| L'école de philosophie d'Alexandrie a été très célèbre, la dernière grande école philosophique de l'Antiquité; fondée par Ammonius Saccas à la fin du IIe siècle de notre ère, dura jusqu'à la fin du VIe. On ne peut ici que retracer les grandes lignes de son histoire. La doctrine, dont l'unité consiste principalement en ce qu'elle est un platonisme rajeuni, sera exposée dans ses traits généraux au mot Néo-Platonisme, et l'on en trouvera le détail au nom des divers philosophes qui furent les principaux chefs de l'école (Ammonius, Plotin, Porphyre, Jamblique, Proclus, Damascius). C'est à bon droit qu'on appelle école d'Alexandrie une école qui prit naissance dans cette ville, qui ne pouvait naître ailleurs, et qui revint mourir où elle était née. Il s'en faut cependant qu'elle ait vécu là paisiblement les quatre siècles de son existence sa destinée, souvent orageuse, s'accomplit aussi à Rome, à Athènes et en Asie. D'autre part, le nom d'école néoplatonicienne n'exprime pas non plus tout ce qu'elle a été : il ne dit rien des éléments très divers qu'elle a mêlés au platonisme, et surtout il laisse trop dans l'ombre l'originalité puissante d'un Plotin, par exemple, qui est un penseur de premier ordre. La vérité est que l'unité de doctrine ne fait guère moins défaut à cette école que l'unité d'existence historique et géographique. Si elle a malgré tout sa physionomie propre, elle le doit, semble-t-il, à ces deux caractères généraux : philosophiquement à la tendance éclectique avant tout et largement synthétique, qui lui fait chercher de préférence la conciliation et unir en elle l'esprit grec et l'esprit de l'Orient; historiquement, à cette circonstance, en partie fortuite, qu'elle s'est trouvée, par la faveur de l'empereur Julien, autant ou plus que par sa volonté propre, représenter, incarner en elle le monde antique dans ses derniers efforts de résistance aux progrès du christianisme. Par sa position géographique et par son origine, Alexandrie, on en a souvent fait la remarque, était prédestinée à devenir la patrie de l'éclectisme, et particulièrement le trait d'union entre la Grèce et le monde oriental. Tout l'effort des Ptolémées avait été d'implanter autant que possible la civilisation hellénique sur les bords du Nil, où ils se sentaient comme en exil. Or, pendant que l'Orient, essentiellement immobile, subissait à peine l'influence des Grecs (les Égyptiens, dit-on, y furent entièrement réfractaires, par indifférence profonde plutôt, d'ailleurs, que par hostilité), la culture grecque, au contraire, dont les caractères dominants étaient la plasticité, la souplesse, une curiosité ouverte à tout, une rare aptitude à tout comprendre, s'intéressa d'abord à l'Orient, et bien que, par nature, assez rebelle au vague et au mysticisme, s'assimila bientôt en partie la pensée orientale. C'est ainsi que les maîtres de l'école d'Alexandrie unissent dans leur méthode la dialectique et l'extase, et que peu à peu, au goût de la rigueur et de la précision, à un esprit critique très exercé, succède un symbolisme de plus en plus aventureux. Les Ennéades de Plotin nous montrent la doctrine dans toute son ampleur et à son meilleur moment; elle dégénère dès Jamblique et Porphyre et s'engage dans la voie où elle ira se perdre. Avec Proclus à Athènes (Ve siècle) (École d'Athènes), elle ne reprit qu'un éclat momentané. Proscrite par le décret de Justinien (529), qui interdisait dans l'Empire l'enseignement de la philosophie païenne, l'asile qu'elle trouva, en la personne de Damascius, auprès de Chosroês, roi de Perse, ne put lui rendre la vitalité : elle ne revint à son berceau que pour y mourir. Le moment le plus curieux, sinon le plus glorieux de cette histoire, fut celui où, la philosophie étant sur le trône avec Julien l'Apostat (361-363), l'école d'Alexandrie fut appelée à jouer un rôle actif dans la restauration des vieilles croyances païennes, qu'il s'agissait à la fois de faire revivre pour le peuple et de rendre acceptables aux esprits éclairés par un système d'interprétations. Ce qu'il en fût advenu si le règne eût été plus long, on ne peut le dire; mais il était trop tard, le mouvement d'opinion en faveur du christianisme était trop général et depuis longtemps irrésistible. L'empereur philosophe était d'ailleurs trop sceptique, au fond, et (à son honneur) trop tolérant, pour que cette résurrection artificielle de l'hellénisme eût chance de tourner en vraie renaissance religieuse. L'école d'Alexandrie n'eut pas à se louer de cette faveur, qu'elle n'était pas de force à justifier. En se trouvant mêlée aux luttes politiques, elle s'attira les persécutions politiques par lesquelles sa fin fut troublée, sinon hâtée. (H. M.).
| En bibliothèque - Matter, Hist. de l'École d'Alexandrie; Paris, 1840, 3e éd., in-8. - J. Simon, Hist. de l'École d'Alexandrie;. Paris, 1845, 2 vol. in-8. - Barthélémy Saint-Hilaire, De I'École d'Alexandrie; Paris, 1845, in-8. - Vacherot, Histoire critique de l'École d'Alexandrie; Paris, 1846-51, 3 vol. in-8. | -. | |