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La religion
Aperçu
L'émotion religieuse et les formes de la religion.
Méthode de la science des religions
Les définitions de la religion.
Les formes primitives de l'émotion religieuse.
Les formes primitives des dieux.
Le culte.
La magie.
La notion du sacré et de l'impur.
Évolution du sacrifice et de la prière.
L'animisme et le culte des morts.
Les mythes.
La métaphysique religieuse et le symbolisme.
Le sacerdoce
La religion et la morale.
Classification des religions.
Avenir de la religion.
Méthode de la science des religions. 
Il importe ici de préciser quelle est la méthode qui se doit appliquer à cet ordre de recherches et quels sont exactement sa portée et son objet. A la différence de la philosophie générale et de la dogmatique, la science des religions n'a point à prononcer sur la valeur objective des croyances, sur la réalité des êtres et des événements dont les mythologies et les théologies diverses affirment ou postulent l'existence, il n'est pas du domaine de l'historien de discuter la validité des dogmes religieux ni de porter un jugement sur la légitimité, le caractère rationnel on irrationnel des pratiques rituelles. A d'autres d'apprécier, il doit se borner à constater, à analyser et à décrire : son rôle consiste à rechercher, à déterminer, s'il le peut, les lois auxquelles sont soumis dans leur genèse et leur évolution les mythes et les cérémonies sacrées, à étudier les transformations successives que subit la conception du divin et l'émotion complexe, qui la fait apparaître en l'âme humaine comme un symbole approprié.

Aussi la science des religion demeure-t-elle indépendante de tout système métaphysique comme de tout credo confessionnel et ne préjuge-t-elle en rien par les solutions qu'elle est amenée à donner de problèmes de psychologie ou d'histoire la solution des problèmes spécifiquement religieux qui préoccupent la conscience moderne. Qu'il existe ou non un Dieu personnel, que l'âme soit ou non immortelle, qu'il faille croire ou non à l'efficacité de la prière, que les événements de ce monde où nous vivons soient gouvernés vers un but excellent par une providentielle intelligence ou qu'ils se succèdent sans nul dessein par le simple jeu de lois mécaniques et fatales, les observations et les analyses qu'elle a pour tâche de coordonner dans un système défini d'explications n'en ont ni plus ni moins de valeur ni d'autorité. Il ne s'agit pour elle que de déterminer comment se forment dans l'esprit individuel et dans la collectivité sociale un sentiment d'une certaine espèce et le cortège de représentations qu'il entraîne après lui, comment se transforment ces représentations et les actes auxquels elles aboutissent par la puissance motrice qui est en elles; le bien fondé de ces concepts, l'utilité objective de ces actes, elle n'a point à les établir, ni à les critiquer, cela est d'un autre ordre.

Le service cependant qu'elle peut rendre à la dogmatique religieuse et à la métaphysique, c'est de leur fournir les moyens de mieux poser les questions qu'elles ont pour tâche de résoudre, de les poser à la fois avec plus de précision et plus de généralité, en leur permettant de saisir ce qu'il y a de permanent et de stable en ce perpétuel devenir, ce qu'il y a de réellement commun à tous les êtres qui pensent, qui aiment et qui souffrent, en ces manifestations multiples et infiniment diverses d'une même émotion fondamentale. Pour atteindre à ce but, sa méthode sera historique, comparative et psychologique : historique, elle permettra de suivre en leur évolution particulière les croyances et les rites de chaque nation, de chaque groupement confessionnel distinct; comparative, elle servira d'efficace instrument pour dégager les caractères communs aux diverses religions et distinguer ce qui est accidentel et contingent de ce qui est universel et vraiment humain; psychologique, elle conduira le savant à relier les éléments particuliers et variables des religions à des traits eux aussi variables et particuliers de la structure mentale propre à une société ou à un individu, les éléments généraux et permanents aux caractères essentiels et aux lois partout identiques de l'esprit humain.

Mais lorsqu'il s'agit des premières phases de l'évolution sociale et mentale de l'homme où il nous soit donné de remonter en nous aidant des ressourcés que nous fournissent l'archéologie préhistorique, la philologie comparée, l'étude des coutumes et des croyances des sauvages actuels et l'examen des traits qui ont survécu dans les légendes et les pratiques religieuses et les habitudes sociales des peuples civilisés d'aujourd'hui, de l'urne balbutiante et inhabile encore à penser le divin de nos lointains ancêtres, toutes ces démarches ne peuvent et rie doivent plus être successives et disconnexes, mais s'effectuer simultanément et se prêter un mutuel appui.

Il importe d'étudier en elle-même et pour elle-même chacune des religions historiques et de ne tenir compte que des relations de fait, des rapports réels qui ont existé entre elle et telle autre religion à un moment déterminé et par des voies qu'il est à la charge de l'érudit de découvrir, Les ressemblances, les coïncidences curieuses peuvent bien être notées, il n'en faut pas faire tout d'abord état; la comparaison ne vient utilement que plus tard, entre des ensembles déjà analysés en leurs parties et dont la loi particulière d'évolution a été dégagée. Et c'est seulement lorsque l'historien a fait son oeuvre que la critique psychologique peut s'appliquer avec; quelque profit aux matériaux qu'il met à sa disposition et dont il a précisé et fixé l'interprétation. Ce n'est pas à dire que le psychologue doive attendre pour tenter de ramener aux éléments psychologiques simples, qui les constituent, les phénomènes religieux, que soit achevée la large enquête historique qui s'est ouverte en ce siècle sur les religions; il courrait risque d'attendre toujours. Ce qu'il faut seulement entendre par cette dépendance du psychologue à l'égard de l'historien, c'est qu'il ne doit pas s'aventurer sur un terrain que n'a point encore débroussaillé le travail de l'exégète, du philologue et du critique, s'il ne veut risquer de singulières bévues. Et s'il faut ainsi procéder, s'il faut n'avancer que pas à pas, c'est que les religions, une fois constituées, ont une individualité, une personnalité très frappantes, et que des rites ou des dogmes, analogues en apparence, sont justiciables, en des milieux sociaux différents et à des moments différents de l'évolution, d'interprétations très diverses.

Tout au contraire, à leurs débuts et en ces premières périodes de tâtonnements où elles s'essaient à être toutes les religions sont étrangement pareilles les unes aux autres : il semble que d'un bout du monde à l'autre, les hommes se soient à l'origine représenté d'une manière uniforme le divin, ou du moins le surhumain, et qu'ils aient imaginé, sous l'empire de semblables sentiments, des procédés presque identiques pour entrer avec lui en relation et tirer de leur union plus ou moins étroite avec ces vivantes Puissances, qu'ils sentaient les environner de toutes parts, un utile profit dans leur lutte pour l'existence. D'autre part, chacune de ces religions embryonnaires est très fruste et très pauvre. Cette similitude et cette pauvreté nous permettent de traiter les religions à leurs plus bas degrés de développement comme une religion unique. La méthode comparative s'appliquera donc ici d'emblée; mais en réalité il s'agira moins de rapprocher l'un de l'autre des ensembles complets et cohérents que de reconstituer avec des faits épars dans l'espace et le temps, mais tous de même ordre, tous apparentés, tous de même signification et de même portée, un ensemble défini et intelligible. Il existe une religion commune de l'humanité, elle ne se différencie en des types divers qu'au fur et à mesure que s'individualisent en se compliquant les sociétés et les hommes qui les constituent. Il faut cependant remarquer que, même lorsqu'on étudie ces premières phases de l'évolution, il est d'une souveraine imprudence de rapprocher, en raison de leur ressemblance, deux faits de provenance différente, sans en avoir préalablement précisé la signification et la portée en les examinant dans leur cadre naturel et en relation avec les autres pratiques ou les autres coutumes auxquelles, en réalité, ils sont liés dans tel groupe ethnique ou tel organisme social déterminés.

De même que l'analyse historique et la comparaison méthodique sont ici, sous le bénéfice de ces réserves. simultanées, de même elles ne se peuvent aussi aisément dissocier qu'aux phases ultérieures du développement religieux. de l'interprétation psychologique des phénomènes. La signification des rites et des conceptions dogmatiques ou mythiques est beaucoup plus apparente dans les fermes encore peu évoluées et mal individualisées qu'ils revêtent dans les religions que l'on appelle conventionnelle; ment religions primitives; leur corrélation avec les conditions générales de la vie sociale, leur liaison avec la structure mentale des hommes qui les adoptent ou les pratiquent, leur dépendance à l'égard de l'ensemble de leurs états émotionnels ou de leurs images est beaucoup plus évidente. La croyance d'un Français du XVIIe siècle dans l'Incarnation on la Transsubstantiation, d'un Persan ou d'un Maure d'Afrique dans le prophétisme de Mohammed, la pratique du baptême chez les chrétiens d'aujourd'hui ou de la circoncision chez les Juifs actuels, ne sont intelligibles qu'historiquement: on ne saurait les rattacher directement à l'ensemble de leurs conceptions d'un autre ordre. Tout au contraire, les raisons psychologiques du culte des morts, tel qu'il est pratiqué par les Bantous de l'Afrique australe, du fétichisme des noirs de. Guinée, des multiples tabous qui règlent la vie des indigènes de Polynésie, des légendes et des mythes où sont racontées les aventures du Soleil et de la Lune, l'origine du feu, de la nuit ou de la mort, ne sont pas fort malaisées à découvrir : elles sont, si j'ose dire, à fleur de sol et apparaissent dès qu'on y prête attention.

Il faut, toutefois, se tenir en garde contre la très périlleuse tentation qu'il y a, précisément parce qu'ici les interprétations psychologiques s'offrent d'elles-mêmes et que là elles exigent pour se dégager nettement tout un long travail préparatoire d'exégèse et de critique historique, d'appliquer tout simplement aux dogmes, aux légendes et aux cérémonies des religions les plus évoluées et les plus raffinées, telles que les diverses confessions chrétiennes de notre temps, les explications même qui nous rendent un compte satisfaisant des pratiques rituelles et des mythes des peuples non civilisés. Le danger est d'autant plus grand que la ressemblance extérieure des actes est parfois frappante et aussi la similitude dans le dessin et, si j'ose employer une telle expression, l'affabulation des légendes. Mais ce sont souvent vieux vaisseaux où un vin jeune a été versé; il faut se garder de conclure trop vite et surtout se garder de conclure que des symboles pareils incarnent à des phases diverses d'un développement de mêmes états d'esprit. Si les formes religieuses sont en perpétuelle évolution, les concepts, les images et les sentiments connexes à ces représentations, qu'elles expriment et synthétisent, se transforment et se renouvellent bien plus rapidement encore. (L. Marillier, c. 1900).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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