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Les populations autochtones d'Amérique du Nord
Les Autochtones de l'Arctique américain
Les populations autochtones de l'Arctique nord-américain sont principalement les Inuits, les Yupiks et les Aléoutes. Ces trois populations partagent des traditions communes telles que la chasse et la pêche, ainsi que la fabrication de vêtements en peau de phoque. Ils parlent des langues de la même famille. 

Inuits, Yupiks et Aléoutes

Les Inuits.
Les Inuits sont également connus sous le nom d'Esquimaux, bien que ce terme soit considéré comme péjoratif par certains et tombe en désuétude. Les Inuits ont une longue histoire qui remonte à environ 1000 ans, lorsqu'ils ont migré de l'Alaska vers l'est pour s'installer dans les régions arctiques du Canada et du Groenland. Ils sont connus pour leur expertise en matière de chasse et de pêche, ainsi que pour leur capacité à survivre dans des conditions climatiques extrêmes. Ils ont développé une culture riche et diverse, avec des traditions telles que la construction d'igloos, la fabrication de vêtements en peau de phoque et la pratique de la chasse à la baleine. Les Inuits sont le groupe dominant de l'aire culturelle arctique nord-américaine et se trouvent principalement dans les régions suivantes :

Canada.
Les Inuits du Canada ou Inuktitut ,au nombre d'environ 70 600, sont répartis dans plusieurs régions autonomes :

• Le Nunavut. - Cette région a été créée en 1999 comme un territoire autonome pour les Inuits canadiens, leur offrant une gestion directe de leurs terres et de leurs ressources.

• Le Nunavik. - Situé au nord du Québec, le Nunavik est habité par les Inuits du Québec qui gèrent également leurs affaires par le biais de structures locales comme l'Administration régionale Kativik.

• Le Nunatsiavut. - Région autonome au Labrador, Nunatsiavut est également habité par des Inuits qui y gèrent leur territoire avec une certaine autonomie.

• Les Territoires du Nord-Ouest. - Certaines communautés inuites vivent aussi dans cette région, où elles sont majoritairement concentrées dans le secteur de l'Arctique occidental.

Groenland.
Bien qu'administrativement rattaché au Danemark, le Groenland est habité principalement par des Inuits. Les Inuits groenlandais sont appelés Groenlandais ou  Katladlit et jouissent d'une certaine autonomie politique, avec le gouvernement local géré par des Inuits. La population inuite au Groenland est de 51 500, mais 17 000 vivent aussi au Danemark.

Alaska.
Les Inuits d'Alaska (environ 16 000 personnes) sont appelés Iñupiat. Ils partagent des similitudes culturelles et linguistiques avec les Inuits du Canada et du Groenland, mais leurs dialectes et coutumes peuvent varier en fonction des régions.

Les Yupiks.
Les Yupiks ou Yuit sont étroitement apparentés aux Inuits (Le terme Esquimaux était autrefois indifféremment donné aux Inuits et aux Yupiks). Ils vivent principalement en Alaska et en Russie (Sibérie). Ils sont divisés en plusieurs sous-groupes, notamment les Yupiks centraux, les Yupiks de l'ouest et les Yupiks de l'est. Les Yupiks ont une longue histoire qui remonte à environ 2000 ans, lorsqu'ils ont migré de la Sibérie vers l'est pour s'installer en Alaska. Les Yupiks se signalent par leur expertise en matière de chasse à l'ours, ainsi que pour leur capacité à survivre dans des conditions climatiques extrêmes. Ils ont développé une culture riche et diverse, avec des traditions telles que la fabrication de vêtements en peau de phoque, la construction de maisons en bois et la pratique de la chasse à l'ours.

Les Yupiks de Sibérie et les Tchouktches. -  Ces peuples, bien que vivant principalement en Sibérie, ont des liens culturels et linguistiques avec les Yupiit d'Alaska. Leur présentation sort du cadre de cette page, mais leur inclusion dans l'aire culturelle de l'Arctique est pertinente pour les anthropologues qui s'intéressent aux connexions transcontinentales des peuples autochtones de l'Arctique.
Les Aléoutes.
Bien que techniquement situés dans la région subarctique, les Aléoutes partagent certaines caractéristiques culturelles avec les populations de l'Arctique et sont généralement inclus dans cette même aire culturelle. Ils vivent  principalement dans les îles Aléoutiennes, en Alaska. Ils sont également connus sous le nom d'Unangax. Les Aléoutes ont une longue histoire qui remonte à environ 2000 ans, lorsqu'ils ont migré de la Sibérie vers l'est pour s'installer dans les îles Aléoutiennes. Les Aléoutes sont connus pour leur expertise en matière de pêche, ainsi que pour leur capacité à survivre dans des conditions climatiques extrêmes. Ils ont développé une culture riche et diverse, avec des traditions telles que la fabrication de vêtements en peau de phoque, la construction de maisons en bois et la pratique de la chasse à la baleine. Ils se distinguent des Inuits et des Yupiks par leur langue et leurs traditions particulières.

Histoire des populations de l'Arctique américain

Les premiers peuplements de l'Arctique.
Les premiers peuplements de l'Arctique nord-américain sont associés aux populations paléo-esquimaudes, qui sont probablement arrivées il y a environ 4500 ans depuis l'Asie par le détroit de Béring, un territoire qui formait un pont terrestre entre l'Asie et l'Amérique du Nord pendant les périodes glaciaires. 

La culture de l'Arctique ancien.
La culture de l'Arctique Ancien s'est développée entre environ 2500 et 500 avant notre ère. Elle représente une phase précoce de l'adaptation humaine aux environnements arctiques. Les populations de la culture Pré-Dorset descendent des premières migrations paléo-esquimaudes venues de Sibérie, via le détroit de Béring. Ces groupes étaient adaptés à des environnements froids. Leur mode de vie reposait sur la chasse des mammifères marins (phoques, morses) et terrestres (caribous). Ils complétaient leur alimentation avec du poisson et des oiseaux. Des sites importants liés à la culture Pré-Dorset ont été identifiés, notamment dans l'Arctique canadien (Île de Baffin, Nunavut) et en Alaska. Ces fouilles montrent qu'ils construisaient des campements saisonniers, souvent près des côtes ou sur des rivières, pour exploiter les ressources locales. Ils étaient semi-nomades et se déplaçaient en fonction des migrations des animaux. Les outils en pierre caractérisent cette culture. Ils comprennent des lames, des grattoirs, des burins et des pointes de projectiles. Ces derniers servaient pour les harpons et les flèches. On note l'absence de certaines technologies complexes, comme les kayaks ou les traîneaux à chiens, qui apparaîtront plus tard chez les cultures thuléennes. Des objets décorés et des figurines simples en ivoire ou en os indiquent peut-être des croyances liées à la chasse ou des pratiques chamaniques

La culture Dorset (500 av. JC. - 1500 ap. JC).
Vers 500 avant notre ère, les changements climatiques et l'innovation technologique ont conduit à l'émergence de la culture Dorset (environ 500 av. JC. à 1500 ap. JC). Celle-ci s'est étendue dans l'Arctique canadien et au Groenland. Son nom provient du site archéologique de Cape Dorset (aujourd'hui Kinngait, Nunavut), où les premières traces significatives ont été découvertes. Les Dorsétiens étaient des chasseurs, surtout les mammifères marins comme les phoques et les morses, ainsi que les animaux terrestres comme les caribous et les ours polaires.Ils pêchaient également dans les rivières et les lacs, bien que cette activité ait eu moins d'importance.  Ils ont  amélioré les techniques de chasse, d'habitat et d'adaptation au froid. Contrairement aux cultures suivantes (Thuléens), ils n'utilisaient pas de traîneaux à chiens ni de kayaks.

Les Dorsétiens fabriquaient des outils en pierre, en os et en ivoire, notamment des harpons, des lames, des grattoirs et des couteaux. Des lampes en pierre, alimentées avec de la graisse animale, étaient utilisées pour s'éclairer et se chauffer. Les Dorsétiens n'utilisaient pas d'arc ni de flèches, se contentant de lances et d'autres armes. Ils vivaient dans des campements temporaires pendant l'été, construits avec des peaux d'animaux, et dans des habitations plus robustes pendant l'hiver. Leurs structures semi-souterraines, parfois recouvertes de tourbe ou de neige, les isolaient du froid arctique. Découverts sur plusieurs sites, des masques miniatures témoignent de pratiques rituelles ou chamaniques. On peut sans doute à ces pratiques de petites sculptures en ivoire, os ou pierre, représentant fréquemment des figures humaines ou animales. 

La période de la culture Dorset correspond à un climat plus froid dans l'Arctique, ce qui a contribué à leur isolement et à leur dépendance accrue aux ressources locales. Vers 1000 ap. JC, un réchauffement climatique (l'optimum médiéval) a entraîné des modifications des habitats et des ressources, rendant difficile leur mode de subsistance traditionnel. Les Dorsétiens coexistaient avec d'autres groupes, mais les preuves de contacts directs avec les populations sibérienness ou amérindienness sont limitées. Les interactions avec les Thuléens (arrivés vers 1000 ap. JC) ont probablement été conflictuelles, entraînant le déclin de la culture Dorset. Les Thuléens, arrivant d'Alaska avec des technologies plus avancées (kayaks, arcs, traîneaux à chiens), ont ainsi progressivement remplacé les Dorsétiens. La culture Dorset a disparu vers 1500 ap. JC.

La culture Thulé (1000 - 1600 ap. JC).
La culture thuléenne (environ 1000 à 1600 ap. JC) est considérée comme l'ancêtre direct des Inuits modernes. Originaire de l'Alaska, elle s'est rapidement propagée vers l'est, atteignant le Canada arctique, le Groenland et même certaines parties du Labrador, et remplaçant ou absorbant les Dorsétiens, une culture moins avancée technologiquement. Les Thuléens sont issus des migrations des peuples paléo-esquimaux qui habitaient l'Alaska et le détroit de Béring. Ils ont émergé d'une interaction entre des cultures locales (comme les Okvik ou Punuk) et des influences sibériennes. Leur expansion a été facilitée par leur maîtrise des techniques de chasse aux mammifères marins et par leurs technologies de transport adaptées aux vastes distances de l'Arctique. Les innovations des Thuléens comprenaient :

• La chasse à la baleine. - Contrairement aux Dorsétiens, les Thuléens avaient développé des techniques pour chasser de grands mammifères marins, notamment la baleine, en utilisant des embarcations comme le kayak et l'umiak (grande embarcation ouverte).

• Harpons, arcs et flèches. - Les harpons thuléens, dotés de pointes détachables, étaient spécialement conçus pour chasser les baleines et les phoques. Les arcs leur permettaient de chasser plus efficacement le caribou et d'autres animaux terrestres.

• Les igloos et les habitations semi-souterraines. - Les Thuléens utilisaient des igloos (maisons de neige)  comme abris temporaires pendant l'hiver et des habitations semi-souterraines plus durables pour les installations permanentes. Ces maisons étaient souvent regroupées en villages, surtout dans les régions riches en ressources marines.

• Traîneaux à chiens. - Les chiens étaient présent sur le continent Américain depuis l'arrivée des ancêtres des Amérindiens, plus de 15 000 ans avant notre ère. Mais il aura donc fallu attendre, les Dorsetiens pour leur utilisation dans des attelages. Les traîneaux on grandement facilité ls déplacements terrestres, notamment pour transporter des marchandises sur la glace.

Les Thuléens excellaient dans la chasse aux mammifères marins (baleines boréales, phoques, morses), qui étaient la pierre angulaire de leur économie. Ils chassaient également les caribous, les poissons et les oiseaux pour diversifier leur alimentation. Les Thuléens partageaient probablement des croyances animistes similaires à celles des Inuits modernes. Ils voyaient les animaux comme des êtres  ayant une relation intime avec les humains. Des amulettes et des sculptures représentant des animaux ou des figures humaines ont été retrouvées, suggérant des pratiques chamaniques. Comme les Inuits, les Thuléens avaient une tradition orale riche, bien que peu de traces directes en aient survécu.

Les Thuléens ont probablement côtoyé les derniers Dorsétiens au cours de leur expansion. La coexistence a dû être marquée par une compétition pour les ressources, contribuant au déclin final des Dorsétiens. À partir du XVIe siècle, les Thuléens ont commencé à interagir avec les explorateurs européens, notamment les Vikings au Groenland. Des contacts qui ont influencé leur mode de vie. Le début du Petit Âge Glaciaire (vers 1400-1600) a modifié les écosystèmes arctiques, perturbant les ressources marines et terrestres sur lesquelles les Thuléens dépendaient. La culture thuléenne s'est progressivement transformée en celle des Inuits modernes, qui ont adopté des innovations européennes et ajusté leur mode de vie aux nouvelles conditions climatiques et sociales.

Inuits, Yupiks et les Aléoutes depuis 1600.
À partir de la fin du XVIe siècle, les Inuits (descendants des Thuléens) et les Aléoutes (descendants d'une culture distincte de l'archipel des Aléoutiennes) étaient établis dans l'ensemble de l'Arctique nord-américain. Ils avaient développé des modes de vie adaptés, en fonction des ressources disponibles dans chaque région. C'est à cette époque que les explorateurs européens ont commencé à entrer en contact avec eux. 

Les Inuits ont d'abord eu des contacts avec les baleiniers européens, qui venaient chasser les mammifères marins de l'Arctique. Cela a parfois entraîné des conflits, mais aussi des échanges de biens et de techniques. Les Aléoutes ont, quant à eux, été parmi les premiers peuples autochtones à être confrontés à la colonisation, car les Russes ont exploité les îles Aléoutiennes pour la fourrure, notamment de loutre de mer, au XVIIIe siècle. Cela a causé des pertes démographiques importantes et des transformations sociales pour les Aléoutes. Les missionnaires russes orthodoxes ont également eu une influence culturelle importante parmi les Aléoutes. Dans l'Arctique canadien et groenlandais, les missionnaires chrétiens européens ont introduit de nouvelles pratiques religieuses chez les Inuits.

Les défis de l'acculturation.
Aux XIXe et XXe siècles, les populations de l'Arctique ont été de plus en plus affectées par la colonisation, l'industrialisation et les politiques gouvernementales des États-Unis, du Canada et du Danemark. Au Canada, la Compagnie de la Baie d'Hudson a ouvert des postes de traite pour échanger des fourrures contre des biens manufacturés, ce qui a modifié l'économie traditionnelle des Inuits. Au XXe siècle, de nombreux enfants inuits et aléoutes ont été envoyés dans des pensionnats, où ils ont été souvent séparés de leurs familles et de leur culture, ce qui a eu des impacts importants sur les communautés. Au cours du même siècle, la transition vers une économie monétarisée a changé les pratiques de subsistance (chasse, pêche, cueillette). Aujourd'hui, les populations autochtones dépendent davantage d'emplois dans des secteurs comme l'extraction des ressources naturelles, le tourisme ou les services publics. 

L'acculturation des populations autochtones de l'Arctique a ainsi installé une double dynamique : une assimilation forcée héritée des politiques coloniales et une réappropriation culturelle observée au cours de ces dernières décennies. Les autochtones naviguent entre ces tensions pour maintenir leurs traditions vivantes tout en s'adaptant à un monde globalisé. Reste que les populations de l'Arctique nord-américain sont désormais confrontées à des défis majeurs , à commencer par les effets du réchauffement climatique, qui affecte particulièrement l'Arctique. En provoquant la fonte des glaces, il perturbe les écosystèmes marins et fait courir des risques pour la chasse et la pêche. La santé mentale et physique dans les communautés arctiques est ausi un enjeu important, avec des taux élevés de certaines maladies et des efforts pour améliorer l'accès aux soins et aux services.
 

Les impacts du changement climatique

Le réchauffement climatique impacte de manière significative les populations de l'Arctique, en perturbant leurs modes de vie traditionnels et leurs moyens de subsistance. La fonte des glaces affecte la pêche et la chasse sur la glace, ce qui est vital pour les Inuits et les Yupik. Les icebergs et les banquises sont moins stables, rendant les activités sur la glace plus dangereuses. Les changements dans les saisons affectent les cycles de vie des animaux sauvages. Par exemple, les caribous peuvent commencer leur migration plus tôt ou plus tard, ce qui désorganise les activités traditionnelles des chasseurs. Les ressources halieutiques sont également profondément affectées.

Les routes d'accès hivernales sur la glace peuvent devenir impraticables en raison de la fonte précoce, limitant l'accès aux soins de santé. De plus, les conditions défavorables peuvent rendre les voyages médicaux plus difficiles et dangereux. Le réchauffement climatique peut également amener des maladies non traditionnelles dans la région, comme les maladies transmises par les moustiques, qui n'étaient pas présentes auparavant.

La fonte des glaciers et des pergélisols entraîne une érosion accrue des côtes, menaçant les villages et les sites culturels importants. Le dégel des pergélisols (sol gelé en permanence) entraîne l'instabilité des sols, causant des problèmes structurels dans les bâtiments et les infrastructures. De nombreuses populations autochtones sont déjà confrontées à la nécessité de se déplacer en raison de ces changements. 

Le réchauffement climatique met en péril les traditions et les connaissances transmises de génération en génération. La perte des moyens de subsistance traditionnels peut entraîner une perte de la culture et des pratiques culturelles associées. Les populations autochtones sont ainsi confrontées à un stress accru en raison de la perte de leurs modes de vie et de l'incertitude quant à l'avenir de leur environnement. Le réchauffement climatique rend aussi, certaines régions plus accessibles pour l'exploitation minière et pétrolière. Une explotation qui menace non seulement les écosystèmes mais aussi l'équilibre fragile des sociétés humaines, tout en ouvrant aussi, il est vrai, des perspectives de partenariats dont les populations peuvent tirer parti.

Les populations autochtones  travaillent activement pour préserver et revitaliser leurs langues, traditions et savoir-faire ancestraux. Certains rituels traditionnels connaissent une résurgence grâce aux efforts communautaires et aux célébrations comme le festival de Toonik Tyme au Nunavut. De nombreux efforts sont consacrés à l'enseignement des langues inuites, yupik et aléoute dans les écoles locales. La gouvernance autonome s'est développée dans certaines régions, comme au Nunavut (créé en tant que territoire en 1999) ou au Groenland. Cela permet de renforcer les voix autochtones face à l'acculturation. Les accords de gestion conjointe des ressources naturelles ou les revendications territoriales permettent aux communautés d'exercer un certain contrôle sur leur développement. 

Les cultures autochtones de l'Arctique américain

La culture matérielle.
Les peuples de l'Arctique américain avaient une économie de subsistance basée sur la chasse et la pêche. La viande et la graisse de mammifères marins comme les phoques, les morses et les baleines étaient des ressources essentielles. Le caribou et les poissons complètent leur alimentation. Chaque partie de l'animal était valorisée : la viande pour la nourriture, la graisse pour l'éclairage (lampes en pierre ou en os), les peaux pour les vêtements et les abris, et les os ou défenses pour les outils. En toutes choses, les ressources étaient très limitées et ont exigé de ces populations une adaptation particulière.

La chasse.
Les techniques de chasse traditionnelles des populations autochtones de l'Arctique américain, comme les Inuit, les Yupik et les Aléoutes, reflètent une adaptation aux conditions extrêmes de l'environnement polaire. Ces pratiques, transmises de génération en génération, témoignaient d'une connaissance approfondie des écosystèmes arctiques.

• Chasse au phoque. -  En hiver, les chasseurs identifiaient dans la banquise les trous de respiration (appelés aglu en inuktitut) que les phoques utilisent pour remonter à la surface. Ils attendaient patiemment, pendant des heures parfois, avec des harpons prêts. En été, lorsque la banquise fond, les chasseurs utilisaient des kayaks pour approcher en silence les phoques sur des blocs de glace ou sur les côtes. Outils : harpons en os ou en bois, parfois équipés de pointes en métal dans les périodes plus récentes.

• Chasse à la baleine. -  Pratiquée principalement par les Aléoutes, les Yupik et certains groupes Inuit, la chasse à la baleine (comme les baleines boréales) était une activité communautaire. Elle recourait à l'tilisation d'embarcations légères comme les umiaks (grandes embarcations recouvertes de peau de phoque). Il y avait une coordination entre plusieurs chasseurs pour harponner la baleine et l'empêcher de plonger trop profondément. Cette chasse nécessitait des harpons solides avec des flotteurs en peau de phoque pour épuiser l'animal.

• Chasse à l'ours polaire. - Les chasseurs traquaient les ours polaires en suivant leurs traces dans la neige. Ils utilisaient des chiens de traîneau pour se déplacer rapidement. Armes traditionnelles : harpons, arcs et lances. Avec l'introduction d'armes à feu, cette chasse a évolué.

• Chasse au caribou . - Les caribous migrent en troupeaux, et les chasseurs planifiaient leur capture lors de ces déplacements saisonniers. Ils pratiquaient le piégeage dans des enclos ou des fosses. Ils utilisaient aussi des arcs et des flèches pour des tirs précis. La viande était séchée ou fumée pour être conservée, et les peaux étaient transformées en vêtements chauds.

• Pêche sous la glace. - Pendant l'hiver, les autochtones perçaient des trous dans la glace pour pêcher des poissons comme l'omble arctique, la truite ou la morue. Outils : lignes de pêche, harpons, et parfois des filets.

• Chasse aux oiseaux et collecte des Å“ufs. -  Pendant l'été, la migration des oiseaux (comme les oies et les canards) offrait une source de nourriture. Les chasseurs utilisaient des filets ou des arcs pour capturer les oiseaux et collectaient leurs oeufs dans les nids situés sur les falaises.

• Utilisation des pièges. - Les populations autochtones posaient des pièges pour attraper de petits animaux comme les lièvres arctiques et les renards. Ces pièges, ordinairement faits de bois et de tendons, permettaient de capturer des proies sans nécessiter de chasse active.

Habitations.
En hiver, les Inuits pouvaient construire des igloos. Ces abris temporaires en blocs de neige étaient bâtis lors de voyages de chasse. La neige est un excellent isolant, et les igloos peuvent être étonnamment chauds à l'intérieur. Pendant les saisons plus clémentes, les populations arctiques utilisaient des tentes en peaux d'animaux, notamment de caribou ou de phoque, faciles à transporter et à monter lors des migrations. Dans certaines régions, les elles construisaint des habitations semi-enterrées (qargi) , partiellement isolées du vent et du froid par la terre et la végétation. Ces maisons étaient parfois recouvertes de peaux d'animaux.

Vêtements.
Les vêtements étaient fabriqués principalement en fourrures et en peaux, pour une isolation thermique maximale. Le parka est ainsi un manteau traditionnel fabriqué avec des peaux de caribou, de phoque ou d'ours polaire, qui offre une excellente isolation contre le froid extrême. Les bottes (mukluks ou kamiks), également fabriquées en peau de phoque ou de caribou, étaient imperméables et isolantes, idéales pour marcher sur la neige et la glace. Les vêtements, cousus à la main, étaient souvent conçus pour permettre la superposition de couches de fourrure dirigées vers l'intérieur et l'extérieur, ce qui crée un effet de microclimat et garde la chaleur corporelle et protège contre le vent. Les Inuits fabriquaient aussi des lunettes de neige (iñuks),  lunettes rudimentaires, taillées dans de l'os, du bois ou de l'ivoire, qui protègent les yeux des éblouissements de la neige en réduisant la lumière.

Outils et armes.
Les harpons et les lances étaient utilisés pour la chasse au phoque, à la baleine et au morse. Les harpons étaient ordinairement fabriqués à partir d'os et d'ivoire de morse, avec des pointes effilées en pierre ou en métal dans certaines régions. Souvent fabriqués avec des matériaux tels que le bois flotté renforcé de tendons d'animaux, les arcs et flèches étaient utilisés pour chasser le caribou et d'autres animaux terrestres. Des burins, couteaux et autres outils taillés à partir d'os, de cornes et de pierre étaient  couramment utilisés pour le traitement des peaux, la coupe de viande et la sculpture.

Transports.
Pour se déplacer sur l'eau, les populations arctiques fabriquaient des kayaks et des umiaks. Le kayak est un bateau individuel, léger et rapide, construit avec un cadre en bois recouvert de peaux de phoque, tandis que l'umiak est une grande embarcation collective. Ces embarcations sétaient essentielles pour la pêche. Les traîneaux, tirés par des attelages de chiens, permettaient de parcourir de grandes distances sur la neige et la glace, en transportant des charges importantes, ce qui était crucial pour la chasse et les échanges. Enfin, les raquettes à neige, généralement fabriquées en bois et en tendons, permettaient de répartir le poids afin de marcher sur la neige sans s'enfoncer.

L'organisation sociale.
La structure familiale et le rôle du clan.
La famille nucléaire (parents et enfants) constituait l'unité de base, mais elle était souvent intégrée dans des réseaux familiaux élargis. Plusieurs familles apparentées pouvaient vivre ensemble ou à proximité pour partager les ressources et les tâches. Dans certaines régions, les populations arctiques étaient organisées en clans ou en groupes familiaux distincts. Ces clans pouvaient être fondés sur des lignées communes, et l'appartenance à un clan renforçait les liens de solidarité. Les mariages éient couramment utilisés pour créer des alliances entre groupes ou clans et renforcer la cohésion sociale. Les relations d'alliance facilitaient le partage des ressources et des compétences.

Division du travail selon le sexe et l'âge.
Traditionnellement, les hommes et les femmes avaient des rôles distincts. Les hommes se consacraient principalement à la chasse et à la pêche. Les femmes, quant à elles, s'occupaient de la préparation des aliments, de la confection des vêtements et de la gestion du foyer. Les aînés jouaient un rôle essentiel dans la transmission des connaissances et des compétences, tant pour les hommes que pour les femmes. Les jeunes apprennaient à chasser, à confectionner des vêtements et à utiliser les ressources naturelles en observant et en assistant les adultes. Bien que les rôles aient été genrés, les responsabilités pouvaient évoluer en fonction des besoins. Par exemple, les femmes pouvaient participer à certaines activités de chasse, et les hommes pouvaient aussi contribuer aux tâches domestiques.

Les prises de décision.
Les populations autochtones de l'Arctique avaient traditionnellement une organisation sociale assez égalitaire, sans chef permanent ni autorité centralisée. Le leadership était plutôt basé sur l'influence, l'expérience et le respect que les individus inspiraient aux autres membres. Lors d'expéditions de chasse ou dans des situations de crise, une personne compétente pouvait assumer un rôle de direction temporaire, mais ce pouvoir était limité au contexte spécifique et n'impliquait pas de domination durable

Les aînés ici encore jouaient un rôle fondamental dans la prise de décisions grâce à leur expérience et à leur connaissance des traditions. Ils étaient  consultés pour les décisions importantes, notamment celles qui concernaient les migrations, les territoires de chasse, et la gestion des ressources. Dans certaines communautés, des conseils informels regroupant les aînés et les individus respectés prenaient les décisions qui concernaient l'ensemble du groupe. Ces décisions était le résultat de discussions collectives et de consensus. . 

Les règles et les normes de la communauté n'étaient pas écrites mais transmises oralement. Elles étaient intégrées dans les récits, les mythes et les enseignements que les aînés transmettent aux plus jeunes.. Les conflits étaient résolus par la médiation et le dialogue. Le chaman ou un aîné respecté pouvait jouer le rôle de médiateur pour apaiser les tensions. Les pressions sociales, telles que la honte et le respect des coutumes, était souvent suffisantes pour prévenir les comportements indésirables.

Système de partage. 
Le système de don et de réciprocité créait des liens de solidarité. Le partage de la nourriture, notamment des produits de la chasse, était un pilier de la vie communautaire. Les chasseurs redistribuaient fréquemment leur prise à l'ensemble de la communauté, en particulier aux personnes âgées, aux veuves et aux familles avec enfants en bas âge. Les fêtes et rituels, comme les célébrations suivant une grande chasse, renforcaient cette culture de partage. Le partage de biens tels que la viande, les vêtements ou les outils générait aussi un réseau de dettes mutuelles et de gratitude, renforçant la cohésion sociale.

La religion.
Bien que chaque groupe ait ses spécificités, les populations de l'Arctique partagent des éléments communs liés à leurs cosmogonies, leurs rites et leurs interactions avec le monde surnaturel. Les conceptions religieuses des Inuit, des Yupik et des Aléoutes reposent ainsi sur une vision animiste, où le monde est peuplé d'esprits (ou inua en inuktitut). Ces esprits résident dans les êtres vivants, les éléments naturels (comme l'eau, les montagnes, le vent), et même dans les objets inanimés.  Des récits inuits mettent en scène des transformations entre humains et animaux (Nagualisme), illustrant une continuité entre les mondes. Chez les Yupik, les mythes comprennent des récits sur des corbeaux et d'autres animaux ayant des rôles créateurs ou protecteurs. La mythologie aléoute reflète une connexion avec la mer et des esprits protecteurs liés à la navigation.

Les chamanes (appelés angakok chez les Inuit) jouent un rôle central en tant qu'intermédiaires entre les humains et les esprits. Ils guérissent les maladies, apaisent les esprits perturbés et prédisent l'avenir. Les pratiques chamaniques comportent des chants, des danses et des transes,  accompagnées de tambours pour invoquer ou calmer les esprits. 

Des cérémonies marquent des étapes importantes de la vie, comme la naissance, l'entrée dans l'âge adulte, le mariage et la mort. Ces rites servent  à protéger les individus des mauvais esprits ou à garantir leur prospérité. Les rituels liés à la chasse sont cruciaux. Les chasseurs pratiquent des purifications avant et après la chasse pour respecter les esprits des animaux. Par exemple, chez les Inuit, on libère l'âme d'un phoque tué pour qu'elle puisse retourner à la mer. Des offrandes et des prières sont également faites pour montrer gratitude et maintenir l'équilibre cosmique. Des fêtes saisonnières, comme le festival de la baleine chez certains Yupik ou les célébrations de la lumière chez les Inuit, rassemblent les communautés.

À partir des XVIIe et XVIIIe siècles, avec l'arrivée des missionnaires russes, européens et américains, les pratiques traditionnelles ont été influencées, voire supplantées, par le christianisme, notamment dans les populations aléoutes et certaines populations inuites. De nombreuses populations ont intégré des éléments chrétiens à leurs traditions ancestrales, créant une religion syncrétique.

Les arts.
Les arts des populations autochtones de l'Arctique américain sont profondément liés à la vie religieuse, aux croyances animistes et aux pratiques de subsistance. Ces arts, qui comprennent principalement la sculpture, la gravure et le tissage, sont souvent fonctionnels, mais ils possèdent aussi une forte dimension esthétique et symbolique. Les animaux comme l'ours polaire, le phoque, le caribou et le morse sont omniprésents dans l'art inuit et yupik. Ces animaux, essentiels pour la survie et la culture, sont vus comme des entités surnaturelles qui incarnent des qualités importantes (force, protection, agilité). On trouve couramment des motifs géométriques simples utilisés dans les broderies, les gravures et les sculptures. Ces motifs peuvent symboliser des éléments naturels (comme la neige ou la glace) ou représenter des histoires et des enseignements traditionnels. Les figures de transformation, qui montrent des humains se changeant en animaux ou vice-versa, sont un thème rattaché au chamanisme et fréquent dans l'art de l'Arctique. 

Sculpture et gravure.
Les sculptures sur ivoire de morse, os de baleine, bois flotté et cornes de caribou sont parmi les formes d'art les plus caractéristiques. Ces sculptures représentent généralement des animaux (ours polaires, phoques, morses, baleines) ou des figures humaines, et sont très détaillées. Les sculptures et gravures peuvent aussi représenter des esprits animaux, des figures chamaniques ou des scènes de la vie quotidienne.  Les populations de l'Arctique décorent couramment des objets utilitaires tels que des poignées de couteaux, des harpons, des contenants et des ustensiles avec des gravures détaillées. 

Masques et performances.
Les Yupiks et les Inuits fabriquaient des masques pour des cérémonies et des danses rituelles. Ces masques étaient en bois, en os ou en ivoire et étaient fréquemment peints ou ornés de plumes, de poils ou de pigments divers. Les masques étaient utilisés pour incarner des esprits, des animaux ou des personnages mythologiques. Ils étaient portés lors des danses cérémonielles, où ils jouaient un rôle central dans la communication avec le monde des esprits. Ces danses permettaient de célébrer des événements importants, de marquer les cycles de la nature ou de demander la bénédiction des esprits pour la chasse. Certains masques possèdaient des éléments articulés, avec des parties mobiles qui représentaient la bouche ou les yeux d'un animal, ce qui ajoutait une dimension expressive et parfois humoristique aux performances.

Perlage et broderies.
Bien que le perlage soit plus commun chez certaines populations autochtones du Subarctique, certaines populations de l'Arctique incorporent également des perles dans leurs vêtements. Les broderies et les motifs ajoutent une dimension esthétique et symbolique aux vêtements. Les vêtements décorés jouent un rôle important dans l'identité sociale et culturelle, indiquant parfois le statut, l'âge ou les accomplissements d'une personne 

Gravures et dessins sur peau et parchemin.
Les tatouages faciaux et corporels étaient une forme d'art traditionnel, particulièrement parmi les femmes inuites. Les motifs étaient souvent simples et géométriques. Ils symbolisaient des liens avec le monde spirituel, des rites de passage ou des rôles sociaux. Avec l'introduction des matériaux occidentaux, certains artistes autochtones de l'Arctique ont commencé à utiliser le papier pour dessiner des scènes de la vie quotidienne, des légendes et des visions à caractère religieux. Ces oeuvres sont une continuation de leur riche tradition de représentation artistique, adaptée aux matériaux modernes.

Peinture et teinture.
Les motifs peints sur les masques, les outils, ou les sculptures apportaient des touches de couleur et d'esthétique. Ces peintures ajoutaient aussi des significations supplémentaires, qui pouvaient être religieuses ou symboliques. Les populations de l'Arctique utilisaient des pigments issus de plantes, de l'ocre et de  de minéraux divers pour colorer leurs objets et vêtements. Les couleurs pouvaient avoir une signification symbolique ou être associées à des événements particuliers, comme des cérémonies ou des célébrations. 

Objets cérémoniels.
Les peuples de l'Arctique fabriquaient pour la protection et la chance de petits amulettes et talismans, fréquemment sculptés dans de l'ivoire ou des os. Ces objets étaient parfois décorés de symboles et étaient portés ou placés dans des lieux de chasse pour invoquer la bienveillance des esprits. Les tambours étaient essentiels dans les cérémonies chamaniques et les autres célébrations. Ils étaient fabriqués en bois et recouverts de peaux d'animaux. Les rythmes et les sons des tambours accompagnaient les danses rituelles et étaient supposés aider à entrer en contact avec les esprits ou à honorer les ancêtres. Certaines sculptures et objets, comme les bols ou les assiettes sculptées, étaient utilisés lors de rituels de partage de la nourriture. 

Art contemporain autochtone de l'Arctique
Avec l'ouverture au monde extérieur et la reconnaissance des droits autochtones, l'art contemporain inuit et yupik s'est enrichi, fusionnant tradition et innovation. Parmi beaucoup d'autres citons les noms des sculpteurs et graveurs Alasua Amittuq Davidialuk (1910-1976), Joe Talirunili (1893-1976) et Josie Papialook (1918-1996), les sculpteurs Nick Sikkuark (1943-2013) et Judas Ullulaq (1937-1999), Charlie Ugyuk (1931-1998) ou encore  Augustin Anaittuq (1935-1992), et aussi, des artistes comme la dessinatrice, graveuse et sculptrice Kenojuak Ashevak (1927-2013) et la graveuse Pitseolak Ashoona (ca. 1904-1983), les dessinatrices Annie Pootoogook (1969-2016) et Shuvinai Ashoona (née en 1961), par exemple, qui ont contribué à faire connaître l'art inuit dans le monde. Les artistes autochtones contemporains de l'Arctique expriment des thèmes liés à leur héritage culturel et à leurs défis modernes. Les oeuvres abordent des questions d'environnement et de résilience culturelle, tout en célébrant leur lien avec les ancêtres et l'Arctique.  En plus du dessin, des sculptures et des gravures, certains artistes aujord'hui utilisent la photographie, la vidéo et les installations artistiques pour exprimer leur vision du monde. 

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