| Amédée (Amédée-Ferdinand-Marie), duc d'Aoste, a été roi d'Espagne de 1870 à 1873. Second fils de Victor-Emmanuel lI, roi d'Italie, et frère du roi Humbert Ier, est né à Turin le 30 mai 1845, et mort dans la même ville le 18 janvier 1890. Encore enfant, il était inscrit sur les contrôles de l'armée sarde comme capitaine à la brigade d'infanterie d'Aoste. Avant déjà pu se faire une idée de ce qu'est un champ de bataille, pendant la campagne de 1859, le jeune prince était légèrement blessé à la bataille de Custozza (24 juin 1866), à la tête de ses grenadiers. Nommé peu après lieutenant-général commandant une brigade de cavalerie, il devenait vice-amiral en 1869 et prenait le commandement de l'escadre d'évolution. Après la révolution de 1868 à laquelle, il avait pris une large part, le maréchal Prim s'était mis à la recherche d'un nouveau roi pour l'Espagne, et avait fini par en trouver un dans la personne du prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen. Mais avant de s'adresser à la cour de Prusse, Prim avait tenté déjà d'entamer des négociations avec la cour de Florence, dans l'espoir d'obtenir le consentement du roi d'Italie au couronnement de son second fils comme roi d'Espagne. Victor-Emmanuel avait refusé. Après l'avortement de la candidature du prince Léopold et au commencement de la guerre dont cette malencontreuse candidature fut la cause, Prim d'une part et le maréchal Serrano, régent du royaume, de l'autre, se retournèrent du côté du duc d'Aoste, lequel, après bien de l'hésitation, finit par accepter une couronne d'un placement si laborieux. Avisé de cette résolution le 19 octobre 1870, le régent faisait proclamer le prince Amédée roi d'Espagne, sous le nom d'Amédée Ier, le 16 septembre, par les Cortès. Le vote des Cortès sur cette proposition se décomposait ainsi : 191 voix pour le roi Amédée, 64 pour la République, 22 pour le duc de Montpensier, 8 pour le vieux duc de la Victoire; 2 pour le fils d'Isabelle ll, l'infant don Alphonse, un peu plus tard Alphonse XII;1 pour doña Maria, fille aînée du duc de Montpensier, destinée à devenir la femme d'Alphonse XII, et des bulletins blancs, en tout 120 voix d'opposition. Un vote à plus d'un titre curieux et édifiant aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, une députation fut envoyée à Florence, aussitôt après, portant au prince Amédée l'offre officielle de la couronne d'Espagne, qu'il acceptait formellement le 4 décembre 1870. Le 30 du même mois, le nouveau roi d'Espagne débarquait à Carthagène, tandis que le maréchal Prim expirait les suites de la fusillade qu'il avait essuyée l'avant-veille dans la rue Turco, en sortant des Cortès où il s'était montré plus arrogant encore que d'habitude. Le 2 janvier 1871, il faisait son entrée à Madrid; le 4, son premier cabinet était constitué, sous la présidence du maréchal Serrano. Quoique court, le règne d'Amédée les fut extrêmement agité. Animé d'intentions libérales, et il ne s'en tint pas aux intentions, toute sa bonne volonté devait échouer, d'ailleurs, contre l'hostilité résultant nationalisme exacerbé qu'il rencontra. En vain fit-il appel à la conciliation, au concours de tous pour l'aider à réaliser des réformes certainement populaires, il ne rencontrait qu'hostilité partout; et roi depuis six mois à peine, il était déjà l'objet d'une tentative d'assassinat. Radicalement impopulaire en dépit de ses efforts, le roi Amédée voyait sa position empirer de jour en jour, lorsqu'au mois d'avril 1872, une première prise d'armes des carlistes eut lieu dans les provinces du Nord; presque au même moment, les matelots et les ouvriers de l'arsenal du Ferrol se soulevaient, arborant le drapeau rouge. Enfin, le 19 juillet vers minuit, une nouvelle tentative d'assassinat était dirigée contre le roi et la reine, qui rentraient au palais en voiture découverte, par cinq individus apostés dans la calle del Arenal, qui tirèrent autant de coups de fusil, sans résultat, sur la calèche royale. La mesure pouvait passer pour comble; le jeune roi ne voulut pas paraître, toutefois, fuir un danger qui ne ménaçait que sa vie ; ce ne fut que quand l'incapacité ou l'impopularité de ses ministères, qui se succédaient tous les mois, lui eut démontré que persévérer plus longtemps, c'était compromettre non plus son trône ni même sa vie, mais le salut de l'Espagne dont il ne voulait que le bien, qu'il résolut de lui éviter de plus grands malheurs en se retirant volontairement. En conséquence, le 11 février 1873, le roi Amédée adressait aux Cortès un message très digne, dans lequel il exposait qu'en présence des luttes continuelles des partis, dont le résultat le plus clair était d'entraver tous ses efforts pour donner à l'Espagne une ère de paix et de prospérité, et croyant par là rendre un plus grand service au pays qu'en persistant à le gouverner dans de pareilles conditions, il avait pris la résolution d'abdiquer le pouvoir, ce qu'il faisait en effet. Les Cortès accueillirent ce message d'espèce assez rare par des marques sincères de profonde estime pour le caractère de celui qui le lui avait envoyé, et il le méritait bien; elles en adoptèrent les conclusions et remplacèrent séance tenante la monarchie constitutionnelle échouée par la république. Dès le lendemain, le roi Amédée Ier, redevenu prince Amédée, duc d'Aoste, et la duchesse sa femme, qui relevait à peine de couches (qui ne devait jamais en relever, pour mieux dire), quittaient Madrid et l'Espagne pour aller s'embarquer à Lisbonne. Es débarquaient à Gênes le 9 mars, et étaient à Florence le 16. Remis, par un vote unanime, en possession de son siège au Sénat dès le 13, le prince Amédée se voyait également restituer sans opposition, par la Chambre des députés, sa liste civile de 400.000 livres, tandis que son père lui rendait son grade de lieutenant-général. II avait épousé en 1867 la princesse Marie dal Pazzo della Cisterna, dont il eut trois fils : Emmanuel-Philibert-Victor-Eugène-Albert-Gènes-Joseph-tllarie, duc de Pouilles, né le 13 janvier 1869; Victor-Emmanuel-Turin-Jean-Marie, comte de Turin, né le 24 novembre 1870; Louis-Amédée-Joseph-Marie-Ferdinand-François, né à Madrid le 31 janvier 1873, c.-à-d. 11 jours avant l'abdication de son père et le départ qui s'en suivit sur les instances même de la princesse, qui avait vécu dans une terreur constante pendant toute la durée de son séjour en Espagne et qui, restée maladive, s'éteignit à San Remo le 6 novembre 1876, à l'âge de vingt-neuf ans. (A. Bitard). | |