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La forêt
de Brocéliande est une forêt
célèbre dans les légendes celtiques et dans les romans
de la Table Ronde,
où elle est appelée Brocéliande et Brocelian,
Brècheliant, Brécilien, Bréchilien,
etc.; son nom paraît formé des mots celtiques Bré-killien
(= asiles des montagnes de Bré). A l'origine, cette forêt
devait occuper toute la partie centrale et orientale de la péninsule
armoricaine, depuis les sources de l'Oust et du Blavet jusqu'aux confins
du Maine et de l'Anjou, en suivant la ligne de faite des monts de Menez
et en projetant de nombreux rameaux sur le littoral nord et sur le littoral
sud de la Bretagne. La partie la plus considérable de la forêt
était située entre la chaîne du Menez et les rivières
de l'Oust et de la Vilaine, dans le pays de Porhoët. Le déboisement
a beaucoup réduit l'ancienne forêt de Brocéliande,
dont il ne subsiste plus aujourd'hui que des débris isolés
: les forêts de Paimpont, près de Montfort-sur-Meu, et de
Quintin, près de Saint-Brieuc,
sont les plus importants.
Suivant les traditions celtiques, la forêt
de Brocéliande était l'un des séjours favoris de l'enchanteur
Merlin,
qui y fut emprisonné, dans une tour magique et invisible, par la
fée-Viviane.
On montre encore, dans la forêt de Paimpont, un cromlech
qui serait l'enceinte mystérieuse où Merlin est retenu. La
forêt de Brocéliande a dû être assimilée,
lors de l'immigration des populations celtiques de Grande-Bretagne en Armorique,
au VIe siècle, à la forêt
de Calidon, dont parlent les traditions galloises et où Geoffroi
de Monmouth (Vita Merlini) raconte que Merlin s'était
retiré. La légende relative à la merveilleuse fontaine
de Baranton, située dans la forêt de Brocéliande, a
peut-être une origine qui remonte plus directement aux Celtes de
la Gaule. C'était une fontaine ou une source qui jouissait de la
propriété suivante : lorsqu'on répandait son eau sur
la pierre qui était à ses bords, une tempête effroyable
se déchaînait aussitôt dans la forêt
et durait un certain temps.
Au Moyen
âge, les poèmes de la Table Ronde ont atténué
par quelques embellissements le caractère sauvage de la légende
primitive la pierre de la source est d'émeraude
ornée de rubis et, pour prendre l'eau, on trouve, attaché
à une chaîne, un bassin d'or fin; telle
est la description qui se trouve dans Ivain ou le Chevalier au
lion,
de Chrétien de Troyes (vers 378 et suiv.).
Le mortel téméraire qui avait répandu l'eau de la
fontaine voyait accourir le maître de la forêt, chevalier mystérieux
et redoutable, qui habitait dans un château
enchanté, également situé dans la forêt, et
qui tirait vengeance des imprudents. Les légendes de la forêt
de Brocéliande eurent beaucoup de célébrité
au Moyen âge. Le trouvère Wace raconte
qu'il se rendit dans la forêt pour y voir les choses merveilleuses
qu'on en racontait, mais il avoue qu'il fut déçu dans son
attente : Folialai, fol m'en revins (Roman de Brut).
Au XIIIe siècle, Gautier
de Metz en parle dans l'Image du monde
:
En Bretaingne
r 'a, ce dist-on,
Une fontainne et
un perron,
Quant om gette de
l'ewe sus,
Si vente et pluet
et rechiet jus (retombe).
(Biblioth. nation.,
ms. fr. 1872, fol. 162 r°.)
Huon de Méri en parle également
dans son poème le Tournoiement d'Antéchrist, composé
en 1235. Les documents officiels eux-mêmes ont mentionné les
merveilles de la forêt de Brocéliande. C'est ainsi que dans
les Usements et coustumes de la forest de Brécilien, qui
datent du milieu du XVe siècle et
qui ont pour objet les droits
seigneuriaux auxquels étaient soumis les habitants des
forêts de l'Ouest de la Bretagne, on voit cités le perron
de Bellenton, où le seigneur de Montfort suscitait une tempête
en versant l'eau de la fontaine, ainsi que le bois où ne pouvaient
habiter aucunes bêtes venimeuses, etc.
Le même document donne l'étendue que l'on attribuait alors
à la forêt de Brocéliande :
«
la dicte forest est de grant et spacieuse estandue, appelée mère
forest; contenant sept lieulx de long et de lese (large) deux et plus.
»
La forêt de Brocéliande a été
le type de beaucoup de forêts enchantées
que l'on voit dans les anciens poèmes, par exemple dans Huon
de Bordeaux,
où le nain-Obéron,
fils de la fée-Morgane,
habite dans une forêt où il commande aux bêtes fauves
et provoque des tempêtes au bruit de son cor.
(E.-D. Grand). |
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