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L'histoire du Rwanda
Le Rwanda a été habité dès l'Antiquité par des groupes de chasseurs-cueilleurs, probablement les Twa, une population pygmée. Vers le XIe siècle, les populations bantoues, principalement les Hutu, s'installent dans la région. Ils sont agriculteurs et introduisent l'agriculture (culture du sorgho et de la banane, notamment).

Ă€ partir du XIVe siècle, la dynastie des Nyiginya commence Ă  unifier le territoire rwandais sous l'autoritĂ© d'un mwami (= roi) . La sociĂ©tĂ© rwandaise est alors composĂ©e de trois groupes principaux : les Tutsi, les Hutu et les Twa. Ces groupes ne sont pas des ethnies au sens strict, mais plutĂ´t des catĂ©gories sociales. Les Tutsi sont gĂ©nĂ©ralement des Ă©leveurs de bĂ©tail, les Hutu des agriculteurs, et les Twa restent des chasseurs-cueilleurs. Les rapports entre Hutu et Tutsi rappellent ceux qui existent en Ouganda dans la population Banyankole, qui elle aussi se subdivise en deux classes  classes principales, les Bahima (Ă©leveurs) et les Bairu (agriculteurs). Les relations entre ces groupes sont complexes. Les Tutsi forment l'aristocratie et dĂ©tiennent le pouvoir, mais les Hutu reprĂ©sentent la majoritĂ© de la population. MalgrĂ© les tensions, il y a aussi des interactions et des mariages intergroupes, et la mobilitĂ© sociale est possible.

Dans l'Etat des Nyiginya, le pouvoir est très centralisĂ©, avec une administration complexe et une armĂ©e organisĂ©e. Le mwami est aussi une figure sacrĂ©e, dotĂ©e d'un pouvoir spirituel important. Le mwami  Ruganzu I Bwimba est considĂ©rĂ© comme l'un des fondateurs du royaume.. Sous le règne de Ruganzu II Ndoli au XVIe siècle, le royaume du Rwanda commence Ă  s'Ă©tendre de manière significative. La centralisation du pouvoir royal s'accentue sous les rois suivants, notamment sous le mwami Kigeli IV Rwabugiri (règne de 1853 Ă  1895), qui est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme le plus grand roi du Rwanda.

La période coloniale.
Le Rwanda reste largement isolé du monde extérieur jusqu'à la fin du XIXe siècle, quand les premiers contacts avec les explorateurs allemands et les missionnaires. En 1897, le Rwanda devient une partie de l'Afrique orientale allemande. Cependant, l'administration coloniale allemande a peu d'impact direct sur la vie quotidienne, car elle gouverne principalement à travers les structures locales existantes, notamment le mwami et ses conseillers. Après la défaite de l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale, le Rwanda est placé sous mandat de la Société des Nations et est confié à la Belgique en 1919, qui l'administre avec le Burundi sous le nom de Ruanda-Urundi. Sous l'administration belge, la structure sociale et politique du Rwanda est modifiée. Les Belges instituent une politique de division entre Hutu et Tutsi, qui avait déjà commencé sous les Allemands mais est désormais intensifiée.

Dans les années 1950, le Rwanda est encore sous administration belge, dans le cadre du mandat des Nations Unies. Les Belges continuent de renforcer la division entre Hutu et Tutsi, notamment par l'introduction des cartes d'identité ethniques en 1933, qui cristallisent les identités ethniques artificiellement fabriquées par le colonisateur. Dans les années 1950, des mouvements nationalistes commencent à se former, revendiquant l'indépendance. Deux factions principales émergent : les Tutsi, qui veulent maintenir leur domination traditionnelle, et les Hutu, qui réclament plus de pouvoir et de droits politiques. En 1959, les tensions entre Hutu et Tutsi atteignent un point critique. La Révolution sociale commence par une série de violences qui se transforment en un soulèvement majeur des Hutu contre les Tutsi. Des milliers de Tutsi sont tués, 150 000 osont contraints à l'exil dans les pays voisins. En 1961, les Belges organisent un référendum qui abolit la monarchie tutsie et proclame la République. Grégoire Kayibanda, un Hutu, devient le premier président du Rwanda après l'indépendance du pays le 1er juillet 1962.

Le Rwanda indépendant.
Sous le régime de Kayibanda, le Rwanda devient une république dominée par les Hutu. Les Tutsi, désormais minoritaires et marginalisés, sont systématiquement exclus du pouvoir. Les tensions ethniques restent vives, avec des massacres de Tutsi en 1963 et 1967. Kayibanda centralise le pouvoir et met en place un régime autoritaire. Son gouvernement est caractérisé par la répression des opposants politiques et une gestion clanique du pouvoir au profit des Hutu du centre du pays. En 1973, Juvénal Habyarimana, un Hutu du nord du Rwanda, mène un coup d'État contre Kayibanda. Il instaure un nouveau régime, se proclame président, et fonde le Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND), le parti unique du pays.
Habyarimana gouverne d'une main de fer, en privilégiant les Hutu du nord, mais en maintenant une certaine stabilité par rapport à la période précédente. Il renforce l'exclusion des Tutsi du pouvoir et limite leurs opportunités économiques. Dans les années 1980, le Rwanda connaît une crise économique sévère, exacerbant les tensions entre Hutu et Tutsi. Les Tutsi exilés forment le Front patriotique rwandais (FPR) en 1987, une organisation militaire et politique, opérant à partir de l'Ouganda et du Nord du Rwanda, et qui vise à renverser le régime d'Habyarimana.

Le génocide rwandais.
Le génocide qui a eu lieu au Rwanda en 1994 a commencé le 6 avril 1994, quand l'avion du président Juvénal Habyarimana est abattu près de l'aéroport de Kigali, tuant Habyarimana et le président burundais Cyprien Ntaryamira. L'assassinat déclenche une réaction violente parmi les extrémistes hutu, qui accusent les Tutsi et leurs sympathisants d'en être les responsables. Immédiatement, des groupes armés hutu et des milices comme les Interahamwe commencent à attaquer des Tutsi et des Hutu modérés. Le gouvernement intérimaire, dominé par des extrémistes hutu, soutient activement les massacres.

Le génocide dure environ 100 jours, du 7 avril au 15 juillet 1994 et tue les trois quarts de la population tutsi du Rwanda. Les massacres sont organisés et systématiques. Les milices utilisent des machettes, des armes à feu, et des viols comme méthodes de terrorisme et de meurtre. Les femmes et les enfants sont particulièrement ciblés. Les médias, notamment la radio des Mille Collines, jouent un rôle crucial en incitant à la violence, en diffusant des messages de haine et en encourageant les Hutu à tuer les Tutsi. La communauté internationale, à commencer par les Nations Unies, est largement critiquée pour son inaction. Les casques bleus de l'ONU présents au Rwanda sont limités dans leurs actions, et le Conseil de sécurité de l'ONU ne parvient pas à intervenir de manière significative pour stopper les massacres.

En mai-Juillet 1994, le Front Patriotique Rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, mène une offensive militaire qui s'intensifie. Les forces du FPR prennent progressivement le contrôle du pays, Le 4 juillet 1994, le FPR prend Kigali, mettant fin au génocide. Les forces génocidaires fuient vers les pays voisins, notamment la République Démocratique du Congo (RDC), et des millions de réfugiés hutu se dispersent. Au final, environ 800 000 personnes auront été tuées, et de nombreuses familles décimées. Des millions de personnes sont déplacées, avec des réfugiés se retrouvant dans des camps au Congo et ailleurs.
 

Le rôle de la France pendant le génocide rwandais

La France Ă©tait un alliĂ© proche du gouvernement rwandais dirigĂ© par le prĂ©sident JuvĂ©nal Habyarimana, un Hutu, dont l'assassinat le 6 avril 1994 a dĂ©clenchĂ© le gĂ©nocide. La France a Ă©tĂ© par la suite  accusĂ©e de complicitĂ© dans le gĂ©nocide, en raison de ce soutien au rĂ©gime Habyarimana et de sa proximitĂ© avec les responsables du gĂ©nocide. Des rapports ont suggĂ©rĂ© que la France aurait formĂ© et armĂ© les milices Interahamwe, qui ont Ă©tĂ© les principaux exĂ©cutants du gĂ©nocide. La France a toujours niĂ© ces accusations de complicitĂ©. Mais il est avĂ©rĂ© que France fournissait une aide militaire et Ă©conomique significative au gouvernement rwandais depuis des annĂ©es. Des conseillers militaires français Ă©taient prĂ©sents au Rwanda et des armes françaises avaient Ă©tĂ© vendues au gouvernement rwandais.

En 1990, lors de l'invasion du Front patriotique rwandais (FPR), un groupe rebelle composé principalement de Tutsis exilés, la France avait lancé l'opération Noroît pour soutenir l'armée rwandaise (FAR) et protéger ses ressortissants. Cette présence militaire a duré jusqu'à fin 1993, et certains accusent alors la France d'aider à maintenir le régime Habyarimana en place malgré les tensions ethniques croissantes.

Pendant le génocide, la France est critiquée pour son inaction et son refus d'intervenir rapidement pour arrêter les massacres. Bien que la communauté internationale dans son ensemble ait échoué à empêcher le génocide, la France, en raison de ses liens avec le régime rwandais, est particulièrement pointée du doigt. En juin 1994, alors que le génocide touche à sa fin, la France lance l'opération Turquoise, une mission militaire sous mandat des Nations Unies, officiellement pour des raisons humanitaires. Cette opération permet d'établir une zone humanitaire sûre dans le sud-ouest du Rwanda. Cependant, cette opération est controversée car elle permet aussi à de nombreux génocidaires de fuir vers le Zaïre (actuelle République démocratique du Congo), où ils ont continué à déstabiliser la région.

Au fil des années, plusieurs commissions ont été mises en place pour enquêter sur le rôle de la France dans le génocide rwandais. En 2021, le rapport de la commission Duclert, commandé par le président Emmanuel Macron, a reconnu des responsabilités lourdes et accablantes de la France, mais sans conclure à une complicité directe dans le génocide. Le président Macron a ensuite reconnu les "responsabilités accablantes" de la France, mais sans présenter d'excuses formelles. Les relations entre la France et le Rwanda ont été longtemps tendues à cause de ces accusations. Eles se sont améliorées ces dernières années, avec des gestes de réconciliation de part et d'autre.

L'ère Kagame.
Paul Kagame devient le leader de facto du Rwanda après la victoire du FPR. Bien que Pasteur Bizimungu soit initialement nommé président, Kagame, qui devient vice-président et ministre de la Défense, exerce une influence prédominante. Le gouvernement de Kagame lance un processus de réconciliation nationale, bien que des tensions persistent. Le pays se lance dans la reconstruction de son économie et de ses institutions, tout en poursuivant les auteurs du génocide à travers des tribunaux locaux (Gacaca) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Basé à Arusha, en Tanzanie, le TPIR juge les crimes de génocide et de guerre.

Après avoir été vice-président et ministre de la Défense, Paul Kagame devient président du Rwanda en 2000, succédant à Pasteur Bizimungu qui démissionne. Kagame est ensuite élu président en 2003 lors de la première élection présidentielle depuis le génocide. Le régime de Kagame centralise le pouvoir, avec une gestion stricte de la politique intérieure. Bien que le Rwanda soit officiellement une démocratie multipartite, le Front Patriotique Rwandais (FPR) de Kagame domine largement la scène politique, avec peu de place pour une véritable opposition. En 2015, un référendum constitutionnel permet à Kagame de potentiellement rester au pouvoir jusqu'en 2034. Ce changement est critiqué par les observateurs internationaux, qui y voient une dérive autoritaire.

Le Rwanda connaît une transformation économique rapide et devientun modèle de développement en Afrique. Le gouvernement met en place des réformes pour attirer les investissements étrangers, moderniser l'agriculture, et développer les infrastructures. Le pays se concentre également sur l'innovation technologique. Les efforts de développement conduisent à une réduction significative de la pauvreté, une amélioration de l'accès à l'éducation et une hausse de l'espérance de vie. Le Rwanda devient l'un des pays les plus performants en Afrique en termes d'indicateurs de développement humain.

Le pays continue d'exercer une influence importante dans la région des Grands Lacs, notamment en République Démocratique du Congo (RDC). Le Rwanda est accusé de soutenir des groupes armés dans l'est de la RDC, ce qui contribue à l'instabilité dans la région. Toutefois, Kagame justifie ces actions par la nécessité de protéger le Rwanda des menaces sécuritaires transfrontalières. Le Rwanda développe également un rôle diplomatique actif en Afrique, rejoignant des organisations comme la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) et renforçant ses relations avec les grandes puissances mondiales. Le pays est salué pour sa contribution aux missions de maintien de la paix de l'ONU.

Dans le même temps, le régime de Kagame est critiqué pour ses atteintes aux droits humains. Les accusations concernent la répression de l'opposition politique, la restriction de la liberté de la presse et des allégations d'assassinats politiques. Les figures de l'opposition, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Rwanda, font souvent face à des harcèlements, des arrestations ou des menaces. Certains opposants en exil ont été assassinés, ce qui suscite des critiques sur la tolérance du régime envers la dissidence.

Le gouvernement de Kagame continue de mettre l'accent sur la mémoire du génocide, avec des initiatives pour l'unité nationale et la réconciliation. Le Rwanda met en place des politiques pour effacer les distinctions ethniques, se concentrant sur une identité nationale rwandaise unifiée. Les tribunaux Gacaca, qui ont jugé des centaines de milliers de cas de crimes liés au génocide, se terminent en 2012. Bien qu'ils aient été efficaces pour traiter un grand nombre de cas, ces tribunaux sont également critiqués pour des jugements parfois expéditifs et une justice partielle.

Paul Kagame est réélu en 2017 avec un soutien massif, officiellement remportant plus de 98 % des voix. L'élection est largement critiquée pour son manque de compétitivité réelle et pour les pressions exercées sur l'opposition. Le Rwanda continue de se positionner comme un leader en Afrique, notamment par l'accueil de sommets internationaux, l'investissement dans des projets verts et la promotion de Kigali comme une ville intelligente. Le pays maintient sa réputation de propreté, d'efficacité administrative et de faible corruption.

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