Origine et histoire des Pygmées

Les recherches génétiques et anthropologiques indiquent que les Pygmées sont les descendants d'une population très ancienne qui occupait les forêts tropicales d'Afrique centrale bien avant l'arrivée des groupes bantous et nilotiques. Des études archéologiques montrent que les ancêtres des Pygmées vivaient en Afrique centrale depuis au moins 20 000 à 30 000 ans. Leur présence pourrait même remonter à 50.000 ans ou plus, ce qui fait d'eux l'un des plus anciens groupes humains encore existants. Les analyses ADN montrent que les Pygmées forment un groupe génétiquement distinct, ayant divergé des autres populations africaines il y a plusieurs dizaines de milliers d'années. Ils partagent des liens ancestraux avec les Khoïsan d'Afrique australe, un autre groupe ancien.

Dans les temps anciens, les Pygmées étaient les principaux habitants des vastes forêts équatoriales d'Afrique centrale. Ils vivaient de manière semi-nomade, en chassant et en cueillant. Leur isolement dans les forêts les a longtemps protégés des grandes migrations et conquêtes qui ont marqué l'histoire du continent africain. À partir de 3000 ans avant notre ère, les migrations des populations bantoues venues de l'Afrique de l'Ouest ont commencé à transformer la région. Les Bantous, agriculteurs et éleveurs, se sont progressivement installés dans les territoires autrefois exclusivement occupés par les Pygmées. Les Pygmées ont parfois été intégrés dans les sociétés bantoues en tant que chasseurs, guides ou guérisseurs, mais cette relation a aussi été marquée par la domination et l'exploitation. Les Pygmées ont été marginalisés et considérés comme inférieurs par les groupes majoritaires.

L'arrivée des colonisateurs européens à partir du XIX^e siècle a accentué la marginalisation des Pygmées. Les colons ont imposé de nouvelles frontières et des modes de vie sédentaires qui étaient en opposition avec la culture pygmée. Les gouvernements  postcoloniaux, ont encore encouragé ou forcé la sédentarisation des Pygmées. Avec l'exploitation croissante des forêts pour l'agriculture, l'exploitation forestière, et l'exploitation minière, les Pygmées ont perdu une grande partie de leur territoire traditionnel. Cette perte de territoire a non seulement impacté leur mode de vie, mais a également entraîné des conflits avec d'autres populations.

Aujourd'hui, les Pygmées sont souvent marginalisés et vivent dans des conditions difficiles. Leur accès à la forêt est limité et ils sont confrontés à des discriminations sociales et économiques. Ces dernières décennies, des initiatives locales et internationales ont cherché à promouvoir les droits des Pygmées, à reconnaître leur culture et à protéger leurs terres. Malgré cela, leur situation reste précaire.

Les populations pygmées

Les Aka.
Principalement situés en République centrafricaine et dans le nord du Congo-Brazzaville, les Aka sont des chasseurs-cueilleurs, célèbres pour leurs compétences en chasse à l'arc et en piégeage. Ils se distinguent par leurs chants polyphoniques, utilisés dans les cérémonies religieuses et sociales. Ils parlent principalement une langue bantoue influencée par les langues des groupes voisins.

Les Baka.
Présents au Cameroun, au Gabon et au Congo-Brazzaville, les Baka sont aussi des chasseurs-cueilleurs semi-nomades. Ils se signalent par leur connaissance approfondie de la forêt et leur musique polyphonique, notamment le chant yelli utilisé par les femmes lors de la cueillette. Les Baka parlent une langue de la famille oubanguienne, avec des influences des langues bantoues.

Les Mbuti.
Vivant essentiellement dans la forêt d'Ituri en République démocratique du Congo (RDC), les Mbuti sont l'un des groupes pygmées les plus connus. Ils sont traditionnellement chasseurs-cueilleurs et vivent de manière semi-nomade dans la forêt. La chasse collective avec des filets est l'une de leurs spécialités. Ils parlent principalement des langues bantoues et nilo-sahariennes, avec des dialectes qui leurs sont propres.

Les Twa.
Présents au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, en RDC et dans d'autres régions de l'Afrique de l'Est, les Twa, contrairement à d'autres groupes pygmées, ont souvent été sédentarisés et marginalisés par les sociétés agricoles dominantes, comme les Hutu et les Tutsi. Ils sont historiquement liés à la poterie et à la cueillette. Ils parlent généralement les langues des groupes majoritaires des régions où ils vivent, comme le kinyarwanda et le kirundi.

Les Efe.
Principalement établis dans la forêt d'Ituri en RDC, aux côtés des Mbuti (dont ils sont parfois considérés comme un sous-groupe), les Efe, comme les Mbuti, sont des chasseurs-cueilleurs. Cependant, ils se concentrent davantage sur la chasse à l'arc et la cueillette, et vivent dans des camps plus petits. Ils parlent une langue nolo-saharienne, avec des influences locales.

Les Asua.
Les Asua habitent également en RDC, principalement dans l'est de la forêt d'Ituri. Ils sont des chasseurs-cueilleurs vivant de manière traditionnelle. Leur organisation sociale et leur culture sont similaires à celles des Mbuti et des Efe. Leur langue appartient à la famille nilo-saharienne centrale.

Les Babongo (ou Tsogho). 
Bien que traditionnellement chasseurs-cueilleurs, beaucoup de Babongo se sont sédentarisés. Ils jouent un rôle important dans les rites du bwiti, une religion syncrétique répandue dans la région. Ils parlent des langues bantoues, notamment le tsogho.

Les Bedzan (ou Medzan).
Habitant au Cameroun, dans la région de l'Adamaouales Beszan sont en grande partie sédentarisé, bien que certaines traditions de chasse et de cueillette soient encore pratiquées.  Ils parlent le tikar, une langue bantoue.

Caractéristiques culturelles et sociales

La chasse et la cueillette.
Les Pygmées sont traditionnellement des chasseurs-cueilleurs. Les hommes chassent le gibier à l'aide d'arcs, de flèches, de lances, et de pièges. Dans certaines populations, comme les Aka et les Mbuti, les filets sont utilisés pour capturer les petits animaux. La chasse collective peut être une activité communautaire qui renforce les liens sociaux. Les femmes, accompagnées des enfants, collectent des fruits, des tubercules, des champignons, du miel et diverses plantes comestibles. Elles ont une connaissance approfondie de la forêt et savent identifier les plantes utiles pour l'alimentation et la médecine.

L'organisation sociale.
La société pygmée est généralement égalitaire et communautaire. Les décisions sont prises collectivement, souvent par consensus. Il n'y a pas de hiérarchie stricte, bien que certaines personnes âgées ou expérimentées aient une influence respectée. Les ressources, comme la nourriture, sont ordinairement partagées équitablement au sein du groupe. Le partage est un principe fondamental de leur culture.

Habitations et artisanat.
Les Pygmées vivent traditionnellement dans des huttes temporaires appelées mongulus ou huttes en feuilles. Ces abris sont construits en feuilles et en branches tressées et sont faciles à démonter, ce qui convient à leur mode de vie semi-nomade. Leurs campements sont déplacés en fonction des saisons ou des besoins en ressources. Ils fabriquent par ailleurs des paniers, des nattes et des outils en utilisant des matériaux comme le rotin et les feuilles.

Croyances et rituels.
Les Pygmées  croient en une connexion profonde avec la nature et les esprits de la forêt. Les rituels, les chants et les danses sont au coeur de leur vie religieuse, notamment pour célébrer des événements comme les naissances, les mariages ou les rites de passage. La danse accompagne souvent les cérémonies religieuses ou sociales. Par exemple, lors des rites de passage, des danses spécifiques sont exécutées pour marquer l'entrée dans l'âge adulte.. Les chants polyphoniques, caractéristiques de plusieurs groupes pygmées, jouent un rôle central dans les rituels. Ces chants sont souvent improvisés et harmonisés . Les Aka et les Baka sont particulièrement célèbres pour leurs polyphonies complexes. Ils sont utilisés pour invoquer les esprits, guérir les malades, ou accompagner les danses. Bien que la voix soit l'instrument principal, ils utilisent aussi des tambours, des arcs musicaux, des flûtes et des harpes. Dans certains rituels, la peinture corporelle est utilisée pour exprimer un statut ou une protection magique. 

La transmission des savoirs.
Les Pygmées possèdent une connaissance approfondie de leur environnement. Ils maîtrisent l'utilisation de nombreuses plantes médicinales pour soigner diverses maladies. Leur pharmacopée traditionnelle est riche et diversifiée. Ils sont experts en orientation, en construction d'abris temporaires. La transmission des savoirs et de la culture pygmée se fait principalement de manière oraleà travers des contes, des chants, des légendes et des récits mythologiques. Ces récits servent à éduquer les jeunes, à préserver la mémoire collective et à expliquer leur vision du monde. Les jeunes apprennent dès leur plus jeune âge les techniques de chasse, les plantes médicinales, les chants, et les traditions à travers l'imitation des aînés.