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L'histoire d'Ouganda

L'Ouganda avant 1962

Les royaumes précoloniaux.
Ancien carrefour des migrations, l'Ouganda compte jusqu'à 65 groupes ethniques qui parlent des langues de trois des quatre grandes familles linguistiques africaines différentes. Au cours du XIIIe, des sols fertiles et des précipitations régulières dans le Sud ont favorisé la formation de plusieurs structures politiques organisées bientôt en grands royaumes centralisés. 

Le royaume de Buganda.
Situé dans le centre de l'Ouganda, sur les rives Nord-Ouest du lac Victoria, le Buganda est le plus grand et le plus puissant des royaumes ougandais. Il est peuplé par les Baganda, le plus grand groupe ethnique du pays.  Fondé au XIVe siècle, le Buganda s'est développé pour devenir un royaume fortement centralisé sous l'autorité du kabaka (roi). Le royaume était divisé en provinces, chacune dirigée par un chef nommé par le kabaka. Le Buganda a prospéré grâce à l'agriculture, au commerce et à ses alliances militaires. Lors de l'arrivée des Européens au XIXe siècle, le Buganda était l'un des royaumes les plus influents de la région. Le kabaka Mutesa I a joué un rôle déterminant en accueillant les missionnaires européens et en ouvrant son royaume au commerce extérieur. Sous le régime colonial britannique, le Buganda a conservé une autonomie relative en tant que royaume sous protectorat, mais les relations avec les Britanniques et d'autres royaumes ougandais ont souvent été tendues.

Le royaume de Bunyoro.
Le Bunyoro, fondé au XVIe siècle, était autrefois le plus puissant royaume de la région. Il était situé dans l'ouest de l'Ouganda et a dominé de vastes territoires jusqu'à ce qu'il commence à perdre de son influence face au Buganda et à d'autres entités au XVIIIe siècle. Le roi, appelé omukama, détenait un pouvoir religieux et politique, et le royaume se signalait par sa riche culture, ses traditions royales et ses systèmes de justice. Au XIXe siècle, le Bunyoro a lutté contre l'expansion du Buganda et l'influence croissante des Britanniques. Il a subi plusieurs défaites militaires, ce qui a conduit à sa marginalisation sous le régime colonial. Cependant, le Bunyoro a conservé une identité culturelle forte et continue d'exister en tant que royaume traditionnel reconnu aujourd'hui.

Le royaume de Toro.
Le Toro, situé dans l'ouest de l'Ouganda et  habité principalement par les Batooro. Il a été fondé au XIXe siècle lorsqu'un prince dissident de Bunyoro, Kaboyo, a déclaré l'indépendance de Toro. Le royaume s'est établi avec sa propre monarchie sous l'autorité de l'omukama. La culture toro est riche en traditions, notamment en ce qui concerne la royauté, les rites d'initiation et les fêtes culturelles. Le Toro a réussi à maintenir son autonomie relative en collaborant avec les Britanniques pendant la période coloniale. Comme les autres royaumes, le Toro a été reconnu comme un royaume traditionnel au sein de l'Ouganda indépendant, bien que son influence soit limitée par rapport à son apogée historique.

Le royaume d'Ankole.
Ankole, situé dans la région sud-ouest de l'Ouganda, est peuplé par les Banyankole, une population subdivisée en deux classes principales : les Bahima (pasteurs) et les Bairu (agriculteurs). Le royaume a été établi au XVe siècle et est reconnu pour son élevage de bétail, en particulier les vaches à longues cornes, qui sont un symbole de prestige et d'identité culturelle. Le roi d'Ankole, appelé omugabe, était une figure importante, mais son pouvoir était moins centralisé que celui du kabaka du Buganda. Pendant la période coloniale, Ankole a été intégré au protectorat britannique, mais le royaume a conservé certaines de ses structures traditionnelles. Contrairement à Buganda, Ankole n'a pas joué un rôle important dans la politique coloniale et postcoloniale ougandaise. En 1967, le royaume a été aboli par Milton Obote, mais il a été partiellement rétabli comme royaume culturel sous le régime de Yoweri Museveni.

L'ouverture  à l'étranger.
À partir du XIXe siècle, les marchands arabes et swahilis commencent à établir des routes commerciales à travers l'Ouganda, reliant les royaumes locaux aux réseaux commerciaux de la côte est-africaine. Ils apportent avec eux des produits tels que les textiles, les perles et, malheureusement, des esclaves. En échange, ils rapportent de l'ivoire et d'autres biens précieux.

En 1862, les explorateurs britanniques John Hanning Speke et James Grant sont les premiers Européens à atteindre le lac Victoria, qu'ils identifièrent comme la source du Nil. Leur expédition ouvre la voie à d'autres explorateurs et missionnaires européens. En 1864, Sir Samuel Baker et sa femme Florence Baker entreprennent un voyage vers le nord de l'Ouganda et découvrent le lac Albert. Baker sera plus tard nommé gouverneur général du Haut-Nil par les Britanniques, avec pour mission de supprimer la traite des esclaves dans la région. L'explorateur britannique Stanley visite le Buganda en 1875, où il estreçu par le kabaka Mutesa I. Ce dernier exprime son intérêt pour le christianisme, ce qui incite Stanley à faire appel aux missionnaires européens pour qu'ils viennent en Ouganda.

Les contacts avec les Européens et les Arabes ont introduit le christianisme et l'islam en Ouganda. Le kabaka Mutesa I a permis aux missionnaires chrétiens de s'installer dans son royaume, ce qui a entraîné une compétition religieuse entre le catholicisme, le protestantisme et l'islam.

Les  poids des puissances européennes.
Vers la fin du XIXe siècle, les royaumes ougandais commencent à ressentir les pressions coloniales. Le Royaume-Uni et l'Allemagne se disputent l'influence dans la région. En 1888, la British East Africa Company obtient une charte pour administrer l'Ouganda, et en 1894, l'Ouganda devient un protectorat britannique. Le Traité de Buganda de 1900 marque le début de l'administration formelle britannique en Ouganda. Il consolide le pouvoir du royaume du Buganda tout en le plaçant sous l'autorité britannique. Les Britanniques réorganisent l'administration et imposent un système de taxation, ce qui permet le développement des infrastructures et de l'économie, mais au prix de la soumission des autres royaumes et groupes ethniques.

L'administration coloniale introduit des cultures de rente comme le coton et le café, qui vont devenir des piliers de l'économie ougandaise. L'éducation chrétienne se, favorisant l'émergence d'une élite ougandaise éduquée. Après la Seconde Guerre mondiale, le nationalisme ougandais commence à croître, alimenté par la frustration face à la domination britannique et les inégalités socio-économiques. Des partis politiques, tels que le Congrès national de l'Ouganda (UNC), sont créés pour réclamer l'indépendance.

L'Ouganda depuis 1962

L'Ouganda obtient finalement son indépendance  le 9 octobre 1962, avec Milton Obote comme Premier ministre. La transition se faite pacifiquement, mais le pays est rapidement été confronté à des tensions ethniques et régionales. En 1963, l'Ouganda devient une république avec un président non exécutif, le kabaka Mutesa II du Buganda. Cependant, des tensions entre le gouvernement central et le royaume du Buganda éclatent, menant à la crise de 1966, où Obote abolit les royaumes traditionnels et prend le contrôle absolu du gouvernement.

En janvier 1971, le général Idi Amin (Idi Amin Dada)  a renversé Milton Obote par un coup d'État militaire. Amin Dada a instauré un régime dictatorial caractérisé par la brutalité, la répression et des violations massives des droits humains. L'année suivante, il a ordonné l'expulsion de quelque 80 000 Ougandais d'origine asiatique, ce qui a gravement perturbé l'économie. Amin Dada s'est aussi isolé diplomatiquement, et ses actions ont conduit à un appauvrissement et une instabilité croissante dans le pays. En 1979, il a été renversé par une coalition de forces ougandaises exilées et de l'armée tanzanienne après la guerre ougando-tanzanienne. Son régime a laissé l'Ouganda en ruines économiques et sociales.

Après la chute d'Amin Dada, l'Ouganda connaît plusieurs gouvernements de transition, marqués par des luttes de pouvoir. En 1980, des élections controversées ramènent Milton Obote au pouvoir. Le second mandat d'Obote est marqué par des conflits internes, notamment une guerre civile dans la région du Luwero, connue sous le nom de Bush War, menée par la National Resistance Army (NRA) de Yoweri Museveni. En juillet 1985, Obote a été renversé par son propre général, Tito Okello, mais ce nouveau gouvernement ne réussit pasi à stabiliser le pays. En janvier 1986, Yoweri Museveni et la NRA renversent le régime d'Okello. Museveni promet des réformes politiques et économiques pour reconstruire l'Ouganda, qui, de fait, va alors connaître une certaine stabilité, avec des réformes économiques libérales qui stimulent la croissance. Musevenu instaure un système de gouvernement décentralisé et met en place une nouvelle constitution en 1995. Cependant, l'Ouganda est aussi déchiré par des conflits, notamment avec la Lord's Resistance Army (LRA) dans le nord du pays, qui cause des souffrances terribles parmi les civils, avec des milliers de morts, des enlèvements massifs d'enfants et le déplacement de millions de personnes.

Yoweri Museveni remporte les élections présidentielles de 2001 et 2006. Ces élections sont marquées par des allégations de fraude et d'intimidation, bien que Museveni soit resté populaire pour avoir apporté la stabilité après les années de guerre civile. En 2005, le Parlement ougandais vote pour abolir la limite de deux mandats présidentiels, permettant à Museveni de se présenter à nouveau. Cette décision est  largement critiquée comme un moyen de prolonger son règne indéfiniment.

Le conflit avec la Lord's Resistance Army, dirigée par Joseph Kony, continue à sévir dans le nord de l'Ouganda. Cependant, vers la fin des années 2000, l'activité de la LRA en Ouganda  diminue grâce à des offensives militaires conjointes et des négociations. Le conflit se déplace vers les pays voisins. L'Ouganda retrouve progressivement la paix dans les régions affectées. Pendant cette période, l'économie ougandaise connaîtune croissance stable, soutenue par l'agriculture, les services, et plus récemment par le secteur pétrolier, après la découverte de réserves d'hydrocarbures  dans la région du lac Albert. Malgré la croissance économique, l'Ouganda continue de faire face à des défis importants en matière de réduction de la pauvreté, de corruption, et d'inégalités socio-économiques, en particulier entre les zones urbaines et rurales. L'Ouganda a été reconnu pour ses efforts dans la lutte contre le VIH/SIDA, bien que les taux d'infection restent également un défi de santé publique majeur.

Le régime de Museveni a été critiqué pour sa répression croissante des opposants politiques, des médias, et de la société civile. Des figures de l'opposition, telles que Kizza Besigye et plus récemment Bobi Wine (un chanteur devenu homme politique qui a mobilisé une large partie de la jeunesse ougandaise, de son vrai nom Robert Kyagulanyi), ont été régulièrement arrêtées et harcelées. Museveni a continué à remporter les élections de 2011 et 2016, mais les scrutins ont été marqués par des accusations de fraude et de répression. Les manifestations contre le gouvernement ont souvent été violemment réprimées. 

Les élections de janvier 2021 ont été particulièrement tendues, avec Museveni affrontant Bobi Wine. Museveni a été réélu, mais le processus électoral a été largement critiqué pour son manque de transparence et les violations des droits humains. Comme de nombreux autres pays, l'Ouganda a été touché par la pandémie de covid-19. Le gouvernement a mis en place des mesures strictes pour contrôler la propagation du virus, mais ces mesures ont également exacerbé les tensions politiques et économiques.

Au cours des dernières années, l'Ouganda a joué un rôle actif dans les affaires régionales, notamment en Somalie, où il a contribué des troupes à la mission de l'Union africaine (AMISOM) pour combattre les insurgés islamistes. Le pays a également été impliqué dans les conflits en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. L'Ouganda a par ailleurs maintenu des relations étroites avec les puissances occidentales, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, qui conrinuent de soutenir Museveni en raison de son rôle dans la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Est.

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