà de toute expression, elle ne voulait consentir à aucune dépense, à aucun frais d'armement et elle se complaisait encore dans l'illusion de la paix, quand déjà la flotte ennemie tenait la mer. Mais tandis que le gouvernement demeurait ainsi inactif, la population anglaise était entraînée par un fort courant d'exaltation patriotique. Elle haïssait les Espagnols comme catholiques, et surtout comme étant de redoutables concurrents dans les choses relatives à la marine, aux colonies et au commerce. En Angleterre, d'ailleurs, tout était esprit d'initiative, les caractères étaient affirmés et nettement tranchés, quand en Espagne tout était réglé par l'habitude et la convention, les caractères courbés sous la dépendance et l'étiquette. 
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Bataille entre l'Invincible armada et le flotte anglaise.
Une confrontation de l'Invincible Armada avec la flotte anglaise.

Les armateurs d'Angleterre sabordèrent leurs navires de commerce pour y placer des canons, mirent en commun les armes et l'argent et improvisèrent une flotte. A elle seule, la cité de Londres équipa et arma 30 navires à ses frais; nobles et bourgeois prirent du service sur les vaisseaux et une indescriptible agitation remua tout le pays. Ainsi naissait, sous la menace imminente du danger, la première grande marine qu'ait eue l'Angleterre; elle comptait des capitaines tels que Charles Howard, qui s'improvisa amiral, Hawkins et Drake, les héros d'audacieuses courses au Nouveau monde, le savant Frobisher, l'aventureux Walter Raleigh, le romanesque Cumberland, des courtisans qui devinrent de hardis marins en un jour, tels que sir Charles Blount, Robert Cecil, le comte de Northumberland (Dudley), et maint autre. Grâce à cet effort héroïque, l'Angleterre put à peine mettre en ligne 30 vaisseaux de guerre et 150 grosses barques; les vivres étaient avariés, la poudre manquait, mais l'ardeur et l'enthousiasme étaient montés au plus haut point.

Le 28 juillet, la flotte espagnole, amoindrie déjà de 43 vaisseaux, qui s'étaient égarés, était en face des îles Scilly; elle pouvait surprendre et enlever Plymouth qui était sans défense, mais le duc de Medina attendit deux jours pour rallier ses vaisseaux et manqua un coup d'audace qui devait réussir. Les marins anglais, enhardis, sortirent de Plymouth et le soir tournèrent autour des vaisseaux espagnols; à la clarté de la Lune, ils vinrent à bonne portée, lâchèrent leurs bordées et s'éloignèrent. Les vaisseaux espagnols étaient trop pesants, leurs canons portaient trop haut, leurs mouvements étaient lents; ils se gênaient les uns les autres et manoeuvraient mal; de là du désordre et la perte de trois navires, dont un contenait 200 barils de poudre, qui tombèrent entre les mains des Anglais à court de munitions. 
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Francis Drake reçoit la reddition d'un capitaine espagnol.
Francis Drake, à bord de la Revenge,  reçoit la reddition d'un capitaine espagnol.
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Le duc de Medina voulait gagner Margate, point qui lui semblait favorable pour un débarquement et où il pouvait appeler à lui Farnèse. Le 1er août, il chercha en vain à aborder avec ses galères les vaisseaux légers de l'ennemi; il essuya encore une grêle de boulets; il en fut de même pendant les deux jours suivants et ses vaisseaux erraient comme perdus dans la Manche; à la hauteur de l'île de Wight, il eut un peu de répit; les Anglais étaient sans poudre et il en profita pour se retirer sous le canon de la ville française de Calais; il n'osa pas pousser jusqu'à la ville alors espagnole de Dunkerque.

Devant Calais, l'Armada avait encore une supériorité écrasante sur les 200 barques des Anglais; mais dans la nuit du 6 au 7 août, une panique terrible a lieu, à cause des brûlots que l'ennemi est venu attacher aux flancs de quelques navires; on coupe les câbles, on arrache les ancres ou on les abandonne et l'Armada, poussée par le vent, va jusqu'en face de Gravelines; une grande galère s'est échouée en sortant du port. Au large, le 8, les Espagnols luttent en vain contre les Anglais et contre le vent qui les pousse à la côte; deux galions vont à la dérive sur les rivages de Zélande. Le lendemain et le surlendemain les Anglais, qui n'ont plus de poudre, ont disparu, mais le vent souffle en tempête; le duc de Medina donne l'ordre de regagner l'Espagne, en faisant, par le Nord, le tour de l'Ecosse
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L'Invincible Armada devant Calais.
L'Invincible Armada devant Calais.

La flotte se disperse dans les brumes de la mer du Nord; la tempête dure onze jours; les blessés succombent; l'eau manque, bientôt même les vivres. Des vaisseaux vont s'échouer aux Shetland et aux Orcades, d'autres en Irlande, quelques-uns, plus heureux, sur les côtes de Hollande ou de France. Le gouvernement anglais évalua à 4000 le nombre des Espagnols noyés dans le canal Saint-Georges et il en supposa autant de tués sur les plages d'Irlande. Une soixantaine de navires seulement revinrent un à un dans les ports d'Espagne; toutes les familles avaient à pleurer quelques-uns des leurs et il y eut un deuil universel; puis les tristes récits des naufragés et des captifs entretinrent pendant longtemps encore une douloureuse émotion. On dit que Philippe II, parlant du duc de Medina, prononça ces paroles :

« le l'ai envoyé contre les hommes, non contre les vents et la mer. »
Un consciencieux historien remarque à ce sujet : 
« Toute l'Espagne a cru, nous croyons encore aujourd'hui que la tempête avait dévoré la flotte. On a oublié ces forteresses flottantes qui se serrent affolées comme un troupeau de moutons, sous la canonnade des victorieux, ces barques ailées qui les harcèlent, cette retraite désolée dans la rade de Calais, cette terreur devant les brûlots. » (Forneron). 
Quoi qu'il en soit, l'Espagne ne devait plus jamais mettre en mer d'aussi belle flotte que l'Invincible Armada; sa puissance maritime avait reçu un irréparable échec. (E. Cat).
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L'Ark Royal, vaisseau amiral anglais.
L'Ark Royal, vaisseau amiral de la flotte anglaise.
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