Maximes « - Le fruit, du travail est le plus doux des plaisirs. - Pour exécuter de grandes choses, il faut vivre comme si l'on ne devait jamais mourir. - Nous querellons les malheureux pour nous dispenser de les plaindre. - Les feux de l'aurore ne sont pas si doux crue les premiers regards de la gloire. - Ceux qui méprisent l'homme ne sont pas des grands hommes. - Les conseils de la vieillesse éclairent sans échauffer, comme le soleil d'hiver. - Ce n'est pas un grand avantage d'avoir l'esprit vif, si on ne l'a juste. La perfection d'une pendule n'est pas d'aller vite, mais d'être réglée. - On dit peu de choses solides, lorsqu'on cherche à en dire d'extraordinaires. - Les grandes pensées viennent du coeur. - Les grands hommes parlent comme la nature, simplement. - Il faut avoir de l'âme pour avoir du goût. - Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d'un jeune homme. - On ne s'élève point aux grandes vérités sans enthousiasme; le sang-froid discute et n'invente point. Il faut peut-être autant de feu que de justesse pour faire un véritable philosophe. - On doit se consoler de n'avoir pas les grands talents, comme on se console de n'avoir pas les grandes places. On peut être au-dessus de l'un et de l'autre par le coeur. - La servitude avilit l'homme au point de s'en faire aimer. - La guerre n'est pas si onéreuse que la servitude. - La solitude est à l'esprit ce que la diète est au corps. - C'est un grand signe de médiocrité de louer toujours modérément. - La fortune exige des soins. ll faut être souple, amusant, cabaler, n'offenser personne, plaire aux femmes et aux hommes en place, se mêler des plaisirs et des affaires, cacher son secret, savoir s'ennuyer la nuit, à table, et jouer trois quadrilles sans quitter sa chaise : même après tout cela, on n'est sûr de rien. Combien de dégoûts et d'ennuis ne pourrait-on pas s'épargner, si on osait aller à la gloire par le seul mérite! - Nos plus sûrs protecteurs sont nos talents. - Si nos amis nous rendent des services, nous pensons qu'à titre d'amis; ils nous les doivent, et nous ne pensons pas du tout qu'ils ne nous doivent pas leur amitié. - Celui qui serait né pour obéir, obéirait jusque sur le trône. - Je n'approuve point la maxime qui veut qu'un honnête homme sache un peu de tout. C'est savoir presque toujours inutilement, et quelquefois pernicieusement, que de savoir superficiellement et sans principes. Il est vrai que la plupart des hommes ne sont guère capables de connaître profondément; mais il est vrai aussi que cette science superficielle qu'ils recherchent ne sert qu'à contenter leur vanité. Elle nuit à ceux qui possèdent un vrai génie; car elle les détourne nécessairement de leur objet principal, consume leur application dans des détails et sur des objets étrangers à leurs besoins et à leurs talents naturels; et enfin elle ne sert point, comme ils s'en flattent, à prouver l'étendue de leur esprit. De tout temps on a vu des hommes qui savaient beaucoup avec un esprit très médiocre; et au contraire des esprits très vastes qui savaient fort peu. Ni l'ignorance n'est défaut d'esprit, ni le savoir n'est preuve de génie. - Le contemplateur, mollement couché dans une chambre tapissée, invective contre le soldat qui passe les nuits de l'hiver au bord d'un fleuve, et veille en silence sous les armes pour la sûreté de sa patrie. - Ce n'est pas à porter la faim et la misère chez les étrangers qu'un héros attache la gloire, mais à les souffrir pour l'Etat; ce n'est pas à donner la mort, mais à la braver. - Il est faux que l'égalité soit une loi de la nature. La nature n'a rien fait d'égal. Sa loi souveraine est la subordination et la dépendance. - Est-il vrai que les qualités dominantes excluent les autres? Qui a plus d'imagination que Bossuet, Montaigne, Descartes, Pascal, tous grands philosophes? Qui a plus de jugement et de sagesse que Racine, Boileau, La Fontaine, Molière, tous poètes pleins de génie? - Nous sommes trop inattentifs ou trop occupés, de nous-mêmes pour nous approfondir les uns les autres. Quinconque a vu des masques dans un bal danser amicalement ensemble, et se tenir par la main sans se connaître, pour se quitter le moment d'après, et ne plus se voir, ni se regretter, peut se faire une idée du monde. - La clarté est la bonne foi des philosophes. - Un versificateur ne connaît point de juge compétent de ses écrits; si on ne fait pas de vers, on ne s'y connaît pas; si on en fait, on est son rival. » (Vauvenargues, Réflexions et maximes, 1746). |