| Parménide ou Sur les idées est un dialogue de Platon. Le sous-titre a été ajouté par les commentateurs. Le Parménide est-il de Platon? L'authenticité de l'oeuvre semble aujourd'hui pouvoir être admise. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Ainsi, au XIXe siècle, plusieurs savants, en Allemagne, ont attribué le Parménide à quelque philosophe inconnu de l'école de Mégare. En 1874, Huit, professeur de philosophie, a offert à l'Académie des sciences morales et politiques un mémoire dans lequel, résumant les idées de Socher, Uberweg, Schaarschmidt et autres philosophes allemands, il s'attachait à prouver que ce dialogue n'était pas de Platon. Ces arguments peuvent se réduire à ceci : on ne retrouve dans le Parménide ni le style, ni les idées, ni l'art consommé de Platon. En second lieu, Aristote n'a pas mentionné le Parménide. Il est vrai qu'Aristote n'a pas non plus parlé d'Alexandre. Quant au style et aux idées de Platon, qu'on ne retrouve pas dans le Parménide, c'est une appréciation sur laquelle il est difficile de discuter et impossible de s'entendre. Quoi qu'il en soit, et pour ce qui est de la valeur du dialogue, V. Cousin, qui l'a traduit, le jugeait ainsi : "Ce dialogue demeure un des ouvrages de Platon dont il est le plus difficile de déterminer le vrai but et de suivre le fil et l'enchaînement à travers les mille détours de la dialectique éléatique et platonicienne. La vraie pensée de Platon est encore un problème et le degré d'importance de ce dialogue n'est pas fixé. Est-ce seulement un grand exercice de dialectique, comme paraît le croire Schleiermacher? ou bien est-ce en effet le sanctuaire mystérieux où se cache, derrière le voile de subtilités presque impénétrables, la théorie des idées, comme le veulent les Alexandrins et Proclus, leur représentant? [...]. Depuis le commencement du XIXe siècle, ces difficultés, si grandes autrefois, ont peu à peu cédé aux travaux de Schleiermacher et de Heindorf, qui ont servi de fondement à l'édition de Becker." Il n'est pas bien sûr que la difficulté ait été aussi complétement résolue que le dit Cousin. Le Parménide est un entretien entre Socrate, Zénon et Parménide. Les deux derniers arrivent un jour à Athènes pour y célébrer la fête des panathénées. Parménide est un vieillard de soixante-cinq ans, d'une physionomie noble et imposante; Zénon a quarante ans " C'était un homme bien fait et d'une figure agréable et il passait pour être très aimé de Parménide. Socrate était alors très jeune. Il rencontra les deux philosophes dans la maison où ils étaient logés. " On connaît la doctrine de Parménide sur l'unité de l'univers. Zénon avait examiné à un autre point de vue le problème de l'univers et avait voulu démontrer que la pluralité des êtres est impossible, ce qui revient à la doctrine de Parménide. "Crois-tu, demande Zénon à Socrate, que l'idée soit tout entière dans chacun des objets qui en participent, tout en étant une? ou bien quelle est ton opinion? Et pourquoi l'idée n'y serait-elle pas? répond Socrate. — Quoi! l'idée une et identique serait à la fois tout entière dans plusieurs choses séparées les unes des autres et par conséquent elle serait elle-même hors d'elle-même? — Point du tout, reprend Socrate, car comme le jour, tout en étant un seul et même jour, est en même temps dans beaucoup de lieux sans être pour cela séparé de lui-même, de même chacune des idées sera en plusieurs choses à la fois sans cesser d'être une seule et même idée. — Voilà, Socrate, une ingénieuse manière de faire que plusieurs choses soient en plusieurs lieux à la fois; c'est comme si tu disais qu'une toile dont on couvrirait à la fois plusieurs hommes est tout entière sur plusieurs : n'est-ce pas à peu près ce que tu veux dire? — Peut-être. — La toile serait-elle donc tout entière au-dessus de chacun ou bien seulement une partie? — Une partie. — Donc Socrate, les idées sont elles-mêmes divisibles et les objets qui participent des idées ne participent que d'une partie de chacune, et chacune n'est pas tout entière en chacun." Socrate n'en demandait pas davantage. C'est sa méthode ordinaire : il fait prouver à ses adversaires eux-mêmes ce qu'il veut leur démontrer. Le morceau qui précède contient en entier la question du réalisme et du nominalisme, si célèbre dans la philosophie scolastique; il n'y a qu'à mettre le mot genre au lieu du mot idée et la chose paraît claire. " Les idées, dit encore Socrate, sont naturellement comme des modèles; les autres objets leur ressemblent et sont sont des copies, si par la participation des choses aux idées il ne faut entendre que la ressemblance. — Mais, reprend Parménide quand une chose ressemble à l'idée, est-il possible que cette idée ne soit pas semblable à sa copie dans la mesure même où celle-ci lui ressemble? ou y a-t-il quelque moyen de faire que le semblable ressemble au dissemblable? — Il n'y en a point.— N'est-il pas de toute nécessité que le semblable participe de la même idée que son semblable? —- Oui. — Et ce par quoi les semblables deviennent semblables en y participant, n'est-ce pas cette idée? — Assurément. — Il est donc impossible qu'une chose soit semblable à l'idée, ni l'idée à autre chose; sinon, au-dessus de l'idée, il s'élèvera encore une autre idée, et, si celle-ci à son tour ressemble à quelque chose, une autre idée encore, et toujours il arrivera une nouvelle idée, s'il arrive toujours que l'idée ressemble à ce qui participe d'elle.-" C'est à l'aide de ce raisonnement que l'athéisme essaye de démontrer qu'il n'y a pas de Dieu; car, dit-il, si le monde visible suppose un créateur, ce créateur, ne pouvant être à la fois cause et effet; suppose un autre créateur, et ainsi de suite à l'infini. Platon paraît avoir voulu pratiquer dans ce dialogue ce que Parménide conseille à Socrate au début : " Elle est belle et divine, sache-le bien, cette ardeur qui t'anime pour les discussions philosophiques. Mais essaye tes forces et exerce-toi, tandis que tu es jeune encore, à ce qui semble inutile et paraît au vulgaire un pur verbiage, sans quoi la vérité t'échappera. " Sur cette question particulière des idées, Platon examine sans parti pris les solutions les plus contradictoires et il dit en terminant: "Si quelqu'un refuse son assentiment à ces contradictions, celui-là n'a qu'à bien regarder et à nous offrir des solutions meilleures ". Il soulève donc des problèmes, les montre sous toutes leurs faces et les laisse à résoudre à qui voudra. C'est la conclusion du traité. (PL). | |