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Psyché, de Molière, Corneille, Quinault,

Psyché est une tragi-comédie-ballet en cinq actes, en vers libres, avec un prologue et des intermèdes, de Molière, aidé de Pierre Corneille et Quinault, musique de Lulli, représentée le 17 janvier 1671 sur le théâtre des Tuileries, et sur le théâtre du Palais-Royal le 24 juillet de la même année. 
« Le 17 de ce mois (janvier 1671), dit la Gazette, Leurs Majestés, avec lesquelles étaient Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mesdemoiselles d'Orléans et tous les seigneurs et dames de la cour, prirent pour la première fois dans la salle des machines, au palais des Tuileries, le divertissement d'un grand ballet dansé dans les entr'actes de la comédie de Psyché. Ce pompeux divertissement fut continué le 19 en présence du nonce du pape, dle l'ambassadeur de Venise et de quelques autres ministres qui en admirèrent la magnificence et la galanterie, avouant, avec grand nombre d'autres étrangers, qu'il n'y a que la cour de France et son incomparable monarque qui puissent produire de si charmants et si éclatants spectacles. »
C'est sur l'ordre du roi, qui lui avait commandé pour le carnaval de cette année 1671 une pièce à grand spectacle, que Molière avait composé Psyché. Il en devait l'idée première à son ami La Fontaine, qui, deux ans auparavant, en 1669, avait tiré de l'Âne d'or d'Apulée le délicieux roman des Amours de Psyché. Mais, pris de court et pressé par le temps comme il ne l'avait jamais été, Molière n'eut pas le loisir d'écrire la pièce tout entière. Force lui fut donc d'inaugurer le système de la collaboration, dont on a tant abusé depuis. Après avoir réglé le plan de sa comédie, en avoir arrêté et disposé les principales scènes, il s'adressa à Quinault pour « les paroles qui se chantent », à Lulli qui, outre la musique, écrivit la plainte italienne du premier intermède, et surtout à Corneille qui, en quinze jours, composa le second et le troisième acte, sauf la première scène de chacun d'eux, le quatrième et le cinquième acte tout entiers. 

(L'auteur du Cid n'en était pas à son coup d'essai en ce genre. Il avait déjà fait représenter deux pièces à grand spectacle : Andromède et la Toison d'or. Il sut écrire pour Psyché des scènes qui, par la délicatesse et la grâce, font un admirable contraste avec les autres chefs-d'oeuvre de ce mâle et sévère génie. La délicieuse déclaration de Psyché à l'Amour (a. III, sc. III) mérite d'être citée tout entière.

Qu'un monstre tel que vous inspire peu de crainte! 
Et que, s'il a quelque poison,
Une âme aurait peu de raison 
De hasarder la moindre plainte
Contre une favorable atteinte
Dont tout le coeur craindrait la guérison!
A peine je vous vois que mes frayeurs cessées
Laissent évanouir l'image du trépas,
Et que je sens couler dans mes veines glacées 
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas. 
J'ai senti de l'estime et de la complaisance,
De l'amitié, de la reconnaissance; 
De la compassion, les chagrins innocents
M'en ont fait sentir la puissance :
Mais je n'ai point encor senti ce que je sens.
Je ne sais ce que c'est; mais je sais qu'il me charme;
Que je n'en conçois point d'alarme.
Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer. 
Tout ce que j'ai senti n'agissait point de même;
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c'est que d'aimer.
Ne les détournez point, ces yeux qui m'empoisonnent, 
Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux, 
Qui semblent partager le trouble qu'ils me donnent.
Hélas! plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m'attacher sur eux.
Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre,
Vous dis-je plus que je ne dois,
Moi, de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que vous m'expliquassiez le trouble où je vous vois? 
Vous soupirez, seigneur, ainsi que je soupire; 
Vos sens, comme les miens, paraissent interdits 
C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire;
Et cependant c'est moi qui vous le dis.
Il n'y a donc que le prologue, le premier acte, la première scène du second et la première du troisième qui soient de Molière. Comme nous en avertit un avis du libraire au lecteur (avis rédigé par Molière), c'est grâce à cette collaboration heureuse que Sa Majesté s'est trouvée servie dans le temps qu'elle avait ordonné.

Sur le théâtre du Palais-Royal, où elle fut jouée le 21 juillet 1671, Psyché retrouva le succès obtenu aux Tuileries. Mais ce fut surtout la magnificence de la mise en scène qui charma les spectateurs. Les Parisiens surent gré à Molière d'avoir fait autant de frais pour eux que pour la cour. Et en effet, le poète pour cette représentation avait bouleversé son théâtre. Afin de le rendre « propre aux machines », il l'avait en partie démoli et reconstruit. Aussi le gazetier Robinet constatait-il avec satisfaction que Psyché

... Ainsi qu'aux Tuileries
Avait mêmes ornements,
Même éclat, mêmes agréments,
et qu'on y retrouvait
Les divers changements de scène, 
Les mers, les jardins, les déserts, 
Les palais, les cieux, les enfers, 
Les mêmes dieux, mêmes déesses,
Les machines et les entrées.
Qui furent la tant admirées.
Aujourd'hui, difficiles et blasés comme nous le sommes sur les pièces à grands spectacles et les trucs des machinistes, nous nous montrons beaucoup moins sensibles au char aérien qui amène Vénus sur la terre, aux ficelles qui emportent l'Amour au ciel, au nuage qui enveloppe les deux soeurs de Psyché, aux enfers avec leur mer de feu, etc., qu'aux vers dont la forme libre et variée, la facilité merveilleuse, la grâce poétique rappellent ceux d'Amphitryon.

Le même sujet devait, quelques années plus tard, être mis en musique par Lulli, sur un livret, assez faible, de Thomas Corneille (Opéra, 1678). (Maurice Albert / NLI / H. Clouard).

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