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Le Thé
Les Théiers
Le Thé (botanique), Thea, Lin., du nom populaire thèh dans le Fou-kian (Chine) est la boisson obtenue à partir de des feuilles du Théier, un genre de plante de  la famille des Théacées (dans la classe des Dicotylédones), composé d'arbrisseaux de 2,3 m de hauteur, pourvus de feuilles coriaces persistantes. Les fleurs, solitaires ou groupées par 2-3, sont situées à l'aisselle des feuilles. Le calice est formé de sépales imbriqués au nombre de 5-6 ou davantage. La corolle comprend 5-6 pétales concrescents entre eux par leur base et parfois unis aussi aux étamines externes. Les étamines, en nombre indéfini, possèdent des anthères extrorses; les étamines situées au centre de la fleur sont libres, tandis que celles qui occupent la périphérie sont concrescentes par leur filet en un tube. L'ovaire renferme 3-5 loges, 4-6 ovulées on plus rarement 2 ovulées. Le fruit est une capsule ligneuse. Les graines, ovales ou sphériques, ne contiennent pas d'albumen; l'embryon possède d'épais cotylédons

Le genre Thé comprend une dizaine d'espèces dont la plus importante est le Thé de Chine (Camellia sinensis, Thea sinensis L., Camellia Thea Link.) qui vit à l'état sauvage dans l'Assam et la province de Cachar. Le Thé de Chine offre deux variétés : le Thé vert (Theaviridis L.) et le Thé de Bohée (T. Bohea L.), qui sont cultivées avec lui en Inde, en Chine, au Japon, en Amérique du Sud, etc. Sous le climat de Paris, les Thés exigent la serre pendant l'hiver

Les graines contiennent une huile d'une saveur amère qui excite la salivation et provoque des nausées. On assure que les Chinois s'en servaient pour la cuisine et l'éclairage. Le bois de l'arbuste est dur, fibreux, d'un vert pâle; il est sans usage. 

Suivant de nombreux auteurs, cet arbre est originaire de l'Assam, dans le Nord de l'Inde; il a été trouvé à l'état sauvage, au début du XIXe s., dans la vallée de Cachar, à l'Est de Silhet. Suivant d'autres auteurs, il est originaire de Chine où sa culture est pratiquée depuis la plus haute antiquité ; de là il aurait été introduit de bonne heure au Japon, puis en Assam, à Java, au Brésil (1812), en Inde et au Népal, au Sri Lanka (1840), à l'île de la Réunion et à l'île Maurice (1858), aux Açores, à Madère avant le commencement du XIXe siècle, etc.  Quoi qu'il en soit, ses produits n'ont été connus en Europe que vers 1602 ; la Compagnie des Indes hollandaises les importa pour la première fois à Londres en 1652. L'usage du thé s'est ensuite rapidement répandu dans le monde entier.

Culture du thé. 
Confinée dans l'extrême Asie, la culture du thé a longtemps été un mystère pour les Européens; c'est au commencement du XVIIIe siècle que ce mystère fut éclairci par la publication de l'ouvrage du voyageur hollandais Kaempfer (Amaenitates exoticae, 1712) qui avait résidé au Japon. Plus tard les Lettres curieuses et édifiantes des jésuites, la Description générale, etc., du P. Du Haldé, 1735; le Rapport à la Compagnie des Indes, de Bruce, 1839; la Description générale, etc., de Davis, 1811, firent connaître les procédés très perfectionnés suivis par les Chinois des diverses parties de la Chine. 

L'arbuste à thé croît spontanément dans plusieurs contrées de la Chine et du Japon. Dans ce dernier pays on ne le plante que sur les lisières des champs de riz ou de blé. L'ensemencement se fait très simplement : de distance en distance on creuse des trous; dans chacun d'eux on dépose 6 à 12 graines (le contenu d'un fruit); il en lève 2 ou 3 environ. Le jeune plant est en général abandonné à lui-même jusqu'à la troisième année, où l'on peut commencer à récolter les feuilles. Quelques cultivateurs seulement prennent soin de sarcler, débiner et de fumer la terre chaque année. A 7 ans l'arbuste a environ 1,60 m; on le recèpe alors pour maintenir l'abondance et la qualité du produit en feuilles. 

On en fait aussi de véritables plantations avec choix raisonné du sol et de l'exposition. Le Thé paraît s'accommoder de sols assez variés et d'expositions diverses; mais la qualité de la feuille se ressent de ces conditions. En général les plantations de thé réussissent dans des terres un peu légères, sablonneuses, mais non pierreuses, humectées sans être humides; la grande sécheresse leur est aussi funeste que la grande humidité; un soleil ardent leur nuit aussi bien que le séjour habituel à l'ombre. 
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Plantation de thé au Kenya.
Une plantation de Thé au Kenya. Source : The World Factbook.

Le climat. 
Le thé est cultivé dans des pays très divers au point de vue du climat. Il peut croître en réalité sous toutes les latitudes, à toute exposition et à toute altitude, des neiges aux tropiques; mais la richesse de ses feuilles en arôme et en goût est subordonnée à des conditions un peu spéciales. En Chine, au Japon et en Inde, les contrées les plus favorables ont, en été, une température moyenne qui ne dépasse pas 26° C, la température la plus basse dans ces régions oscillant entre 6° et 12°. En Chine comme au Japon, les plantations sont surtout florissantes entre 25° et 33°de latitude Nord. L'altitude semble avoir cependant une certaine influence sur la végétation et sur la qualité des produits; les arbustes ont une grande vigueur dans les plaines, mais ils n'y donnent que des feuilles grossières, de qualité très secondaire; ceux des coteaux, et, encore plus, des plateaux élevés, ont des feuilles plus petites, mais donnant des thés très aromatiques; les meilleures sortes chinoises sont récoltées sur les montagnes du Fo-King. Au Darjeeling, les meilleures plantations sont entre 800 et 1600 m, et on en trouve même jusqu'à 2300 m. En Indonésie et au Sri Lanka (latitude, 6° à 9°), les plantations sont situées entre 300 et 1900 m ; elles sont surtout fructueuses aux hautes altitudes. En résumé, l'arbre à thé peut supporter momentanément des températures extrêmes, sans trop en souffrir, les températures moyennes favorables étant celles comprises entre 14°C et 25°C. Les sécheresses prolongées au delà de deux mois lui sont très défavorables, et l'on peut admettre en principe qu'il lui faut, pour prospérer, au moins 1,75 m d'eau par année, la répartition des pluies ayant lieu sur presque tous les mois (Chine : 2 m à 2,50 m ; Darjeeling : 1,80 m à 3,30 m, etc.). L'emplacement choisi doit être ouvert à l'air et à la lumière et bien abrité contre les grands vents; il est souvent utile, à cet effet, de recourir à des rideaux d'arbres de protection, plantés en lignes, de distance en distance et en bordure des champs (Albizzia stipulata, Eucalyptus robusta, E. amygdalina, Casuarina equisetifolia, Grevillea robusta, etc.).

Le sol.
La terre affectée aux plantations de thé est soigneusement préparée par des labours, parfaitement sarclée deux fois par an ; l'ensemencement a lieu au mois de février, après les pluies; il se fait dans des petits trous espacés de 1,50 m à 2 mètres, et où l'on dépose 6 à 10 graines et une poignée de fumier de ferme mêlé de cendres pulvérisées. Parfois aussi on ensemence sur couche pour repiquer. On multiplie aussi par la segmentation et la transplantation des vieilles souches et par la méthode des boutures. Sur les terrains en pente, on dispose dans les plantations des rigoles d'irrigation; sur les plateaux, l'arrosage à bras d'homme ou par les machines est une nécessité. Le sol doit être entretenu dans un bon état de fumure. Une fois créé, le plant dure, ordinairement de 30 à 40 ans. L'effeuillage répété qui constitue la récolte empêche l'arbuste de s'élever rapidement; mais en outre les cultivateurs retranchent souvent les branches supérieures. Après 30 ou 40 ans, on rabat l'arbuste au niveau du sol pour en obtenir des rejets jeunes et vigoureux. 

Au Japon on fait habituellement rois récoltes de feuilles. La première a lieu à la fin de février ou au commencement de mars; elle donne le ficki-tsja (thé pilé ou en poudre) que l'on pulvérise et que l'on fait tremper dans l'eau chaude. La seconde récolte a lieu un mois plus tard; on en fait le too-tsja (thé chinois) que l'on prépare en infusion, comme cela se pratique en Chine. La troisième récolte se fait en juin; elle fournit le ban-tsja (thé commun) destiné à la consommation populaire. Quelques cultivateurs, préfèrent ne pratiquer que la seconde et la troisième, récolte et s'abstenir, de celle de février; il en est même qui récoltent une fois seulement en juin. En Chine on fait généralement trois récoltes : la première au commencement d'avril, la seconde en mai et la troisième vers la fin de juin. Les feuilles tendres et délicates de la première récolte donnent les thés les plus estimés. Dans le Fou-kien et le Kiang-si la récolte commence le 5 avril au jour nommé chin-ming, et le thé recueilli dans cette journée est en très grande réputation. La cueillette doit en tout cas se faire, par un beau jour de soleil et dans la matinée, lorsque la rosée perle sur les feuilles. 

On distingue deux variétés :  le thé vert à feuilles lancéolées, planes, trois fois aussi longues que larges; le thé  bou à feuilles, elliptiques et oblongues, un peu rugueuses, deux fois aussi longues que larges. On a cru longtemps que la première variété donnait les thés verts du commerce et la seconde les thés noirs; en fait la différence entre ces deux sortes de thés est uniquement due à des procédés spéciaux de préparation. Quoi qu'il en soit, la récolte ne se fait pas de même pour préparer l'une ou l'autre sorte. Pour les thés verts, le cueilleur plus soigneux tient d'une main l'arbuste et détache les feuilles, une à une en laissant tout le pétiole sur la plante. Il jette sa cueillette, dans une corbeille suspendue à sa ceinture. Pour les thés noirs, on cueille avec les deux mains en employant le pouce et l'index et en enlevant une portion du pétiole avec la feuille; les feuilles, réunies d'abord dans la paume de la main, sont ensuite jetées dans un panier placé auprès de l'arbuste. Les jeunes feuilles sont toujours les plus estimées et que les vieilles de l'année donnent un thé inférieur; quant à celles des années précédentes, on ne les cueille même pas. La cueillette marche avec une grande rapidité; on  ne voit que des mains voltigeant de droite à gauche, se vidant et s'emplissant tour à tour; on n'entend qu'un frôlement continu qui rappelle le battement monotone d'une pendule. Un arbuste de bonne venue donne en moyenne 1,5 kilogramme à 2 kilogrammes de feuilles par an. Chaque cueilleur peut récolter 7 à 8 kilogrammes par jour. 

Préparation des thés du commerce. 
Un grande partie de la préparation des thés a été mécanisée de longue date. On ici ne décrira que les modes de préparations traditionnels pratiqués en Chine. La base, des procédés de préparation est une torréfaction  méthodique des feuilles. Cette torréfaction a lieu sous des espèces de hangars abritant des fourneaux en maçonnerie  élevés à 1 mètre au-dessus du sol, réunis plusieurs en une seule construction. Chaque fourneau est un trou rond sur lequel est fixée une bassine de fonte (diamètre 6,70 m; profondeur, 0,20 m), circulaire, très évasée, très inclinée sur le devant et à bords relevés sur le derrière et les côtés. L'ouvrier se tient devant la bassine et règle l'opération. La torréfaction doit commencer le jour même où la feuille est cueillie; autrement celle-ci s'échauffe, noircit et perd son arôme.

La préparation des thés verts. 
On se rappelle qu'elle a pour matière première les feuilles cueillies sans pétiole. Aussitôt qu'elles sont récoltées, on les répartit à raison de 1,5 kilogramme dans les bassines chauffées au rouge; l'ouvrier les remue sans cesse tant avec ses mains qu'avec deux petites fourchettes de bambous longues de 0,32 m. Au bout de 3 minutes elles sont devenues flexibles, on les retire en les versant dans des mannes, ou corbeilles creuses. Là un autre ouvrier les reçoit, les évente, les vanne et enfin les étale sur une table couverte de nattes où des hommes, des femmes, des enfants même, les frottent vivement entre leurs mains, les doigts serrés les uns contre les autres et les pouces étendus. 

Les feuilles se ramassent ainsi en paquets coniques qui sont placés sur des châssis et exposés 8 à 10 minutes au soleil. Puis on déroule les feuilles et on recommence trois fois l'opération de l'enroulement en paquets coniques. Ensuite on torréfie de nouveau les feuilles déroulées jusqu'au moment où elles vont brûler. Alors on les jette (à raison de 8 ou 10 kg par sac) dans des sacs de toile épaisse (longueur, 1,30 m; circonférence, 0,65 m). On foule ces sacs fortement en tous sens avec les pieds et les bras. Le thé se réduit peu à peu et on resserre le sac sur la masse. Quand la réduction est arrivée au tiers, le sac est lié fortement à ce niveau, le reste de la toile est retourné dessus et lié lui-même solidement. 

Le thé est ainsi comme en un double sac. Alors un homme, suspendu par les deux mains à une traverse de bambou, saute à pieds joints sur ce sac bien fermé et étendu à terre. Il ne l'abandonne que lorsque, réduit et resserré peu à peu, il est devenu dur comme un caillou. Le lendemain les feuilles sont encore retirées de ce sac, passées au feu jusqu'à être entièrement recoquillées; puis on les emballe dans des caisses ou des paniers de bambou et on les garde 5 à 6 mois. Après ce délai; n'extrait le thé des caisses ou paniers, on l'étend dans de grandes corbeilles à l'air pour ramollir la feuille. On torréfie encore une fois à la bassine pendant une heure avec une agitation continuelle. 

On  passe ensuite au crible sur un triple tamis qui sépare trois qualités : le gros, le moyen et le fin. On introduit ensuite chaque qualité de thé dans une machine à vanner toute spéciale, qui sépare les pellicules et poussières des feuilles les plus jeunes et des feuilles phis lourdes et moins délicates. Il en sort cinq qualités distinctes inégalement estimées. Après ce vannage, un laborieux triage à la main enlève encore les débris de toutes sortes que chaque qualité peut renfermer. Enfin toute cette série de triage se répète trois fois, et dans la dernière torréfaction, on ajoute aux thés une poudre colorante composé d'acco ou sulfate de chaux 75% et 25% de younglin ou indigo pulvérisé et finement tamisé. C'est ce qui donne aux thés verts leur coloration. On termine en emballant  le thé tout chaud dans des caisses où on le tasse énergiquement et où où l'enferme avec soin.

La préparation des thés noirs. 
La préparation des thés  noirs est assez différente. Les feuilles sont d'abord exposées 2 heures au soleil sur des claies de bambou. Puis les ouvriers les pétrissent pour les enrouler en masses sphériques, les déroulent ensuite, les étendent de nouveau sur des claies. Cette double opération se répète 3 et 4 fois. Le thé devient noir et souple comme de la peau. Alors on procède à la torréfaction en bassine. Un nouvel enroulement la suit et on alterne jusqu'à 3 ou 4 fois la torréfaction et l'enroulement. Les feuilles sont ensuite séchées de nouveau, sur un tamis où on les étend et que chauffe au-dessous un brasier de feu de bois sans odeur ni fumée. Le lendemain on procède à un triage minutieux, puis on sèche de nouveau au tamis, on vanne, on étend et on recommence ainsi jusqu'à 3 fois. Tout est fini quand les feuilles bien crispées se brisent à la moindre pression. Alors on emballe le thé noir comme cela se fait pour le thé vert. Certaines plantes aromatiques (fleurs de l'olivier odorant, camellia sasangua, oranger,  jasmin d'Arabie, anis étoilé, du magnolia, etc) sont souvent ajoutées pour parfumer les thés noirs. 

Les thés verts, moins torréfiés que les thés noirs, s'altèrent plus facilement avec le temps; une faut pourtant les employer qu'au bout d'un an, afin de leur laisser perdre leur odeur herbacée et leur goût styptique. Les thés noirs se perfectionnent en vieillissant, mais ne peuvent être mis en usage qu'après 15 ou 16 mois.

Les thés du commerce.
On distingue dans le commerce un grand nombre de sortes de thés. On ne mentionnera ici que les plus importantes.

Thés verts. 
Le plus généralement estimé est celui qu'on nomme hyson ou he-chun (heureuse fleur du printemps); il provient de la première récolte de l'année. Il est lourd, très sec, facile à briser; la feuille est longue, étroite, charnue, bien tournée en spirale; il s'altère facilement à l'air. On doit le faire infuser longtemps.

Le thé poudre-à-canon ou chou-tcha (thé perlé) est du hyson soigneusement trié; il est plus parfumé et a plus de force; il est un peu plus vert que le hyson; il est formé des jeunes feuilles les mieux enroulées en grains. 

L'impérial est un hyson trié en grains plus gros; il est d'un vert argenté. Comme les précédents il doit infuser longtemps; mais il a toujours moins de force, parce qu'il est composé de feuilles plus grandes. Le tonkay ou tun-ke (croissant au bord du ruisseau) provient de la dernière récolte d'été; il est formé de larges feuilles jaunâtres, mal roulées. C'est un thé commun et à bas prix. On le mélange souvent avec des thés verts plus précieux.

Thés noirs
Le thé perlé noir, fait avec les bourgeons ou feuilles très jeunes est le plus fin, le plus parfumé et le plus cher. Immédiatement après lui vient le pekoe, pekoe à pointes blanches ou pak-ho (duvet blanc); il vient des provinces septentrionales de la Chine et est très recherché en France et en Russie; en Angleterre on ne l'emploie que mêlé à d'autres thés noirs. Il a la feuille allongée, d'un noir argenté, avec un léger duvet blanchàtre et soyeux. C'est une première récolte de l'année; on y mêle quelques fleurs d'olivier odorant. Comme on le torréfie assez légèrement, il s'altère facilement, surtout à l'humidité; son infusion a une saveur qui rappelle la noisette fraîche. 

Le pekoe d'Assam (Inde) est très semblable au pekoe de Chine pour l'aspect; mais il donne une infusion beaucoup moins parfumée. L'orange pekoe est très menu, noir foncé mêlé de jaune orangé. Il a une odeur agréable, due à des plantes aromatiques qu'on y ajoute. On le mêle ordinairement avec le souchong, et il donne alors une boisson agréable, mais excitante; à Londres on le vend, mêlé avec du congo, sous le nom de howka mixture. 

Le congo, congou ou koong-roo (travail assidu) est très estimé en Chine et très recherché en Angleterre; c'est le thé de famille des Russes. Il se cueille sur des arbustes de 6 ans immédiatement après la récolte déminée au pekoé; il est noir grisâtre; ses feuilles sont minces, courtes et petites. Son infusion est très parfumée, avec une légère amertume très agréable. C'est la variété la plus abondante, subdivisée elle-même en Blackleaf (feuilles noires), dont la variété Ningtchou a alimenté traditionnellement la Russie, et Redleaf (feuilles rouges), dont la meilleure variété est le Kaisow-Congou;

Le souchong ou seaou-chung (sorte petite et rare) est un thé préparé avec les petites feuilles de la deuxième récolte et qui fournit la variété aromatique du Padre Souchong ou thé de caravane; Pouchong toujours parfumé. C'est le plus fort des thés noirs; sa feuille est un peu plus large que celle du congo. 

On estime encore plus en Chine le pouchong dont l'arôme est très fin, la force très faible; il faut en mettre plus que de toute autre sorte pour faire une bonne infusion. 

Le bohea, bouhia ou woo-e est le plus commun des thés noirs; les feuilles de thé y sont mêlées avec toutes sortes de feuilles. Il est faible et peu savoureux; il laisse un sédiment noir dans l'infusion. On applique parfois ce nom à la généralité des thés noirs. 

Les résidus (dust ou fannings) sont consommés dans le pays on mélangés dans une certaine proportion avec le congou;

Le thé japonais est inférieur aux bons thés de Chine, ne se garde qu'un an en bonne qualité et a un arôme particulier très accentué; on distingue celui qui a été séché à la bassine (Panfired Japans), dans des corbeilles de bambou (Basket fired) ou au soleil (Sundried) ; les noms des cinq sortes chinoises sont aussi appliqués à des thés japonais, mais ils sont rarement achetés au dehors. 

Les thés de l'Inde sont d'un arôme moins fin que ceux de Chine, mais plus forts; les meilleurs viennent de l'Assam, de la région de Darjeeling; les variétés les plus appréciées sont Flowery et Orange; le broken Pekoe est fait avec les feuilles cassées et de qualité inférieure. 

Les thés de Ceylan (Sri Lanka) et de Java valent ceux de l'Assam.

Il existe aussi, en dehors des thés noirs et verts, des sortes intermédiaires jaune foncé ou mélangées de feuilles noires et jaunes, produits de fermentation incomplète ; les plus connues sont l'Oolong (dragon vert), venu par Foutchéou et Taïwan, et le thé jaune de caravane. 
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Des thés sans Thé

Le thé véritable est souvent remplacé par des feuilles sèches de diverses plantes. Parfois, le nom de thé est donné simplement par analogie avec le véritable thé, mais parfois aussi on a affaire à de véritables contrefaçons, qui ont pu avaoir, dans le passé une importance non négligeable.

Thé des Appalaches. - On donne ce nom à une infusion de feuilles du Houx émétique, en usage dans l'Amérique du Nord.

Thé Bourbon.-Infusion usitée aux îles Mascareignes et préparée avec les feuilles d'Angrec odorant (Angraecum fragrans). Elles sont aromatiques et livrées au commerce sous les noms de Faham ou Thé de l'île de la réunion (anc. Bourbon).

Thé d'Europe. - Infusion de feuilles de Véronique ou  de Sauge.

Thé du Mexique. - Infusion théiforme en usage en Europe méridionale, au Mexique, aux Antilles et préparée avec les feuilles de l'Ansérine fausse-ambroisie (Chenopodium ambrosioides).

Thé du Paraguay. - Infusion que l'on prépare au Paraguay avec les feuilles d'une espèce de Houx qui y croit, c'est le Maté.

Thé du Pérou. - Infusion célèbre comme condiment nutritif et réconfortant, que l'on prépare au Pérou avec les feuilles du Coca. Ces feuilles sont employées aussi comme masticatoire.

Thé du Harrar. Infusion préparée en Arabie et en Ethiopie avec du Celastrus edulis ou qat.

Thé du  Canada ou Thé de montagnes, préparé avec de la Gaultheria procumbens.

Autres plantes utilisées : Salix Japonica ou Kava-ya-nagi (Japon), Teucrium thea ou Cayche-baong (Cochinchine), Rhododendron chrysanthum (thé des Tatars), Smilax glycyphylla (thé d'Australie), Leptospermum thea (thé des îles de la Polynésie et du Pacifique), Calycanthus praecox ou Chimonanthus fragrans (Chine, Japon),  Lycium barbareum ou Kuke (Japon et Chine); Gynostemma cissoïdes (Japon; thé d'Amacha); Desmodium oldhami ou Fujé (Japon); Gaultheria fragrans (Népal), etc.

Autrefois, il n'était pas rare, même en Chine, que certaines livraisons, surtout de thé avariés et de thé communs, soient falsifiées par addition de feuilles appartenant à quelques-unes de ces plantes, ou encore à l'Ardisia crispa, arbrisseau de la famille des Myrsinées; la reconnaissance des fraudes était d'ailleurs facile. On falsifiait encore les thés avariés avec l'iris de Florence, la badiane ou anis étoilé, etc.; enfin, les thés verts avariés étaient souvent transformés en thés noirs par addition d'une terre spéciale du Japon; les ports de Canton et de Foutchéou-fou vaient, paraît-il, la spécialité de l'expédition de tels thés contrefaits.

Constitution chimique du thé, Théine
Étudiée d'abord par Davy, Frank, Brande, la constitution chimique du thé a été déterminée surtout par Péligot. Le thé du commerce contient entre, autres composants une hile essentielle spéciale (thé vert, 79%; thé noir, 0,60%) qui lui donne son parfum : un premier composant azoté, nommé la théine (thé vert de 2,34 à 3%; thé noir, 2,93 %), qui est identique à la caféine; un second composant azoté, que Péligot a trouvé identique à la caséine du lait des animaux. 

Le thé est une des substances végétales les plus riches en matière azotée; cela tendrait à faire penser que c'est une substance nourrissante. Péligot a constaté que l'infusion de thé contient encore environ 1 de matière azotée pour 100 parties en poids, Ce qui est bien reconnu en outre, c'est que le thé est une boisson stimulante analogue au café, mais moins active; cette action est due à la caféine ou théine qu'elle contient.

Usage et influence du thé. 
La boisson connue sous le nom de thé, et si chère aux Anglais et aux Russes,
est une infusion faite avec certaines précautions. Deux vases doivent être réservés exclusivement à cet usage; si l'on veut un arôme exquis : une bouilloire pour chauffer l'eau, une théière en argent, ou en métal pour faire l'infusion. Il faut échauffer préalablement, en y passant de l'eau bouillante;  la théière et les tasses. Il importe de verser dans la théière, sur les  feuilles, de l'eau vraiment bouillante et de ne remplir d'abord ce vase qu'à moitié; on le referme et on laisse infuser 6 à 8 minutes. Après ce temps, on ajoute le reste de l'eau bouillante et on laisse encore infuser 2 minutes. Il faut environ 8 grammes de feuilles de thé pour 2 tasses, 12 g pour 4 tasses, 30 g pour 12 tasses. Une forte cuillerée à café de feuilles de thé noir et de thé vert mélangés pèse à peu près 4 grammes. Il faut augmenter la dose pour les thés noirs seuls, la diminuer pour les thés verts, qui sont plus lourds. Quand on fait deux infusions successives avec les mêmes feuilles, il faut éviter de vider complètement la théière, mais la remplir de nouveau quand elle est à moitié. 

L'usage du thé exerce sur la santé une influence qu'il importe de signaler, et qui diffère selon qu'il s'agit du thé noir ou du thé vert. Le thé noir est un excitant salutaire, dont les effets se manifestent pendant plusieurs heures. Le thé vert a une influence moins
évidente de ce point de vue. 

Le thé, en général, favorise notablement la digestion. Les thés verts sont légèrement diurétiques.

L'origine de la consommation du thé en Europe. 
L'usage du thé en Chine et au Japon remonte à une époque inconnue; de là il s'est répandu en Inde, en Iran, en Asie centrale, en Arabie. Les Européens l'ignorèrent entièrement jusqu'au XVIIe siècle; Piton de Tournefort ne cite même pas la plante dans ses ouvrages de botanique. Dans leurs relations avec les Chinois et les Japonais, les Hollandais apprirent que ces peuples tiraient leur boisson ordinaire des feuilles d'un arbuste. Ils eurent l'idée d'échanger cette denrée contre de la sauge, et en 1602 la première importation de thé en Europe fut faite de cette façon, à raison de 1,5 kg de thé contre un demi-kilogramme de sauge. Ce thé fut vendu à Paris. La sauge n'eut aucun succès en Chine; on sait ce qu'il advint au contraire du thé en Europe. 

Au milieu du XVIIe siècle c'était déjà une marchandise importante dans le commerce de long cours; les Hollandais l'exploitaient seuls. Une certaine polémique s'établit pendant ce siècle pour et contre ce nouvel usage; le public trancha la question en faveur de la boisson chinoise. C'est vers le milieu du XVIIe siècle que commença l'introduction du thé en Angleterre, et en 1660 le parlement frappa la vente dans les tavernes d'un droit de 8 pence par gallon; ce droit fut aboli en 1689 par Guillaume Ill et Marie, et remplacé par une taxe, sur le commerce du thé, de 5 shillings par gallon. C'est en 1669 que la célèbre Compagnie des Indes avait importé à Londres sa première cargaison de thé. On assure, du reste, que de 1652 à 1700 il ne fut pas importé à Londres plus de 90,500 kilogrammes de thé. C'est par les Hollandais et les Anglais que son usage se répandit peu à peu dans l'Europe occidentale. 

On ne sait au juste à quelle époque ce même usage prit naissance chez les Russes, dont les rapports intimes avec la Chine remontent au XVIe siècle et se développèrent surtout au temps de Pierre le Grand. Le thé a été l'occasion d'une mesure féconde en conséquences dans l'histoire du monde moderne. On se rappelle que la révolte des colonies anglaises de l'Amérique, devenues depuis les Etats-Unis, eut pour cause immé diate l'établissement, sans le consentement des colons, de taxes sur le timbre, sur le thé, le verre et le papier. (A.-F / W. Russell / J.-P. Langlois).

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