| Le mot de mélodrame, qui, d'après l'étymologie, signifie drame en musique (en grec mélos = air, chant, et drama = action, drame), servit primitivement, en effet, à désigner l'opéra. Mais, au XVIIIe siècle, il prit une tout autre acception : par suite de l'interdiction qui fut faite aux théâtres secondaires d'exploiter les genres de pièces qu'on représentait à l'Académie royale de Musique et à la Comédie-Française, les auteurs imaginèrent un genre hybride, où ils amalgamèrent la tragédie, le drame bourgeois, la comédie, la danse et la musique : tel fut le mélodrame, même après que la Révolution eut donné aux entreprises théâtrales une liberté sans limites. L'action était toujours à peu près la même, et se passait entre quatre personnages principaux : un tyran souillé de vices, animé de toutes les mauvaises passions, souvent prince, quelquefois chef de brigands; une héroïne, bourgeoise ou princesse, douée de toutes les vertus, et persécutée par le tyran; un amant de cette victime infortunée, la délivrant au moment du péril et tirant de son ennemi une vengeance exemplaire; enfin un niais, souvent poltron, quelquefois gourmand, ou possédant simultanément ces divers caractères, afin d'égayer un aussi sombre spectacle. La pièce était généralement en 3 actes, le 1er consacré à l'amour, le 2e au malheur et à l'effroi, le 3e à la punition du crime et au triomphe de la vertu. Les intrigues étaient toujours ténébreuses, les situations inattendues, les émotions violentes, le style tour à tour emphatique et trivial. Un ballet ou divertissement était intercalé tant bien que mal dans la pièce. C'était d'ordinaire par une scène d'escrime, dite combat des quatre coups, et dans laquelle plusieurs personnages, quelquefois la princesse elle-même, échangeaient en mesure des coups d'estoc réglés d'avance, que le noeud de la pièce était tranché avec la vie du traître. Quant à la musique, elle avait pour emploi d'ouvrir et de préparer les spectateurs aux sentiments qu'on allait développer devant eux, et d'augmenter l'effet des émotions produites : ainsi, une mélodie vive et animée annonçait l'arrivée du comique, une symphonie lugubre précédait l'entrée, du tyran, et des sons lamentables accompagnaient les pas de la princesse. Ce fut le théâtre de la Gaîté qui exploita le genre du mélodrame avec le plus de succès, grâce surtout aux pièces de Victor Ducange et de Guilbert de Pixérécourt. Depuis 1830 environ, ce genre, tout en conservant une certaine faveur sur quelques scènes, n'a plus d'existence avouée; il a fait place au drame, et le mot mélodrame, toujours pris en mauvaise part, est appliqué comme qualification méprisante aux oeuvres indignes d'un autre nom. (B.). | |