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L'histoire de l'Erythrée
Durant l'Antiquité, la région faisait partie de la civilisation du royaume de D'mt (vers le VIIIe siècle av. JC), un royaume afro-sémitique situé principalement dans l'actuelle Érythrée et le nord de l'Éthiopie. Plus tard, elle devient intégrée au royaume d'Aksoum (Iᵉʳ siècle av. JC. - VIIᵉ siècle ap. JC), l'une des grandes puissances de l'Antiquité, qui contrôlait une partie de la mer Rouge et des routes commerciales reliant l'Afrique, l'Arabie et l'Inde. Le port d'Adulis, situé sur la côte érythréenne, était l'un des principaux centres de commerce d'Aksoum, attirant des marchands de la Méditerranée, du Moyen-Orient et d'Asie. Le royaume d'Aksoum joue un rôle important dans la diffusion du christianisme dans la région à partir du IVᵉ siècle.

À partir du VIIᵉ siècle, l'expansion de l'islam dans la région transforme les dynamiques religieuses et culturelles de la côte érythréenne. Bien que l'intérieur reste sous l'influence chrétienne axoumite, la côte passe sous l'influence des Arabes et des États musulmans de la région. Entre les XVIᵉ et XIXᵉ siècles, l'Érythrée subit diverses invasions et dominations, notamment par les Ottomans qui contrôlent la côte et la ville de Massawa au XVIᵉ siècle. Plus tard, au XIXᵉ siècle, l'Égypte, sous le règne de Méhémet Ali, établit un contrôle sur une partie de l'Érythrée. Ces occupations créent des divisions géographiques et culturelles qui auront des répercussions dans la suite de l'histoire du pays.

L'histoire moderne de l'Érythrée commence avec l'arrivée des Italiens à la fin du XIXᵉ siècle. En 1885, l'Italie établit un contrôle sur Massawa après avoir signé des traités avec les chefs locaux et commence à étendre son influence dans la région. En 1890, l'Italie déclare officiellement l'Érythrée comme sa colonie, lui donnant son nom actuel dérivé de Mare Erythraeum, le nom de la mer Rouge pendant l'Antiquité. Sous la domination italienne, l'Érythrée devient une base pour l'expansion coloniale italienne en Afrique. Les Italiens investissent dans les infrastructures, construisent des routes, des chemins de fer et des villes modernes comme Asmara, qui devient un centre urbain important. Cependant, sous ce régime colonial, les Érythréens subissent une ségrégation raciale et une exploitation économique.

Après la défaite des forces italiennes lors de la Seconde Guerre mondiale, l'Érythrée passe sous administration britannique en 1941. Pendant cette période, les Britanniques gèrent l'Érythrée comme un territoire sous tutelle, mais sans réel projet pour son futur statut politique. Cette période voit l'émergence des premiers mouvements nationalistes érythréens, opposés à l'intégration de l'Érythrée à l'Éthiopie. Le débat sur le sort de l'Érythrée se développe alors, avec certains Érythréens favorables à l'indépendance et d'autres soutenant l'union avec l'Éthiopie. En 1952, l'ONU décide de faire de l'Érythrée une fédération autonome au sein de l'Éthiopie, sous l'empereur Haïlé Sélassié. Toutefois, cette fédération est rapidement érodée par l'Éthiopie, qui cherche à réduire l'autonomie de l'Érythrée. En 1962, Haïlé Sélassié dissout la fédération et annexe l'Érythrée, la transformant en une simple province éthiopienne. Cette annexion suscite une résistance croissante parmi les Érythréens.

La résistance à l'annexion éthiopienne conduit à la création du Front de libération de l'Érythrée (FLE) en 1961, qui lance une lutte armée pour l'indépendance. Ce mouvement nationaliste, d'abord dominé par les musulmans des régions rurales, devient plus populaire dans l'ensemble du pays au fil des années. Dans les années 1970, le Front populaire de libération de l'Érythrée (FPLE), une faction dissidente, d'obédience marxiste, émerge comme la principale force de résistance contre l'Éthiopie. La lutte devient de plus en plus intense et reçoit un soutien populaire croissant, malgré la répression sévère menée par le régime éthiopien, notamment, à partir de 1974, sous le régime éthiopien, lui aussi marxiste, du Derg, dirigé par Mengistu Haile Mariam. Dans les années 1980, la guerre pour l'indépendance s'intensifie. Le FPLE, dirigé par Isaias Afwerki, adopte une stratégie de guérilla efficace, bénéficiant d'un soutien populaire et d'une organisation solide.

Le conflit en Érythrée fait partie d'un contexte plus large de guerre civile en Éthiopie et de tensions dans la Corne de l'Afrique. Le Derg, soutenu par l'Union soviétique, lutte également contre d'autres mouvements rebelles en Éthiopie. En 1991, la chute du régime du Derg en Éthiopie, affaibli par les conflits internes et la perte du soutien soviétique, permet au FPLE et aux autres forces rebelles éthiopiennes de prendre le contrôle. Le 24 mai 1991, le FPLE entre triomphalement à Asmara, marquant la fin de la guerre pour l'indépendance. Après la victoire militaire, l'Érythrée fonctionne de facto comme un État indépendant. En avril 1993, un référendum supervisé par les Nations unies aboutit à un vote massif en faveur de l'indépendance (99,8 %). L'Érythrée est officiellement déclarée indépendante le 24 mai 1993, et Isaias Afwerki devient le premier président du pays. Le gouvernement du FPLE, rebaptisé Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ), établit un système de parti unique. Le gouvernement engage des efforts pour reconstruire un pays dévasté par la guerre, avec une priorité sur l'éducation, la santé et les infrastructures.

Les relations entre l'Érythrée et l'Éthiopie, initialement cordiales après l'indépendance, se détériorent rapidement. En 1998, un différend frontalier autour de la ville de Badmé dégénère en un conflit ouvert entre les deux pays. Cette guerre Érythrée-Éthiopie (1998-2000) fait des dizaines de milliers de morts des deux côtés. Malgré les efforts internationaux pour négocier la paix, les combats persistent jusqu'à la signature de l'Accord d'Alger en décembre 2000. Selon cet accord, une commission internationale (la Commission des frontières entre l'Érythrée et l'Éthiopie (CFEE) ) doit délimiter la frontière, mais l'Éthiopie refuse d'accepter la décision finale, laissant la question frontalière en suspens pendant des années. Après la guerre, le gouvernement érythréen devient de plus en plus autoritaire. En 2001, une purge massive cible les dissidents au sein du gouvernement, les journalistes indépendants et les opposants politiques. Depuis, l'Érythrée est dirigée par Isaias Afwerki sans élections, et le FPDJ reste le seul parti autorisé.

Le gouvernement impose un service national (un service militaire ajouté à un service civil)  obligatoire et indéfini, qui est dénoncé comme une forme d'esclavage moderne. Des milliers d'Érythréens fuient chaque année pour échapper à la répression et à la pauvreté, contribuant à une diaspora importante. L'Érythrée devient l'un des pays les plus isolés au monde. Accusé de soutenir des groupes armés en Somalie, le pays est soumis à des sanctions internationales par l'ONU en 2009. Les relations avec ses voisins restent tendues, notamment avec l'Éthiopie et Djibouti. Mais, en 2018, un tournant majeur se produit avec l'arrivée au pouvoir du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, qui initie un rapprochement avec l'Érythrée. La décision sur le tracé de la frontière de la CFEE en 2007 est accépté. En juillet 2018, un accord de paix est signé entre les deux pays, mettant officiellement fin à l'état de guerre. Ce geste de paix vaut à Abiy Ahmed le prix Nobel de la paix en 2019.

À la suite de l'accord de paix avec l'Éthiopie, les dirigeants érythréens se sont engagés dans une diplomatie intensive autour de la Corne de l'Afrique, renforçant la paix, la sécurité et la coopération régionales, ainsi que la négociation de rapprochements entre les gouvernements et les groupes d'opposition. En novembre 2018, le Conseil de sécurité de l'ONU a levé un embargo sur les armes qui avait été imposé à l'Érythrée depuis 2009, après que le Groupe de contrôle des Nations Unies sur la Somalie et l'Érythrée ait signalé qu'il n'avait trouvé aucune preuve du soutien érythréen ces dernières années aux djihadistes du groupe Al-Shabaab.

Le rapprochement du pays avec l'Éthiopie a conduit à une reprise régulière des liens économiques, avec une augmentation du transport aérien, du commerce, du tourisme et des activités portuaires, mais l'économie reste dépendante de l'agriculture et l'Érythrée est toujours l'un des pays les plus pauvres d'Afrique. Malgré l'amélioration des relations du pays avec ses voisins, le président Isaias n'a pas relâché la répression et la conscription et la militarisation se poursuivent. Peu de progrès son faits en matière de droits humains. En 2020, l'Érythrée intervient militairement aux côtés du gouvernement éthiopien dans le conflit au Tigré, une région du nord de l'Éthiopie. Les forces érythréennes sont accusées de graves violations des droits humains durant cette guerre, exacerbant les critiques internationales contre le régime d'Isaias Afwerki.

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