| On appelle obituaires ou nécrologes des registres, en forme de calendriers, où les communautés religieuses du Moyen âge inscrivaient les noms de leurs membres, confrères, associés spirituels ou bienfaiteurs, pour l'âme desquels elles étaient tenues de réciter des prières. Les noms qui servaient à désigner ces livres étaient en latin obituarius, liber obituum, et quelquefois martyrologium, necrologium, calendariurn, liber defunctorum. Les obituaires n'apparaissent qu'au IXe siècle. Le plus ancien obituaire français est celui de Saint-Germain-des-Prés compilé par d'Usuar entre 858 et 869 et que l'on ne doit pas confondre avec le martyrologe proprement dit du même auteur. Toute église, abbaye, prieuré, chapitre de cathédrale, communauté de chanoines réguliers ou même simple paroisse pouvait avoir son obituaire. Il semble que primitivement, après la disparition de l'usage d'écrire les noms des défunts sur des diptyques d'ivoire qu'on posait sur l'autel et dont on lisait les listes au canon de la messe, on se soit d'abord servi des martyrologes pour y inscrire, dans les espaces laissés on blanc, les noms des défunts recommandés aux prières des fidèles. C'est ainsi qu'un obituaire de la cathédrale d'Auxerre, conservé à la Bibliothèque nationale, à Paris, sous le n° 894. des manuscrits latins, n'est autre chose qu'un martyrologe écrit au Xe siècle et interpolé jusqu'au XIIe siècle. Les manuscrits obituaires contiennent d'ordinaire un martyrologe, celui d'Adon ou celui d'Usuard, puis une règle qui varie suivant l'église, la règle de Saint-Benoît ou celle de Saint-Augustin à laquelle on joignait les constitutions du concile d'Aix-la-Chapelle de 816, quelquefois la règle dite de Saint Isidore, plus rarement celle de Saint Basile ou celle de Saint Gérôme, enfin l'obituaire proprement dit. L'obituaire se présente sous la forme d'un calendrier perpétuel; en face de chaque jour l'on inscrivait les noms des défunts dont on devait célébrer l'anniversaire ou auxquels on se contentait d'appliquer le bénéfice des prières récitées par la communauté pour le repos des âmes. Les obituaires étaient tenus au courant; l'on ajoutait les noms des défunts au fur et à mesure des décès. Les plus anciennes formules d'inscription sont très simples; le nom du défunt est précédé du mot obitus : obitus Guillelmi, ou du mot obiit : obiit Guillelmus. On trouve encore depositio, commemoratio, anniversarium talis. Le nom du mort est suivi de sa qualité. Au cours des temps, les mentions s'amplifièrent; on rappela les bienfaits du défunt envers l'église, les objets d'orfèvrerie et les livres qu'il avait donnés, ses constructions, ses fondations pieuses, ses legs en terres ou en argent, les constitutions de rentes qu'il avait faites et même les conditions, le temps et le lieu de leur perception, etc. Rarement on mentionnait l'année de la mort; cet usage toutefois, qui apparaît au XIIIe siècle, tendit à se propager au XIVe siècle. L'obit d'un personnage n'est pas toujours marqué au jour anniversaire de sa mort. En effet, certains défunts ayant droit à un office spécial, il arrivait ou bien que son anniversaire coïncidait avec l'une des grandes fêtes de l'année, à date fixe, jour auquel on ne pouvait célébrer un office funèbre, ou qu'un même jour comprit plus de messes commémoratives que le nombre de prêtres de la communauté ne permettait d'en dire; dans ces deux cas, on inscrivait l'obit à un jour différent de celui de sa mort, autant que possible la veille. Quand l'anniversaire se rencontrait avec un dimanche ou une fête solennelle mobile, on le célébrait aussi la veille. Mais, d'une façon générale, l'obit est inscrit au jour anniversaire de la mort. Aussi les renseignements que les historiens peuvent tirer des obituaires sont surtout chronologiques, permettant de fixer avec précision la date de décès d'un personnage. Par exemple, soit un Guillaume, abbé d'un monastère quelconque, inscrit au 5 juillet dans un obituaire, si d'autres documents établissent qu'il vivait encore le 7 octobre 1251, mais qu'en mars 1253 il avait déjà un successeur, nous conclurons qu'il mourut le 5 juillet 1252. Autre exemple : Si l'on consulte les historiens du XIIIe siècle, écrit Molinier, on remarque qu'ils placent la mort de Philippe III dit le Hardi à des jours différents du 15 septembre au 15 octobre 1285. La question a son importance [...] ; si l'on arrive à prouver que le roi de France mourut à Perpignan, c.-à-d. au commencement d'octobre 1285, on détruit une légende rapportée par Muntaner. Or parmi les chroniqueurs contemporains, quelques-uns [...] disent. que Philippe mourut à Perpignan le 5 octobre 1285, c.-à-d. le III des nones de ce mois; cette date est également fournie par plusieurs obituaires. Nous en citerons seulement deux, celui de la cathédrale de Narbonne (on sait, que dans cette église fut inhumée une partie du corps du roi) et celui des Trinitaires de Fontainebleau; plus que tous les autres, ces religieux, chapelains ordinaires des rois durant le séjour de ces princes au château, devaient être bien renseignés (A. Molinier). Ce qu'on a dit plus haut des mentions, qui, surtout à partir, du XIIe siècle, accompagnent le nom du défunt, indique assez de quel genre sont les autres renseignements fournis par les obituaires. Ajoutons encore qu'il convient de distinguer des obituaires les livres d'anniversaires où sont énumérés et déterminés les offices anniversaires dus par une église et les livres de distributions où sont énumérées les fondations pieuses faites en faveur d'une église, les charges à acquitter par elle et les distributions à faire sur les rentes léguées. (M. Prou). | |