| Abel François Villemain est un professeur, écrivain et homme politique français, né à Paris en juin 1790, et mort en mai 1870. Il fut de bonne heure distingué par Fontanes, qui le nomma professeur de rhétorique au lycée Charlemagne (1810), et bientôt maître de conférences de littérature française à l'École normale. Il débuta dans les lettres par un Éloge de Montaigne (1812) et un Éloge de Montesquieu (1816) couronnés par l'Académie francaise. Un instant suppléant de Guizot dans la chaire d'histoire moderne, il fut en 1816 appelé par Royer-Collard à la chaire d'éloquence française, où il se lit remarquer par la nouveauté de ses aperçus, la finesse de sa critique, l'élégance exquise et l'heureuse vivacité de sa parole. Il publia en 1819 une Histoire de Cromwell, ouvrage distingué, mais où l'auteur n'avait pas trouvé l'emploi de son véritable talent; en 1822 une traduction de la République de Cicéron, d'après les fragments retrouvés par A. Maï; et en 1825, Lascaris et un Essai sur l'état des Grecs depuis la conquête musulmane, ouvrages qui avaient pour but d'aider au mouvement d'opinion qui s'opérait en faveur de la Grèce opprimée par les Turcs. - Caractère de la littérature du XVIIe siècle « Les grand écrivains du siècle de Louis XIV avaient reçu du siècle précédent l'exemple d'étudier l'antiquité; mais l'enthousiasme du goût remplaça pour eux l'idolâtrie de l'érudition. Élevés au milieu d'une civilisation qui s'épurait et s'ennoblissait chaque tour, ils ne se réfugiaient plus tout entiers dans les souvenirs et dans l'idiome des Romains, comme avaient fait autrefois quelques hommes supérieurs lassés de la barbarie de leurs contemporains; ils étaient, au contraire, tout modernes par la pensée, tout animés des opinions, des idées de leur temps; seulement leur imagination s'était enrichie des couleurs d'une autre époque, d'une civilisation, d'un culte, d'une vie différente des temps modernes. Ils rapportaient de ce commerce avec les Hébreux, les Grecs, les Romains, quelque chose d'étranger, une grâce libre et fière qui se mêlait à l'originalité native de l'esprit français. Les diverses couleurs des différents âges de l'antiquité dominaient en eux, suivant l'inclination particulière du génie de chacun. Racine et Fénelon ne respiraient que l'élégante pureté, la douce mélodie des plus beaux temps d'Athènes; ils choisissaient même parmi les Grecs; ils avaient le goût et l'âme de Virgile. Bossuet, d'un génie plus vaste et plus hardi, confondait la mâle simplicité d'Homère, la sublime ardeur des prophètes hébreux et l'imagination véhémente de ces orateurs chrétiens du IVe siècle, dont la voix avait retenti au milieu de la chute des empires et dans le tumulte des sociétés mourantes. Massillon était inspiré par l'élégance et la majesté de la diction romaine dans le siècle d'Auguste. Fléchier imitait l'art savant des rhéteurs antiques. La Bruyère empruntait quelque chose à l'esprit de Sénèque. Mme de Sévigné étudiait Tacite; et cette main délicate et légère, qui savait décrire avec des expressions si vives et si durables les scandales passagers de la cour, saisissait les crayons de l'éloquence et-de l'histoire pour honorer la vertu de Turenne. Quelquefois une idée perdue dans l'antiquité devenait le fondement d'un monument immortel. Bossuet avait entrevu dans saint Augustin et dans Paul Orose le plan, la suite, la vaste ordonnance de son Histoire universelle; et, maître d'une grande idée indiquée par un siècle barbare, il la déployait à tous les yeux avec la majesté d'une éloquence pure et sublime. Mêlant ainsi les lueurs hardies d'une civilisation irrégulière et la pompe d'une société polie, il était à la fois Démosthène, Chrysostome, Tertullien, ou plutôt il était lui-même; et des sources fécondes où puisait son génie, rassemblant les eaux du ciel et les torrents de la montagne, il faisait jaillir un fleuve qui ne portait que son nom. Vive expression des temps modernes et reproduction originale de l'antiquité dans ses âges divers, voilà donc les deux caractères distinctifs et dominants que nous présente le génie du XVIIe siècle. » (Villemain). | Il avait été reçu à l'Académie française en 1822 avait été dès 1819 appelé aux fonctions de chef de fa division de l'imprimerie et de la librairie, et était devenu, sous le ministère Decazes, maître des requêtes au conseil d'État. il fut destitué de cette dernière fonction en 1827, pour avoir rédigé avec Lacretelle et Chateaubriand, la supplique adressée au roi par l'Académie contre le rétablissement de la censure; il reprit alors avec un très grand éclat son cours de littérature française à la Faculté des lettres à côté de Cousin et Guizot. Nommé députe d'Evreux en 1830, il siégea parmi les membres de l'opposition, et signa l'adresse des 221. Louis-Philippe rappela en 1832 à la Chambre des pairs, où il combattit les lois de septembre et soutint le ministère Molé contre la coalition. Nommé ministre de l'instruction publique le 13 mai 1839, il fut écarté par le cabinet du 1er mars 1840 et remplacé par Cousin; il reprit ce poste en octobre 1840, mais, en 1844, épuisé par les luttes qu'amena la préparation de la loi sur l'enseignement secondaire, il tomba malade, perdit de nouveau son portefeuille, et s'honora en refusant une pension de 15 000 F que le ministère voulait lui faire voter par la Chambre. Il ne fit guère plus acte d'homme public que par quelques discours à la Chambre des pairs, et la révolution de 1848 acheva de le rendre à la vie privée. Il se consacra désormais exclusivement aux lettres : secrétaire perpétuel de l'Académie française depuis 1835, il déploya dans ces fonctions une activité et un dévouement sans égal, rédigeant chaque année, sur les divers prix décernés par l'Académie, des rapports qui sont des modèles d'éloquence académique. Outre les ouvrages cités plus haut, Villemain a publié de nombreuses études de critique et d'histoire qui toutes se distinguent par une vaste érudition et par l'élégante pureté du style : Discours et Mélanges, 1823; Nouveaux Mélanges, 1827; Études de littérature ancienne et étrangère, 1846; Études d'histoire moderne, 1846; Tableau de l'éloquence chrétienne au IVe siècle, 1849; Souvenirs et Nouveaux souvenirs contemporains, 1856-58; Choix d'études sur la littérature contemporaine, 1857; la Tribune française, Chateaubriand, 1857; Essais sur le génie de Pindare, 1859, etc.; enfin il avait écrit, ou du moins préparé, une Histoire de Grégoire VII. Mais son oeuvre capitale est son Cours de littérature au XVIIIe siècle et son Cours de la littérature du Moyen âge, reproduction des remarquables leçons qu'il avait faites à la Faculté des lettres de 1827 à 1830. On y trouve, avec une lecture immense, beaucoup de goût, de facilité et de finesse. Ces leçons, retouchées par l'auteur, sont devenues un livre souvent réimprimé (6 vol.) : elles ont élargi les voies de la critique moderne, et substitué à l'étroite appréciation des beautés et des défauts l'histoire littéraire et ses aperçus variés sur le caractère des écrivains et de leur époque. | |