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Dangeau

Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, est un auteur français, né le 21 septembre 1638, mort le 9 septembre 1720 Arrière-petit-fils du fameux Plessis-Mornay, il appartenait à une vieille famille calviniste; mais il se convertit de bonne heure au catholicisme et entra au service. Il fit la campagne de Flandre, sous Turenne, en 1658, en qualité de capitaine de cavalerie; puis, après la paix des Pyrénées, il entra momentanément au service de l'Espagne, si distingua dans plusieurs combats contre les Portugais et revint en France en 1663. II ne tarda pas à jouir d'une grande faveur auprès du roi et des reines : discret, dévoué, modeste, probe, joueur habile et heureux - et on sait quelle place tenait alors le jeu à la cour - il était avec cela homme d'esprit et tournait les vers avec une extrême facilité. On raconte qu'il fit un jour une pièce de cent vers tout en jouant avec le roi au reversi, jeu où il était de première force et qui semblait, néanmoins, devoir absorber toute son attention. La reine mère Anne d'Autriche, et la reine Marie-Thérèse, de leur côté, lui savaient un gré particulier de parler l'espagnol et d'avoir vécu à Ia cour de Madrid. 

Choyé par tous, il n'attendit pas longtemps les charges et les honneurs. Peu de temps après son retour d'Espagne, il reçut le commandement du régiment du Roi avec lequel il fit la campagne de France en 1667. Puis il devint aide de camp de Louis XIV qu'il suivit dans toutes ses campagnes. Il eut ensuite le gouvernement de la Touraine et fut employé dans diverses négociations diplomatiques, notamment auprès des électeurs du Rhin (1673 et 1674) et en Italie où il négocia le mariage de la princesse de Modène avec le duc d'York, devenu ensuite roi d'Angleterre sous le nom de Jacques II. Entre temps, il était nommé premier menin du dauphin, chevalier d'honneur de la dauphine, puis de la duchesse de Bourgogne, conseiller d'Etat d'épée, chevalier des ordres du roi, enfin grand maître des ordres royaux et militaires de Notre-Dame du Mont-Carmel et (en 1693) de Saint-Lazare de Jérusalem. A ce dernier titre, il fonda plus de vingt-cinq commanderies nouvelles et employa les revenus que sa charge lui procurait à créer une maison où il faisait élever douze jeunes gentilshommes pauvres. 

Ses fonctions militaires et ses charges de cour n'empêchèrent pas Dangeau de s'intéresser vivement aux gens de lettres dont beaucoup étaient ses protégés, notamment Boileau qui lui dédia en 1665 sa Ve satire sur la noblesse. C'est à titre de grand seigneur ami des lettres qu'il fut, en 1668, à la place de Georges de Scudéri, nommé membre de l'Académie française, puis, à la mort du marquis de l'Hôpital en 1704, membre honoraire de l'Académie des sciences. 

Dangeau avait épousé, le 24 mai 1682, une soeur de la maréchale d'Estrées, Françoise Morin, fille de Morin, dit le Juif, seigneur de Châteauneuf et fermier général. Il se maria en secondes noces, en 1686, à Sophie Marie, comtesse de Loewenstein, une des plus jolies femmes de la cour, d'une branche mésalliée de la maison palatine de Bavière. 

Saint-Simon a accablé Dangeau de railleries dans ses Mémoires, mais ses méchancetés paraissent ici comme en beaucoup d'autres cas tomber tout à fait à faux. Le marquis de Dangeau pouvait être un courtisan vaniteux et un poète trop facile, mais la manière dont il parle de lui-même dans son Journal et celle dont il raconte modestement et fidèlement ce qu'il a vu, donne de lui une idée tout à fait différente de celle qu'on peut en avoir après avoir lu Saint-Simon. Par une singulière coïncidence, c'est une copie du Journal de Dangeau copieusement annotée par Saint-Simon qui a surtout servi aux éditeurs définitifs de Dangeau, pour le publier; on en connaissait, du reste, un certain nombre d'autres, soit dans les bibliothèques publiques, soit dans les archives de certaines familles. Jusqu'à cette édition définitive, terminée en 1860, on n'avait publié que par extraits certains fragments du Journal de Dangeau. Voltaire en avait, notamment, donné quelques passages sous le titre de Journal de la Cour (Londres, 1770). 

Le Journal de Dangeau, commencé en 1684 et fini en 1720, est un document de la plus grande valeur. Pendant ces trente-six années, Dangeau inscrivit jour par jour tous les événements dont il eut connaissance. C'est un tableau aussi exact que naïf de la vie de la cour, c.-à-d. du gouvernement de la France sous Louis XIV. On y vit dans l'intimité du roi, que Dangeau a connu mieux que personne et dont il nous fait apprécier les qualités d'homme, de père et d'ami. A ce titre, le Journal de Dangeau est le complément nécessaire, sinon la contre-partie, des Mémoires de Saint-Simon, oeuvre partiale, véritable pamphlet qui trop souvent défigure l'histoire au gré de sa passion. Au contraire, Dangeau enregistre les faits sans parti pris, et son Journal est un des meilleurs documents que nous possédions sur cette époque. (C. ST-A.).

Louis de Courcillon de Dangeau,  frère du précédent, grammairien et écrivain français, né en janvier 1643, mort le 4 janvier 1723. Né dans une famille calviniste, il fut converti par Bossuet et entra dans les ordres; puis il voyagea. La faveur dont jouissait son frère lui profita; il fut envoyé extraordinaire en Pologne et, à son retour, acheta la charge de lecteur du roi, ce qui lui donnait accès auprès du souverain. Il usa de son crédit en faveur des gens de lettres; La Fontaine fut le seul qui ne trouva pas grâce à ses yeux, soit à cause de ses contes licencieux, soit plutôt parce qu'il avait été l'ami de Fouquet disgracié. 

Tous les ans, l'abbé de Dangeau avait à présenter au roi le journal des grâces accordées; mais comme il osait dévoiler au monarque les abus qui se commettaient dans la distribution de ses libéralités, il se faisait des ennemis de ceux qui profitaient de ces abus. Cela ne l'empêcha pas de faire son chemin à la cour : en 1680, il obtint l'abbaye de Fontaine-Daniel; en 1683, les prieurés de Gournay-sur-Marne et de Crépy-en-Valois; en 1710, l'abbaye de Clermont; il devint camérier d'honneur des papes Clément V et Innocent XII; enfin il fut nommé, en 1682, à l'Académie française, à la place de l'abbé Cotin, la victime de Boileau. Il s'y occupa surtout des questions de grammaire. Outre le grec et le latin, il savait l'allemand, l'italien, l'espagnol, le portugais, etc. 

L'abbé de Dangeau fut le concurrent malheureux de Fénelon au poste de précepteur du duc de Bourgogne; il se consola de cet échec en surveillant l'établissement dont nous avons parlé plus haut, fondé par son frère pour l'éducation des jeunes gentilshommes, et en recevant chez lui tous les mercredis l'élite des hommes de son temps.

L'abbé de Dangeau a beaucoup écrit et la Bibliothèque nationale conserve nombre de ses manuscrits. Parmi ses ouvrages imprimés nous citerons : Quatre Dialogues (théologiques) (Paris, 1684); Dialogues sur l'immortalité de l'âme; les Principes du Blason (1705); Tables historiques... pour l'histoire de la monarchie française; Nouvelle Méthode de géographie historique (1697, 1706); il imagina aussi un Jeu historique des rois de France, sorte de jeu d'oie qui égaya beaucoup ses contemporains à ses dépens et qui le fit chansonner. Comme tous les érudits, l'abbé de Dangeau ne manquait pas, en effet, d'un certain pédantisme. 

Ses travaux sur la grammaire sont nombreux; on a de lui des opuscules sur les voyelles, les consonnes, les verbes, les particules, les mots Après, Quelque, Quelqu'un, les prépositions, enfin sur beaucoup de « bagatelles de l'orthographe » suivant l'expression dont se sert, en parlant de lui, Saint-Simon qui, d'ailleurs, ne respecte jamais suffisamment ces bagatelles. Il est curieux de constater que l'abbé Dangeau est un des précurseurs des modernes réformateurs de l'ortografe et de la granmaire (c'est ainsi qu'il écrit ces mots). La plupart de ces dissertations ont été réunies dans les Essais sur la grammaire (1711) on dans les Opuscules sur la langue française publiées en 1754 par l'abbé d'Olivet. (Caix de saint-Aymour).

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