| La Métaphore (en grec métaphora, action de transporter) est le plus beau, le plus riche et le plus fréquemment employé des tropes (Figure). C'est une figure par laquelle on transporte la signification propre d'un mot à une autre signification qui ne lui convient qu'en vertu d'une comparaison sous-entendue. La lumière de l'esprit, la fleur de l'âge, l'ivresse du plaisir, le feu des passions, la tendresse du coeur, les ailes du temps, le printemps de la vie, le poids des ans, la chaleur du combat, la pénétration de l'esprit, la rapidité de la pensée, les mouvements de l'âme, bouillant de colère, saisi d'épouvante, sonder les coeurs, voler à l'ennemi, répondre sèchement, recevoir froidement, énoncer clairement, etc., sont des métaphores. Les noms, les adjectifs, les participes, les verbes, les adverbes, peuvent donc s'employer métaphoriquement. La poésie et l'éloquence ne sauraient exister sans ce langage auxiliaire de l'imagination, qui donne du corps aux pensées, les embellit et les colore, et dont le propre est de frapper par des images, comme la peinture. Les exemples de métaphore abondent dans les grands écrivains : Le Dieu qui met un frein â la fureur des flots Sait aussi des méchants arrêter les complots. (Racine, Athalie, 1, 1). Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin, Je n'ai vu luire encor que les feux de matin; Je veux achever ma journée. (André Chénier, la Jeune Captive). Au banquet de la vie, infortuné convive, J'apparus un jour, et je meurs (Gilbert, Ode imitée de plusieurs Psaumes). Le chagrin monte en croupe et galope avec lui. (Boileau, Ép. 5.). Le flot qui l'apporta recule épouvanté. (Racine, Phèdre, V, 4.). La métaphore doit être appropriée au ton, au caractère général du discours : on conçoit que telle métaphore, bien placée dans le style poétique, devienne ridicule dans le style familier, et réciproquement; que telle autre, qui sied à une harangue, produise un mauvais effet dans une histoire ou dans une dissertation philosophique. Il faut éviter d'emprunter des métaphores à des objets bas ou à des circonstances triviales, comme fit Tertullien quand il appela le déluge la lessive du genre humain. Une métaphore est défectueuse, quand elle est forcée, prise de trop loin, et que le rapport n'est pas assez naturel et assez sensible. L'excès de hardiesse peut être aussi un défaut, comme dans ces vers de J.-B Rousseau (Ill, Ode au comte de Zinzindorf) : Et les jeunes zéphirs de leurs chaudes haleines Ont fondu l'écorce des eaux... Il doit y avoir dans les termes métaphoriques une espèce d'unité et de concordance, et la métaphore est vicieuse si elle n'est pas suivie, si les mots qui la constituent éveillent des idées incohérentes, comme dans ces vers de Malherbe (Ode au roi Louis XIII) : Prends ta foudre, Louis, et va, comme un lion Porter le dernier coup à la dernière tête De la rébellion. Chaque langue a ses métaphores propres et tellement consacrées par l'usage, qu'il est souvent impossible d'en changer les termes, même par des équivalents. Entrailles, dans sa signification métaphorique, exprime la tendresse paternelle; Racine a dit (Phèdre, IV, 3) : Je t'aimais, et je sens que, malgré ton offense, Mes entrailles pour toi se troublent par avance. Mais à ce mot on ne pourrait pas substituer un synonyme; et c'est pourquoi, dans les traductions, il est souvent impossible de faire passer littéralement une expression métapborique d'une langue dans une autre : le latin, par exemple, dit sinistrum cornu (la corne gauche) en parlant d'une armée, tandis qu'en français on dit l'aile gauche. (B.). | |