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Histoire de l'Europe > La France > Le XVIIe siècle |
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Ministère de MazarinLouis XIV n'avait que cinq ans à la mort de son père. Heureusement un élève de Richelieu, l'Italien Mazarin, avait la confiance de la régente Anne d'Autriche. Il suivit au dehors la politique du grand ministre de Louis XIII, et signa deux traités : après les victoires de Condé à Rocroi (1643), à Fribourg (1644), à Nordlingen (1645) et à Lens (1648), celui de Westphalie, qui donna à la France l'Alsace (1648); après les victoires de Turenne à Arras et aux Dunes, celui des Pyrénées (1659), qui assura à la France l'Artois et le Roussillon, avec une partie de la Flandre, du Hainaut et du Luxembourg.C'étaient encore des conquêtes de Richelieu. Le mérite de Mazarin fut de les avoir conservées au milieu des troubles qui agitèrent la minorité de Louis XIV. La Fronde.
Le cardinal de Richelieu aval légué d'immenses embarras financiers à son successeur. Pour combler le vide des caisses publiques, il fallait de nouveaux impôts (L'organisation financière de l'Ancien régime); le parlement refusa de les enregistrer (1647). Mazarin voulut faire enlever troi conseillers; une émeute de bourgeois obligea la cour à les relâcher, et un arrêt du parlement ordonna à Mazarin de sortir du royaume sous huit jours. Dès que la noblesse vit ce mouvement, elle s'yjeta. Un petit-fils de Henri IV, le duc de Beaufort, surnommé le roi des Halles, à cause de son éloquence populaire; les ducs de Longueville, d'Elboeuf, de Bouillon, de Chevreuse, surtout le coadjuteur de Paris, Paul de de Gondi, devenu ensuite cardinal de Retz, caractère ambitieux, esprit brouillon, se firent les chefs de cette faction. Turenne, puis Condé, mirent un instant à son service leur art militaire. Cette parodie de la Ligue, qu'on appela du nom d'un jeu d'enfants, la Fronde, n'avait d'autre but que de remplacer un ministre fidèle à la couronne par des intrigants titrés qui ne se proposaient même plus le démembrement de l'autorité royale, mais le pillage du trésor. La Fronde resta une émeute. Turenne en sortit bientôt; Condé compromit sa gloire en y entrant par dépit contre Mazarin, et surtout en traitant avec l'Espagne. Philippe IV, trop heureux de mettre à la tête de ses armées celui qui tant de fois les avait défaites, le nomma généralissime. Mais Condé sembla avoir perdu son bonheur en quittant la France. Turenne aussi, un moment réuni aux Espagnols, avait été battu avec eux à Rethel (1650). Les deux illustres rivaux se trouvèrent en présence à Bléneau, où Turenne sauva l'armée royale, et au combat de la Porte-Saint-Antoine (1652), où Condé eût été écrasé si Paris ne lui eût ouvert ses portes. Mais il fut bientôt obligé de le quitter, et Turenne le défit encore avec les Espagnols, ses alliés, devant Arras (1654), puis au pied des dunes de Dunkerque (1658). La Fronde tomba d'elle-même. Les parlementaires retournèrent à leurs fonctions, les bourgeois à leurs affaires. Mazarin, qui n'avait cessé de tout diriger du fond de son exil par son ascendant sur la reine-mère, revint en triomphe. Mais le jeune roi garda de ces troubles un souvenir qui ne s'effaça jamais. Il n'était plus question depuis longtemps de la Fronde quand le traité des Pyrénées (1659) rouvrit la France au prince de Condé. Mazarin, qui l'avait signé, mourut peu de temps après (9 mars 1661). De ce jour, Louis XIV voulut gouverner lui-même, et, durant trente années, il travailla régulièrement huit heures par jour. ColbertRéorganisation des finances.Mazarin, en mourant, avait recommandé Colbert à Louis XIV. Cet homme, rude dans ses manières, mais austère dans ses moeurs, infatigable au labeur, et qui ne sépara jamais la grandeur du roi de la grandeur du pays, réorganisa les finances retombées dans le désordre où Sully les avait trouvées. Richelieu avait eu trop à faire pour songer aux finances. Mazarin ne s'en était occupé que pour amasser une fortune de plus de deux cents millions. Foucquet, le prédécesseur de Colbert, pillait assez en grand pour dépenser dix-huit millions à son château de Vaux, et ne pas regarder à cent vingt mille livres pour un dîner. A l'exemple du chef, tous les agents inférieurs volaient. En 1661, sur quatre-vingt-quatre millions d'impôts que payait la France, un tiers seulement entrait au trésor, et les revenus de deux années étaient consommés d'avance. Colbert fit rendre gorge aux traitants qui restituèrent plus de cent dix millions, et assura au roi, en quelques années, malgré une bienfaisante diminution des tailles, un revenu net de quatre-vingt-neuf millions au lieu de trente-deux que le trésor recevait avant lui. Travaux publics;
agriculture.
Grâce à ces mesures, les manufactures se multiplièrent, au point qu'en 1669 on compta dans le royaume quarante-quatre mille deux cents métiers pour la laine, et soixante mille ouvriers. Les fabriques de soie donnèrent annuellement pour plus de cinquante millions d'étoffes ; et les dentelles, les draps, la faïence, la verrerie, les glaces de France rivalisèrent avec les produits de l'étranger. « En moins de vingt ans, dit un ministre, la France égala l'Espagne et la Hollande pour la belle draperie, le Brabant pour les dentelles, Venise pour les glaces, l'Angleterre pour la bonneterie, l'Allemagne pour les armes blanches, la hollande pour les toiles. »En même temps une protection efficace était assurée au dehors à nos négociants qui, par la fondation de nouveaux comptoirs en Amérique, au Sénégal, aux Indes, furent appelés sur toutes les mers. Marine.
Législation.
Jean-Baptiste Colbert. Guerre de Flandre
(1667).
Guerre de Hollande
(1612) et première coalition.
Grâce à cette puissante impulsion, le commerce se dé veloppait. L'établissement de nouveaux tarifs, en 1667, accrut la jalousie des Hollandais; ils y répondirent par une surtaxe considérable frappée sur nos produits. Cette guerre de tarifs fut la principale cause des hostilités qui éclatèrent en 1672. Le prince d'Orange eut l'adresse d'en faire une guerre européenne en entraînant dans l'alliance de la Hollande l'Espagne, l'électeur de Brandebourg et l'Empire d'Allemagne. Traités
de Nimègue (1678-1679).
Prospérité de Louis XIVC'est l'époque la plus brillante de son règne. Victorieux depuis qu'il régnait, n'ayant assiégé aucune place qu'il n'eût prise, la terreur de l'Europe pendant six années de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, il crut que tout lui était possible, et il fit de la paix un temps de conquêtes. Il acquit Strasbourg, bombarda Alger et Tripoli, humilia Gênes et, par ses chambres de réunion, alarma tous les princes de l'Empire limitrophes de la France. Mais cent dix vaisseaux de ligne étaient dans les ports de Toulon, de Rochefort, de Brest, au Havre et à Dunkerque. Cent forteresses construites ou réparées par Vauban couvraient ses frontières, que défendait mieux encore une formidable armée de cent quarante mille hommes, où Luxembourg, Catinat, Vendôme et Villars étaient prêts à remplacer dignement Turenne, tué d'un coup de canon en 1675, et Condé, que de précoces infirmités avaient relégué loin des camps.Révocation
de l'édit de Nantes (1685).
Guerre de la ligne
d'Augsbourg, seconde coalition.
La succession
d'Espagne.
Troisième
coalition.
La France y répondit d'abord par des succès. Boufflers vainquit les Hollandais à Eckeren (1705); Villars, les Impériaux à Friedlingen (1702) et à Hoechstaedt (1703); Tallard, à Spire en Allemagne; Vendôme, à Cassano en Italie (1705). Mais Tallard et Marsin perdirent la bataille de Bleinheim (1704); Villeroi, celle de Ramillies (1706); Vendôme, celle d'Oudenarde (1708). Villars lui-même fut défait à Malplaquet (1709), sur la frontière des Pays-Bas. La France, désolée par un hiver rigoureux et par la famine, à bout de ressources et non pas de courage, demanda la paix. On voulut que Louis XIV chassât lui-même d'Espagne son petit-fils. « Puisqu'il faut faire la guerre, dit-il, j'aime mieux la faire à mes ennemis qu'à mes enfants.-»Et il envoya Villars livrer une dernière bataille. « S'il est vaincu, disait-il, je convoquerai toute la noblesse de mon royaume pour la conduire à l'ennemi, malgré mes soixante-quatorze ans, et périr à sa tête ou sauver l'État.-»Traités d'Utrecht et de Rastadt (1715-1714). La victoire de Villars à Denain sauva la monarchie (1712), et les traités d'Utrecht et de Rastadt réglèrent pour un siècle la distribution territoriale des États européens. A la France restèrent la Flandre et l'Alsace avec Landau; à Philippe V, l'Espagne et ses colonies; à l'Autriche, les Pays-Bas, le Milanais et Naples; au duc de Savoie, Nice et la Sicile; à l'Angleterre, Mahon, Minorque, Gibraltar, la baie d'Hudson, Terre-Neuve et l'Acadie; au nouveau roi de Prusse, la haute Gueldre; enfin la Hollande obtenait le droit de tenir garnison dans sept villes des Pays-Bas qui devaient lui servir de barrière contre la France. Aux acquisitions de Richelieu et de Mazarin, Louis XIV n'avait donc, ajouté en réalité que Strasbourg, Landau, la Franche-Comté, Dunkerque, la Flandre, et aux colonies, les Antilles, Cayenne, Bourbon (La Réunion) et le Sénégal. Cette paix avait cependant mis un terme aux épouvantables misères des dernières années. On avait vu, durant le terrible hiver de 1709, les valets du roi mendier dans Versailles, et Mme de Maintenon manger du pain noir. Le roi ne survécut à la paix que quelques mois; il mourut le 1er septembre 1715. Le siècle de Louis XIVIl y a un paradoxe apparent dans le règne de Louis XIV. Ce roi étroit d'esprit en même temps qu'épris de lui-même, ruina le pays tant il dépensa sans compter pour sa gloire, mais, au final, réussit, à cause de cela même, à associer son nom à une période de grand épanouissement de la culture. Sous ce prince égocentrique, la gloire des lettres, des arts et du commerce s'unit à celle des armes; c'est alors en effet qu'ont brillé Condé, Turenne, Vauban, Luxembourg, Villars, Catinat, Duquesne et Duguay-Trouin; Colbert et Louvois; Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Bossuet et Fénelon; Lebrun, Lesueur, Girardon, Puget et Perrault; c'est alors que furent élevés l'Hôtel des Invalides, le Val-de-Grâce, les palais de Versailles, de Trianon, de Marly, la colonnade du Louvre.A cela s'ajoutent nombre de réformes,
qui portent le plus souvent la marque de Colbert,
qui ont laissé souvent, et quelle que soit la sévérité
du jugement qu'on portera sur certaines d'entre elles, une profonde empreinte
dans l'histoire de la France. Telles sont la réforme des impôts,
la création du contrôle général (1665), la protection
de l'agriculture, l'établissement des manufactures royales (les
Gobelins, la Savonnerie,
etc), le système industriel surnommé système protecteur
ou colbertisme, la réduction des douanes intérieures,
la prohibition du commerce sous pavillon étranger par le moyen du
droit de fret et des tarifs de 1664 et de 1667, le développement
des colonies par le moyen des compagnies maritimes (Cavelier
de la Salle), la construction de routes et canaux, la marine
militaire recrutée par classes (1666 et 1668), la fondation des
Académies, la codification progressive des lois et coutumes par
l'ordonnance sur la procédure civile ou Code Louis (1667),
ordonnance des eaux et forêts (1669), l'ordonnance criminelle (1670),
l'ordonnance du commerce (1673), l'ordonnance de la marine (1684), l'abject
Code des colonies ou Code noir
(1685), qui ne parut que deux ans après la mort de Colbert, mais
fut préparé par ses soins, etc.
Monument en l'honneur de Louis XIV, dans la crypte de la basilique Saint-Denis (médaillon d'après Girardon). © Photo : Serge Jodra, 2011. L'histoire a en somme confirmé l'expression de « siècle de Louis XIV » introduite par Voltaire. L'action personnelle de ce roi sur les lettres et les arts de son temps peut être diversement appréciée, mais elle n'est pas contestable. ll ne fit d'ailleurs que suivre ou plutôt reprendre la politique de patronage littéraire, artistique et scientifique inaugurée par Richelieu. Le clergé avait la feuille des bénéfices : les hommes de lettres, savants, artistes, etc., eurent la feuille des pensions. Elle fut établie en 1663, un peu trop d'après les préférences de Chapelain, qui se plaça en tête comme « le plus grand poète français qui ait jamais été et du plus solide jugement ». Les grands noms de la littérature française, Molière, Corneille, Racine, Mézeray, etc., y sont associés aux illustrations de second ordre, Quinault, Ch. Perrault, et même aux abbés Colin et de Pure. Boileau n'y sera inscrit que plus tard. Les étrangers y sont nombreux et généralement bien choisis : Heinsius, Cassini (de Bologne), Huygens, etc. Louis XIV anoblit Lully, Le Nôtre, Lebrun, Mansart, Mignard; Racine et Boileau reçurent le titre d'historiographes du roi. La forme des Académies permit «-d'embrigader les talents » (Rambaud) et de soumettre la république des lettres à une discipline toute monarchique. A partir de 1672, l'Académie française se réunit au Louvre : ses remerciements au roi sont significatifs : « Qu'un roi ait assez aimé les lettres pour loger une académie dans sa propre maison, c'est ce que la postérité n'apprendra guère que parmi les actions de Louis le Grand. Il ne se contente pas de nous accorder sa protection toute-puissante : il veut nous attacher à titre de domestiques. Il veut que la majesté royale et les belles-lettres n'aient qu'un même palais. »Lorsque l'Académie française se mit à décerner des prix d'éloquence et de poésie, elle donna comme invariable sujet l'éloquence du roi. On ne saurait imaginer quel amas d'inepties hyperboliques cet usage a enfanté. Racine lui-même présente sous un jour inattendu l'oeuvre du Dictionnaire : « Tous les mots de la langue, toutes les syllabes nous paraissent précieuses, parce que nous les regardons comme autant d'instruments qui doivent servir à la gloire de notre auguste protecteur. »On sait que le principal objet de l'Académie des Inscriptions fut d'abord, non d'en déchiffrer, mais d'en composer à l'honneur du roi. Parmi les sciences, le roi ne protège avec quelque suite que l'astronomie. Aux peintres, il impose l'autorité tyrannique de Lebrun, auquel Mignard a seul assez de dignité et de force pour résister; l'Académie française de Rome fut menée à la façon d'un couvent ou d'une manufacture royale, surtout lorsqu'elle eut passé dans le département de Louvois. Pour Louis XIV, les Teniers sont des « magots ». Il ne conçoit et n'estime que le genre noble. Dans les lettres, La Fontaineest longtemps mis de côté, comme un irrégulier; lorsque Boileau affirme au roi que le bonhomme est le plus grand poète de son temps, le roi répond : «-Je ne le pensais pas ». Molière ne fait jouer Tartufe qu'à grand-peine, grâce à l'éloge du « monarque ennemi de la fraude ». Valet de chambre du roi, il sent tout ce que la protection officielle a de lourd et de dangereux : « Qui se donne à la cour se dérobe à son art. »L'historien Mézeray ayant témoigné, sans doute sans le vouloir, quelque indépendance dans l'appréciation du passé, se voit supprimer la moitié de sa pension, et pourtant il «-portait ses feuilles à M. Perrault », chargé de les censurer. Un abbé Primi, Italien, est engagé à force de promesses à écrire une histoire de Louis XIV : le roi n'en est pas satisfait et met l'auteur à la Bastille : aussi l'Anglais Burnet, auquel la même besogne fut demandée moyennant une pension, se hâta de regagner son pays. En matière religieuse, il va sans dire que les décisions de l'Index et celles de la faculté de théologie sont ponctuellement suivies : c'est pourquoi en 1661 l'éloge de Descartes est interdit, et l'enseignement de sa philosophie reste proscrit en France. Leibniz est exclu, comme Protestant, des faveurs royales; entre autres savants, l'édit du 22 octobre 1685 chassa de France Denis Papin et Nicolas Lémery; Désaguliers, Dollond, Jean-Henri Lambert sont fils de Calvinistes proscrits. Bref, la protection royale est capricieuse, égoïste, intolérante. « Une chose qui juge ce régime, c'est que l'éclat des arts et des lettres se soutienne si peu de temps. Le siècle reste grand tant que Louis XIV est entouré d'hommes dont le talent était déjà né quand il commença à les protéger. Mais il ne naît pas de génies nouveaux. » (Rambaud).La dernière grande oeuvre de littérature laïque, Athalie, est de 1691. Sauf les écrivains et orateurs d'église, et Saint-Simon, qui écrit dans l'ombre, « on pourrait dire qu'il ne s'est pas écrit en France à partir de la paix de Ryswick une seule oeuvre de haute valeur littéraire. On peut faire la même observation pour les arts. » (Rambaud).L'esprit, à quelque spécialité qu'il s'applique, ne vit que de liberté. C'est ce que l'on peut constater de la façon la plus précise par les dates des oeuvres dans le domaine de la pensée. Le despotisme a accompli son office ordinaire, en appauvrissant l'arbre dont il avait récolté les fruits. (V. Duruy). |
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