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Gertrude
Elizabeth
Margaret (G.E.M) Anscombe est une philosophe
née le 18 mars 1919 à Limerick (Irlande)
et morte le 5 janvier 2001 à Cambridge (Angleterre). Elle a travaillé
sur la philosophie de l'esprit, l'éthique et philosophie du langage.
Son père, Allen
Wells Anscombe, est officier de l'armée britannique, et sa mère, Gertrude
Elizabeth Anscombe, est une ancienne infirmière de la Croix-Rouge. De
1928 à 1937, Elizabeth Anscombe étudie au Sydenham High School, à Londres,
puis au St Hugh's College de l'université d'Oxford,
où elle se distingue par ses résultats. Pendant ses études, elle se
convertit au catholicisme, une décision qui influencera fortement sa philosophie.
Elle obtient son diplôme de philosophie, politique et économie (PPE)
à Oxford en 1941 et commence à travailler sur ses recherches en philosophie.
Elle épouse aussi cette même année le philosophe Peter Geach, avec qui
elle aura sept enfants. Leur mariage sera marqué par une collaboration
intellectuelle étroite.
De 1946 Ã 1951,
Elizabeth Anscombe étudie et travaille étroitement avec Ludwig
Wittgenstein, à l'Université de Cambridge. Elle devient l'une de
ses principales disciples. À la mort de Wittgenstein, Anscombe est l'une
des principales responsables de la publication posthume de ses travaux,
notamment les Recherches philosophiques, dont elle donnera un traduction
anglaise en 1959. Elle fait paraître entre-temps Intention (1957),
où elle commence à développer ses idées sur la philosophie de l'action,
puis Modern Moral Philosophy (1958), ouvrage dans lequel elle critique
la philosophie morale contemporaine et plaide pour un retour à la vertu
éthique inspirée par Aristote et Thomas
d'Aquin.
• Intention
(1957) : Cet ouvrage est l'une de ses oeuvres les plus importantes.
Anscombe examine les diverses façons dont nous utilisons le mot « intention
» dans le langage quotidien. Elle distingue l'intention pour le futur
(plans), l'intention dans l'action (motivation en cours d'action), et l'intention
avec laquelle une action est effectuée (justification de l'action).La
philosophe critique l'idée cartésienne
selon laquelle les intentions sont des états mentaux privés qui causent
des actions. Elle rejette la conception selon laquelle l'intention est
strictement intérieure et inaccessible à autrui.
Elle propose que ce qui rend une action intentionnelle n'est pas seulement
un état mental préalable, mais la manière dont l'action peut être décrite
et comprise. Ainsi, une action intentionnelle est celle qui peut être
expliquée par des raisons que l'acteur peut articuler. Anscombe introduit
aussi le concept de « connaissance sans observation », où un agent connaît
ses propres intentions sans avoir besoin d'observer son propre comportement.
Cela contraste avec la connaissance empirique de l'extérieur. Une distinction
importante est faite entre les raisons pour lesquelles une action est entreprise
et les causes de cette action. Les raisons sont
liées à l'intention et aux objectifs de l'agent, tandis que les causes
sont des événements physiques qui peuvent expliquer l'action.
L'ouvrage a profondément
influencé la philosophie de l'action en déplaçant le focus des états
mentaux internes vers une analyse plus holistique des actions humaines.
Anscombe montre que comprendre l'intention nécessite d'analyser comment
les actions sont décrites et interprétées socialement et contextuellement.
En critiquant le dualisme cartésien, Anscombe a ouvert la voie à des
conceptions plus intégrées de l'esprit et du corps, influençant des
penseurs tels que Donald Davidson et les partisans de la philosophie
analytique. Elle souligne l'importance de la manière dont les actions
sont décrites et racontées, une idée qui a des ramifications pour la
philosophie du langage et la théorie narrative. Les descriptions des actions
sont cruciales pour comprendre les intentions derrière elles. En liant
étroitement l'intention aux raisons d'agir, Anscombe influence également
l'éthique. Les intentions et les raisons d'un agent deviennent des éléments
centraux dans l'évaluation morale des actions, ce qui conteste des approches
purement conséquentialistes.
• Modern Moral
Philosophy (1958). - Dans cet article paru dans la revue Philosophy
Anscombe critique la philosophie morale contemporaine, en particulier l'utilitarisme
et le déontologisme kantien t propose un retour à des concepts
plus anciens et plus rigoureux de l'éthique. Elle appelle à un retour
à une éthique des vertus inspirée par Aristote et Thomas d'Aquin. Ce
texte est considéré comme le point de départ du renouveau de l'éthique
des vertus dans la philosophie moderne. L'autrice critique en particulier
les concepts moraux modernes tels que l'obligation morale, le devoir, et
les lois morales, qu'elle considère dénués de sens sans une base théologique
adéquate. Elle soutient que ces concepts sont hérités de la pensée
chrétienne mais utilisés dans un cadre laïc, ce qui les rend incohérents.
Elle attaque le conséquentialisme (ou utilitarisme),
une théorie éthique dominante qui juge les actions en fonction de leurs
conséquences. Anscombe considère que cette approche ignore les intentions
et la nature intrinsèque des actions. Elle propose de revenir à une éthique
des vertus, inspirée par Aristote, où l'accent est mis sur le développement
du caractère moral et des vertus plutôt que sur l'obéissance à des
règles morales abstraites. Continuant son travail sur l'intention, elle
souligne que la moralité des actions ne peut être comprise sans une analyse
claire des intentions de l'agent. Anscombe appelle à une meilleure compréhension
de la psychologie morale, une étude des motivations et des raisons pour
lesquelles les individus agissent, plutôt qu'une simple analyse des actions
en termes de résultats ou de conformités à des règles.
Avec cet ouvrage,
Elizabeth Anscombe a déclenché une révolution dans la philosophie morale
en remettant en question les fondements mêmes de l'éthique
moderne. Son appel à abandonner le langage de l'obligation morale et Ã
se concentrer sur les vertus a influencé de nombreux
philosophes et a conduit à un regain d'intérêt pour l'éthique des vertus.
La critique d'Anscombe des concepts moraux modernes souligne une incohérence
dans l'utilisation des termes moraux en l'absence d'un cadre théologique.
Elle suggère que les termes comme obligation et devoir n'ont
de sens que dans un contexte de lois divines, ce qui remet en question
les fondements de la moralité séculière. Son rejet du conséquentialisme
a provoqué un débat sur la validité de cette approche éthique. Anscombe
a insisté sur le fait que les intentions et les actions elles-mêmes,
et non seulement les conséquences, sont cruciales pour évaluer moralement
une action. En plaidant pour une éthique des vertus, elle a encouragé
un retour aux sources aristotéliciennes de la moralité qui priorisent
le développement du caractère moral et des vertus personnelles.
Dans les années 1960,
Anscombe continue d'enseigner et de publier ses travaux. Elle devient professeure
à l'université de Cambridge, où elle
contribue activement au développement de la philosophie de l'esprit, de
l'action et du langage. En 1971, elle fait paraître Causality and Determination
(1972), où elle aborde les concepts de cause et de déterminisme.
• Causality
and Determination (1971). - Dans ce texte d'une conférence, Anscombe
aborde les concepts de causalité et de déterminisme. Elle critique les
conceptions mécanistes de la causalité et propose une vision plus complexe
et nuancée des relations causales. La philosophe s'attaque à l'idée
que la causalité implique nécessairement
le déterminisme. Elle soutient que cette
association est erronée et que les événements peuvent être causés
sans être déterminés de manière stricte par des lois naturelles. Elle
donne des exemples de situations où des causes
ne déterminent pas complètement leurs effets, soulignant que des relations
causales peuvent exister sans qu'elles soient rigides et inéluctables.
Anscombe distingue clairement la causalité des lois de la nature. Elle
affirme que les lois de la nature décrivent des régularités observées,
mais elles ne doivent pas être confondues avec des relations causales
strictes. Elle propose que la causalité doit être comprise dans le contexte
de l'intelligibilité humaine, c'est-à -dire la manière dont les gens
perçoivent et expliquent les événements
autour d'eux. Les causes sont donc identifiées par leur rôle explicatif
plutôt que par leur nécessité déterministe. Anscombe introduit l'idée
que les actions humaines et les intentions jouent un rôle crucial dans
la compréhension de la causalité. Elle soutient que les agents peuvent
initier des événements sans être eux-mêmes déterminés par des causes
antérieures de manière rigide. Elle réoriente la discussion sur la causalité
en la dissociant du déterminisme. Cette révision permet de concevoir
une causalité plus flexible, où les causes peuvent influencer sans nécessairement
déterminer complètement les effets. Cela a des implications importantes
pour la philosophie de la science et la compréhension des phénomènes
naturels.
En remettant ainsi
en cause l'association étroite entre causalité et déterminisme, Anscombe
ouvre la voie à des interprétations indéterministes des événements.
Cela est particulièrement pertinent pour les débats sur le libre
arbitre, où la possibilité d'actions non déterminées est cruciale.
L'idée que la causalité est contextuelle et dépend de l'intelligibilité
humaine souligne l'importance des descriptions et des explications dans
la compréhension des relations causales. Cela rapproche la causalité
des préoccupations pratiques et quotidiennes des agents humains, plutôt
que de la réduire à des abstractions scientifiques. En distinguant les
lois de la nature des relations causales strictes, Elizabeth Anscombe propose
une vision plus nuancée de la science. Les lois de la nature deviennent
des descriptions de régularités plutôt que des prescriptions absolues,
permettant une plus grande flexibilité dans l'interprétation des phénomènes
naturels. L'introduction de l'agentivité et de l'intention dans la discussion
de la causalité a des ramifications importantes pour l'éthique et la
philosophie de l'action. Cela renforce l'idée que les actions humaines
peuvent être causales sans être déterminées, offrant une base philosophique
pour le libre arbitre et la responsabilité morale.
La même année, elle
est nommée professeure de philosophie à l'université d'Oxford, où elle
succède à J.L. Austin. Elle occupera ce poste jusqu'à sa retraite en
1986. Pendant cette période, elle participe activement à des débats
éthiques et politiques, notamment sur les questions de l'avortement, l'euthanasie
et la guerre juste, en cohérence avec ses convictions catholiques.
Parmi les oeuvres
notables de la dernière période de sa vie, on peut mentionner : The
Collected Philosophical Papers of G.E.M. Anscombe (1981), une collection
de ses essais les plus importants; Faith in a Hard Ground: Essays on
Religion, Philosophy and Ethics (1987), un recueil de ses travaux sur
la philosophie de la religion et l'éthique; Human Life, Action and
Ethics (1999), un recueil d'essais couvrant divers aspects de sa pensée
éthique et philosophique. Son mari, Peter Geach, a aussi publié en 1991Logic
Matters, dans lequel il a inclu plusieurs contributions de son épouse. |
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