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Analogie
Analogie est un terme de grammaire qui exprime une relation, un rapport de proportion que deux ou plusieurs lettres, divers mots, diverses locutions, constructions ou syntaxes, ont les uns avec les autres, quoiqu'ils diffèrent d'ailleurs par certains caractères qui leur sont propres. C'est aussi le rapport de proportion entre le son des mots ou l'harmonie des phrases, et l'objet qu'on veut peindre par le langage ou le phénomène qu'on veut représenter par tel ou tel tour choisi de préférence à tout autre.

Analogie entre les lettres. 
Il y a analogie : entre le b et le p : apicula, abeille; - entre le b et le v : troubadour, trouvère; - entre le p et le v : sapere, savoir; ripa, rive; pauper, pauvre; loup, louve; - entre le v et l'f : novus, neuf, neuve; novera, neuf, neuvième; navis, nef, etc.; - entre le v ou le w et le g : vasco, gascon; vadum, gué; vagina, gaine; Wilhelm, William, Guillaume; - entre le c et le g : acer, aigre, âcre; acutus, aigu; acicula, aiguille; - entre l et r : titulus, titre; - entre al et au en français animal, animaux, Duval et Duvau, malgré et maugréer : de là caldus, chaud; altus, haut; maledicere, maudire; entre eu et ou : trouver, trouver; oeuvre, ouvrer, ouvrage, ouvrier; émeute, émouvant; je peux, nous pouvons.

Analogie entre mots, locutions, constructions on syntaxes.
II y a analogie entre le proverbe grec : Porter une chouette à Athènes; le proverbe latin : Porter du bois à la forêt, et le proverbe français : Porter de l'eau à la rivière. C'est par la même analogie qu'on disait en grec : Couler lait et miel, et en latin : Suer du miel. Il y a analogie entre cette locution de Bossuet : Dormir son sommeil, et celle-ci de Voltaire : Songer un beau songe.

Analogie entre formes grammaticales. 
L'analogie est d'un grand usage en grammaire pour tirer des inductions touchant la déclinaison, la conjugaison, le genre ou l'orthographe. Ainsi, c'est l'analogie avec le latin qui, en français, avait rendu primitivement invariables, quant au genre, les adjectifs dérivés d'adjectifs latins ayant une terminaison commune soit aux trois genres, soit au masculin et au féminin, comme grand homme, grand femme, grand chambre, etc., à cause de vir grandis, mulier grandis, camera grandis, etc.; on disait de même lettres royaux aussi bien, que ordres royaux, à cause de litterae regales et de jussus regales; mais bon homme, bonne femme, à cause de bonus vir, bona mulier

Ce fut encore l'analogie qui fit mettre plus tard un e au féminin de tous les adjectifs, quelle que fût leur origine, lorsque, la langue étant davantage constituée, on la mit en harmonie avec elle-même plutôt qu'avec le latin, depuis longtemps perdu de vue; et l'on dit grande, de grand; prudente, de prudent, par la même raison qui faisait dire bonne, de bon; paresseuse, de paresseux; courte, de court; bénigne, de bénin.

Poison était autrefois du féminin, ce qui était plus  conforme à l'analogie du mot latin potio, et à celle d'autres mots français à désinence semblable, tels que raison, saison, foison, toison, pâmoison, moisson, etc., tous féminins. Navire était féminin, ce qui était conforme à la double analogie du mot nef et du mot navis

Les premières personnes des verbes français s'écrivaient primitivement sans s, et les troisièmes finissaient toutes par d ou par t, ce qui était analogue au latin : des raisons plus ou moins sérieuses de prononciation ou d'euphonie ont fait supprimer ce d ou ce t à un certain nombre de temps, et ajouter s à la première personne de tous les verbes, ceux du premier groupe et le verbe avoir exceptés. 

Faut-il écrire au pluriel : Messieurs, je vous prends à témoin? L'analogie nous guidera. On dit, avec la marque du singulier : Je vous prends à partie, à caution. La construction, la syntaxe, sont les mêmes, le sens est analogue on mettra donc témoin au singulier. Il y a une analogie de plus : c'est que témoin n'est pas, dans cette locution, un nom de personne répondant, par exemple, au latin testis, mais un mot abstrait comme partie et caution, et signifiant témoignage (testimonium, dont il n'est que l'altération). 

C'est par analogie que certaines dérivations conservent les lettres caractéristiques d'un primitif :  chant, chanter; champ, champêtre. L'analogie n'a pas été observée entre oisif et loisir; selon l'analogie latine, il faut dire oisif et oisir (otiari); selon l'analogie française, une fois le barbarisme loisir consacré par l'usage, il faut dire loisif comme on a dit loisible

Analogie dans la dérivation et la composition des mots scientifiques ou autres empruntés aux langues étrangères, anciennes et modernes. 
Un terme qui manque à une langue pour exprimer une idée nouvelle doit être autorisé, s'il a un son doux, sans danger d'équivoque, et s'il est conforme à l'analogie. En français, on tend à s'attacher à les choisir, s'il est possible, dans une source latine, parce que les mots latins tiennent, dit Fénelon, à d'autres mots qui ont pris racine dans le fonds de la langue française, que l'oreille y est presque accoutumée par avance, et qu'ils n'ont plus qu'un pas à faire pour y entrer. Mais il faut se garder d'imaginer des mots composés; ils sont moins nombreux, d'ailleurs, dans le latin même qu'ils ne le sont dans le grec, la langue synthétique par excellence. Aussi est-ce à elle qu'on a recours pour ces mots composés qui surabondent dans le langage de le science théorique et même appliquée. Ici l'analogie est plus difficile à observer; car un terme forgé d'après les véritables règles de la composition grecque pourra être désagréable ou obscur en français, et, en l'appropriant aux règles d'harmonie de la langue française, on s'expose à violer l'analogie grecque. Le mieux, estime-t-on, est de ne puiser à cette source qu'à la dernière extrémité, et de créer des composés qui satisfassent les oreilles françaises sans cesser d'être conformes à l'esprit de la langue à laquelle on emprunte leurs éléments.

Analogie entre les sons et les idées; analogie dans les figures.
Les onomatopées comme trictrac, glouglou, tic-tac, cliquetis; frager, stridor, murmur, mugitus, etc.; l'harmonie imitative, qui n'est que l'onomatopée étendue à toute une phrase, et dont toutes les langues offrent tant d'exemples; les métaphores, les catachrèses, toutes ces figures de langage, sont encore le fruit de l'analogie. Si l'on dit, par exemple, le chef de l'État et le pied d'une montagne, c'est par analogie avec la partie supérieure du corps humain et avec sa partie inférieure. Ferré d'argent n'est pas contraire à l'analogie, puisqu'on dirait bien ce cheval a des fers en argent. L'analogie entre les figures doit être observée avec beaucoup de soin, lorsqu'on traduit un écrivain qui a employé une métaphore inusitée dans la langue du traducteur. Ainsi, cette phrase de Tacite : Magna eloquentia, sicut flamma, materia alitur, ne peut se traduire littéralement; car nourri par une matière ne présente rien d'agréable ni de précis à notre esprit qu'on remplace l'idée de matière par celle d'aliment, qu'indique le verbe latin, et l'on a une phase élégante : « La grande éloquence est comme la flamme, il lui faut un aliment pour la nourrir. » Saepe stylum vertas, «  tourne souvent ton style, ton poinçon à écrire  »,  n'est clair, précis et élégant en français que sous cette forme : « Retouche souvent ton style, ou tes ouvrages. » (B.).

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