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La Toison d'or, de Corneille

La Toison d'or est une tragédie de Corneille jouée d'abord en 1660. Avec la Conquête de la Toison d'or, Corneille revient à la légende de Médée, qui lui avait fourni au début de sa carrière la tragédie de Médée. Corneille l'intitule tragédie; mais c'est, en réalité comme Andromède, jouée dix ans auparavant, une pièce à machines avec musique.

Elle fut commandée à Corneille par un gentilhomme normand, le marquis de Sourdeac, qui la monta splendidement et la fit jouer dans son château de Neubourg, en Normandie, par les acteurs du théâtre du Marais, pour célébrer le mariage du roi et la conclusion de la paix avec l'Espagne. Après huit jours de représentations qui attirèrent la meilleure société de la province, le marquis de Sourdeac donna aux comédiens toutes les machines et les décorations qui avaient servi à ce spectacle. La pièce, transportée sur le théâtre du Marais, fut fort courue, et le roi lui-même y alla avec toute sa cour.

La pièce est précédée d'un prologue où la France reproche à la

Victoire des faveurs qui lui coûtent tant de larmes.
Jason, pour prix de ses exploits, a demandé à Aaete, roi de Colchos, la fameuse Toison d'or. Médée, qui l'aime et qui espérait une demande en mariage, lui décrit les périls à surmonter (a. I, sc. IV).
Pour voir cette dépouille au dieu Mars consacrée,
A tous dans sa forêt il permet libre entrée;
Mais pour la conquérir qui s'ose hasarder 
Trouve un affreux dragon commis à la garder.
Rien n'échappe à sa vue, et le sommeil sans force 
Fait avec sa paupière un éternel divorce; 
Le combat contre lui ne te sera permis
Qu'après deux fiers taureaux par ta valeur soumis;
Leurs yeux sont tout de flamme, et leur brûlante haleine
D'un long embrasement couvre toute la plaine.
Va leur faire souffrir le joug et l'aiguillon,
Ouvrir du champ de Mars le funeste sillon;
C'est ce qu'il te faut faire, et dans ce champ horrible
Jeter une semence encore plus terrible, 
Qui soudain produira des escadrons armés 
Contre la même main qui les aura semés;
Tous, sitôt qu'ils naîtront, en voudront à ta vie 
Je vais moi-même à tous redoubler leur furie.
A ce moment arrive Hypsipile, reine de Lemnos et amante de Jason, que Neptune a envoyée pour entraver les projets des Argonautes; elle repousse les déclarations d'Absyrte, frère de Médée, et cherche à reconquérir son volage amant. De son côté, Aaete, instruit par un songe que le salut de son État dépend de la conservation de la Toison, s'efforce de détourner Jason de son entreprise; mais ce dernier s'obstine dans sa résolution. Il triomphe de tous les dangers.
... Oui, son bras, secondé par ses charmes,
A dompté nos taureaux et défait nos gens d'armes; 
Juge si le dragon pourra faire plus qu'eux!
Ils ont poussé d'abord de gros torrents de feux,
Ils l'ont enveloppé d'une épaisse fumée, 
Dont sur toute la plaine une nuit s'est formée; 
Mais, après ce nuage en l'air évaporé,
On les a vus au joug et le champ labouré;
Lui, sans aucun effroi, comme maître paisible, 
Jetait dans les sillons cette semence horrible 
D'où s'élève aussitôt un escadron armé, 
Par qui de tous côtés il se trouve enfermé.
Tous n'en veulent qu'à lui; mais son âme plus fière
Ne daigne contre eux tous s'armer que de poussière. 
A peine il la répand qu'une commune erreur 
D'eux tous, l'un contre l'autre, anime la fureur; 
Ils s'entr'immolent tous au commun adversaire; 
Tous pensent le percer quand ils percent leur frère. 
Leur sang partout regorge, et Jason au milieu 
Reçoit ce sacrifice en posture d'un dieu; 
Et la terre, en courroux de n'avoir pu lui nuire, 
Rengloutit l'escadron qu'elle vient de produire (V. II).
Tout à coup Médée paraît, montée sur le dragon, s'empare de la Toison et défie Jason de la lui venir enlever; mais ce n'est qu'une ruse; elle s'enfuit emportant le fatal trésor et se dirige vers le vaisseau des Argonautes, déjà prêts à mettre à la voile. Aaete, convaincu de la fourberie, invoque inutilement le secours de son père Apollon.
Corneille a emprunté les données de son sujet à Ovide, à Sénèque et surtout aux Argonautiques d'Apollonius de Rhodes. (H. Clouard).
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