| L'athlétisme est caractéristique de notre sport moderne. Pendant des siècles on a connu et pratiqué certains jeux de balle, mais on a négligé presque complètement les exercices athlétiques proprement dits, renouvelés pour la plupart de l'Antiquité. Cette renaissance ne s'est opérée que lentement au cours du XIXe siècle. En France, où l'on a suivi un mouvement qui s'était initié quelques décennies plus tôt, principalement en Angleterre, cela a été l'oeuvre de nombreuses sociétés, entre autres le Racing-Club, fondé en 1882, puis le Stade Français, enfin l'Union des sociétés françaises des sports athlétiques (USFSA). Elles contribuèrent grandement aux progrès de l'athlétisme en s'intéressant activement à toutes ses manifestations sportives. Ces manifestations réunissent aujourd'hui un certain nombre d'épreuves, toutes codifiées à un niveau international, et qui se jouent individuellement ou par équipe. Ces épreuves peuvent être classer dans trois groupes : course à pied (vitesse, demi-fond, marathon, marche), de saut (hauteur, longueur, à la perche) et de lancer (poids, marteau, disque, javelot). Il existe également des épreuves dites combinées, tel le décathlon qui réunit en deux jours dix épreuves des trois catégories précédentes. Le premier âge de l'athlétisme. A l'origine, on appelait athleta, aqlhths, du grec aqlon, « prix de combat », l'homme qui prenait part aux luttes de gymnastique dans les combats publics de la Grèce et de Rome. On les répartissait d'ailleurs, suivant le genre des jeux auxquels ils se mêlaient, en pugilistes (pugil), coureurs (cursor), lutteurs (luctator), et pancratistes (pancratiastes). On distingue deux périodes nettement tranchées dans l'histoire de l'athlétique en Grèce : jusque vers le temps de Platon (Galien, t. V, p. 887, éd. Kühn), il n'y a pas en Grèce d'athlètes de profession. Tout le monde peut prendre part aux luttes athlétiques dans les grands jeux (Jeux Olympiques, Pythiques, Néméens et Isthmiques), les plus riches et les plus considérés d'entre les citoyens, comme les plus pauvres; on voit, côte à côte, dans la nomenclature des plus anciens vainqueurs, des magistrats, des commandants de vaisseaux, des cuisiniers et des marchands de poissons. Toutefois les jeux athlétiques, essentiellement physiques et corporels, furent de bonne heure dédaignés des citoyens riches, qui leur préférèrent toujours les courses de char, ou une part plus grande était faite à l'éclat et à l'opulence. Alcibiade, malgré sa passion pour tous les jeux, dédaigna toujours les luttes des gymnastes, comme trop mal fréquentées. Aussi peu à peu furent-elles réservées aux personnes de basse extraction, puis à des athlètes de profession. Les athlètes commençaient de très bonne heure à s'exercer au métier; dès l'âge de douze ans en effet, on pouvait concourir à certaines luttes dans les grands jeux de la Grèce : de douze à seize ans on était considéré comme un pais; de seize à vingt ans venaient les athlètes geneion; à partir de vingt ans les athlètes s'appelaient andres. C'était une conséquence du développement exagéré de l'athlétique, que cette présence de tout jeunes enfants dans les jeux, conséquence qui fut d'ailleurs funeste à l'art lui-même. Aristote remarque que la violence des exercices auxquels ces enfants étaient soumis nuisait au développement normal de leurs facultés physiques, et que les athlètes, après avoir, étant tout jeunes, remporté des prix, finissaient rapidement leur carrière, sans avoir pu parvenir même à l'âge mûr. L'âge de la plus grande vigueur chez les athlètes était, disait-on, trente-cinq ans; c'est à cet âge que se retirait le lutteur qui n'avait pu remporter jusque-là la moindre couronne. L'athlète heureux continuait jusqu'à la fin de ses forces ou de sa vie. L'athlète de profession passait sa journée entière à se préparer à la lutte, soit par des exercices physiques, soit en suivant un certain régime. L'importance de cette préparation était telle qu'il y avait des traités spéciaux qui lui étaient consacrés, des sortes de manuels de l'athlète, par exemple le manuel de Théon et de Typhon, le plus estimé de tous. Les athlètes avaient différents procédés pour développer leurs forces ou leur degré de résistance à la douleur; ils soulevaient des haltères, ils se soumettaient à la flagellation, ils s'habituaient à retenir leur souffle, ils se faisaient frictionner d'une façon intense et continue; la danse, qui était regardée comme développant d'une manière proportionnée toutes les parties du corps, était un de leurs exercices favoris. Quant au régime de vie qu'ils menaient, il était extrêmement sévère et enchaînait à la fois l'esprit et le corps. Pour le corps, « manger, boire, dormir, se décharger le ventre », était leur seule préoccupation, dit Galien (t. V. p. 879); ils se levaient tard, ne mangeaient, pour premier déjeuner, que du pain, dit encore Galien, peu fermenté et peu cuit. Après le déjeuner, une courte promenade, puis les exercices. Le dîner, de huit heures du soir à minuit; ils devaient manger beaucoup, mais très lentement; le porc était la viande ordinaire, puis venait le boeuf. La viande était toujours rôtie; les viandes bouillies étaient interdites, l'usage du poisson ne vint que plus tard et fut blâmé de quelques-uns. Voilà pour le corps. L'esprit était tenu en sujétion singulière par la règle qui interdisait aux athlètes, pendant les repas, des sujets de discussion philosophique ou des conversations trop difficiles, qui troublaient la digestion et alourdissaient la tête. Enfin les athlètes devaient, suivant le précepte d'Horace, abstinere Venere autant que possible, surtout dans la période des jeux; pour éviter toute excitation, ils s'appliquaient des plaques de plomb sur les reins pendant leur sommeil. Suivant leur constitution, développée du reste par des exercices distincts, les athlètes se groupaient en athlètes lourds (bareis) et légers (koufoi), et se répartissaient entre eux les différentes sortes de luttes. D'ordinaire ils se réservaient pour les quatre grands jeux : une couronne à l'un de ces jeux était leur ambition; la suprême gloire était d'avoir été vainqueur successivement aux quatre jeux de la Grèce, de devenir ce qu'on appelait un athlète periodonikhs. Une victoire remportée à une grande fête valait au vainqueur beaucoup d'avantages, d'argent et de satisfactions d'amour-propre. Il faisait son entrée dans sa ville natale par une brèche faite à travers la muraille, vêtu d'un manteau de pourpre, entouré d'un cortège d'amis, monté sur un char attelé de quatre chevaux blancs. Le jour de son entrée, il y avait fête dans la ville, festins, chants et sacrifices. Le vainqueur se voyait dédier des inscriptions, élever des statues; il était exempté de certaines charges. A Athènes on lui donnait 500 drachmes de gratification, s'il était vainqueur aux jeux olympiques, 100 si dans les autres. Aussi, pour arriver à cette victoire si glorieuse, les athlètes ne reculaient pas toujours devant la fraude, corrompant leurs adversaires ou trichant à la lutte. A Rome, on vit pour la première fois des athlètes en l'an 186 avant notre ère. Le régime de l'athlétique fut le même dans cette ville que dans la Grèce. Accueillie d'abord avec une certaine défiance, elle fut en grand honneur à partir du règne de Caligula, et les athlètes de Rome, avec leur collège, leur temple dHercule, leur caisse; leur xyste pour s'exercer, formèrent une puissante corporation, qui avait l'avantage sur les corporations similaires de ne pas entraîner pour ses membres la marque d'infamie. Il y a encore des athlètes à Rome au IIIe et au IVe siècles, et nous possédons (Code just., 10, 54) une constitution des empereurs Dioclétien et Maximien qui accorde l'exemption des charges civiles (civilium munerum vacatio) aux athlètes ayant remporté trois couronnes dans les grands jeux sacrés (certamina sacra), sans avoir corrompu ou acheté leurs adversaires. (C. Jullian). | |