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Les canaux de Mars
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Les découvertes de Schiaparelli

A l'occasion de l'opposition de 1877, Schiaparelli publie sa fameuse carte (ci-dessous), basée sur les observations qu'il vient d'effectuer avec une lunette de 8,5 pouces, et dans laquelle sont répertoriés  les principaux supposés canaux de Mars, qu'il nomme canali. A partir de ce moment, les astronomes vont, dans leur grande majorité, s'accorder pour voir en eux le phénomène le plus remarquable sur Mars. Ces canaux, immenses, et susceptibles d'acheminer de grandes quantités d'eau sur de longues distances, pourraient peut-être donner la clé des grandes variations observées à la surface de la planète. Très vite, chacun va constater qu'il y a sur surface de la planète  un grand nombre de lignes ou de fines raies de couleur plus ou moins foncée, d'un aspect variable. Elles traversent la planète presque toujours en ligne droite, reliant les lacs et les mers, mesurant parfois 500 km, parfois plusieurs milliers milliers de kilomètres, occupant parfois le quart ou même le tiers de la circonférence (7000 km). 

« Quelques-unes sont très faciles à voir, écrira L. Barré en 1900, tandis que d'autres s'observent péniblement, semblables aux fils les plus fins d'une toile d'araignée tendue sur le globe de Mars. Leur largeur varie aussi beaucoup de 30 à 300 km. Ces lignes ou ces raies sont les fameux canaux de Mars, dont on a tant parlé dans le monde astronomique. Leur position est fixe sur la planète, ainsi que leur longueur et leurs points terminaux. Ce qui change beaucoup, non seulement d'une opposition à l'autre, mais encore d'une semaine à l'autre, c'est leur aspect et leur degré de visibilité. Souvent un ou plusieurs deviennent confus on même entièrement invisibles, tandis que d'autres, dans leur voisinage, augmentent beaucoup d'éclat et paraissent brillants, même quand on les observe avec des instruments de faible puissance. L'aspect normal d'un canal est celui d'une raie presque uniforme, noire ou sombre comme les mers, d'une apparence générale très régulière, mais avec, de petites variations dans la largeur et de faibles sinuosités sur les côtés. On voit souvent, à l'entrée d'une mer ou d'un canal, un élargissement considérable du lac qui forme une vaste embouchure semblable aux estuaires de nos fleuves terrestres. La couleur du canal varie probablement comme celle des mers, avec la quantité d'eau qu'il renferme. »

Canaux de Mars (dessin de Schiaparelli).
(Les petits points marqués sur divers continents correspondent aux lieux
où ont été signalées des « taches blanches comme la neige ».)

Dès l'annonce de leur existence, les canaux  révélaient des caractéristique qui semblaient, à première vue, pouvoir apprendre beaucoup de choses nouvelles sur la topographie martienne. En particulier on conclut de leur tracé, que les continents ne devaient pas être hérissés de chaînes de montagnes aussi colossales que nos Andes et nos Cordillères, car de longs canaux rectilignes les traversent en divers sens, comme s'il n'y avait la que de vastes plaines, et, de plus, croyait-on pouvoir ajouter, le relief du fond des mers ne pouvait être géologiquement différent de l'orographie des continents. De quoi suggérer que Mars était, comme l'écrivait alors Flammarion, « une planète moins montagneuse que la Terre, Vénus et la Lune, baignée de mers peu profondes, aux plages unies, douces et paresseuses ». En somme, le serpent se mordait le queue : les mers peu profondes poussaient à croire aux canaux, et les canaux poussaient à croire aux mers peu profondes...

Restait cet «aspect véritablement étrange, inattendu, fantastique », que les canaux donnaient à la planète, lorsqu'on examinait la carte qu'en donnait Schiaparelli.

« Deux impressions immédiates, poursuit Flammarion, frappent notre esprit à la vue de ce bizarre tracé géographique : la première, que ce n'est pas réel, que l'observateur a été dupe d'une illusion, qu'il a mal vu ou exagéré; la seconde, que, si c'est vrai, si ces canaux sont authentiques, ils ne paraissent pas naturels et semblent plutôt dus aux combinaisons d'un raisonnement, représenter l'oeuvre industrielle des habitants de la planète. Vous avez beau vous en défendre, cette impression pénètre l'esprit, et plus nous analysons le dessin, plus elle s'impose à notre interprétation.»
Fin 1881, la nouvelle opposition de Mars donne à Schiaparelli l'opportunité de perfectionner ses observations. Il écrira dans la Revue mensuelle d'Astronomie populaire d'août 1882 :
« La dernière opposition de Mars a pu être observée à Milan en d'excellentes conditions météorologiques. Nous avons eu, du 26 décembre 1881 au 13 février 1882, un grand nombre de jours particulièrement beaux. Les hautes pressions atmosphériques qui ont dominé à cette époque ont produit une série de belles journées, calmes et sereines, extrêmement favorables pour les observations. Pendant seize jours on a pu utiliser toute la puissance de notre excellent équatorial [Objectif de Merz (Munich), de 0", 218 de diamètre et de 3°,25 de longueur focale; oculaires grossissant 322 fois et 468 fois], et pendant quatorze autres jours l'atmosphère n'a laissé que fort peu à désirer. Aussi, quoique le diamètre apparent de la planète n'ait pas surpassé 16", tandis qu'il avait dépassé 19" en 1879 et 25" en 1877. il e été possible, dans cette troisième période d'opposition observée par moi, d'obtenir sur la nature physique de ce monde un ensemble de renseignements qui surpassent, par leur nouveauté et leur intérêt, tout ce que j'avais obtenu précédemment. La série des mers intérieures comprises entre la zone claire équatoriale et la mer australe s'est montrée mieux dessinée qu'en 1879.

Dans la mer Cimmérienne, on voyait une espèce d'île ou de traînée lumineuse qui la partageait dans sa longueur, ce qui lui donnait de l'analogie avec l'aspect de la mer Érythrée. Plus surprenante encore est la variation d'aspect présentée par la grande Syrte qui a envahi la Libye et s'est étendue, en forme de ruban noir et large, jusqu'à 60° de latitude boréale. Le Népenthès et le lac Moeris ont augmenté de largeur et d'obscurité, tandis qu'il restait à peine quelques vestiges d'un marais parfaitement visible sur la carte de 1879. Ainsi, des centaines de milliers de kilomètres carrés de surface sont devenus sombres, de clairs qu'ils étaient, et, à l'inverse, un grand nombre de régions foncées sont devenues claires. De telles métamorphoses prouvent que la cause de ces taches foncées est un agent mobile et variable à la surface de la planète, soit de l'eau ou un autre liquide, soit de la végétation, qui se propagerait d'un point à un autre.

Mais ce ne sont pas encore là les observations les plus intéressantes. Il y a sur cette planète, traversant les continents, de grandes lignes sombres auxquelles on peut donner le nom de canaux, quoique nous ne sachions pas encore ce que c'est. Divers astronomes en ont déjà signalé plusieurs, notamment Dawes en 1864. Pendant les trois dernières oppositions, j'en ai fait une étude spéciale, et j'en ai reconnu un nombre considérable qu'on ne peut pas estimer à moins de soixante. Ces lignes courent entre l'une et l'autre des taches sombres que nous considérons comme des mers, et forment sur les régions claires ou continentales un réseau bien défini. Leur disposition paraît invariable et permanente, au moins d'après ce que j'en puis juger par une observation de quatre années et demie; toutefois leur aspect et leur degré de visibilité ne sont pas toujours les mêmes et dépendent de circonstances que l'état actuel de nos connaissances ne permet pas encore de discuter avec certitude. 

On en a vu en 1879 un grand nombre qui n'étaient pas visibles en 1877, et en 1882 on a retrouvé tous ceux qu'on avait déjà vus, pendant les oppositions précédentes, accompagnés de nouveaux. Quelquefois ces canaux se présentent sous la forme de lignes ombrées et vagues, tandis qu'en d'autres occasions ils sont nets et précis comme un trait fait à la plume. En général ils sont tracés sur la sphère comme des lignes de grands cercles : quelques-uns montrent une courbure latérale sensible. Ils se croisent les uns les autres, obliquement ou à angle droit. Ils ont bien 2 degrés de largeur, ou 120 kilomètres, et plusieurs s'étendent sur une longueur de 80 degrés ou 4 800 kilomètres. Leur nuance est à peu près la même que celle des mers, ordinairement un peu plus claire. Chaque canal se termine à ses deux extrémités dans une mer ou dans un autre canal il n'y a pas un seul exemple d'une extrémité s'arrêtant au milieu de la terre ferme. »

Leur gémination...
Aussi étonnants qu'ils soient les canaux, on l'a dit s'inscrivait assez facilement dans la vision de Mars qu'avaient à l'époque les astronomes. Mais il allait bientôt s'ajouter un élément nouveau, lui, parfaitement incompréhensible. En 1879, le même Schiaparelli en effet  allait  noter quelque chose d'extraordinaire : le Nil, canal souvent mentionné, était remplacé par deux canaux courant sur une grande étendue. En 1882, ce n'était plus le Nil seul, mais bien un grand nombre de canaux qui lui apparaissaient doubles, et cette gémination lui parut une caractéristique de la planète. Reprenons donc le texte de Schiaparelli au point où nous venons de le laisser :
« Ce n'est pas tout, poursuit l'astronome. En certaines saisons, ces canaux se dédoublent, ou, pour mieux dire, se doublent. Ce phénomène paraît arriver à une époque déterminée et se produire à pou près simultanément sur toute l'étendue des continents de la planète. Aucun indice ne s'en est signalé en 1877, pendant les semaines qui ont précédé et suivi le solstice austral de ce monde. Un seul cas isolé s'est présenté en 1879 : le 26 décembre de cette année (un peu avant, l'équinoxe de printemps, qui est arrivé pour Mars le 21 janvier 1880), j'ai remarqué le dédoublement du Nil, entre le lac de la Lune et le golfe Céraunique. Ces deux traits réguliers égaux et parallèles me causèrent, je l'avoue, une profonde surprise, d'autant plus grande que, quelques jours avant, le 23 et le 24 décembre, j'avais observé avec soin cette même région sans rien découvrir de pareil. J'attendis avec curiosité le retour de la planète en 1881 pour savoir si quelque phénomène analogue se présenterait dans le même endroit, et je vis reparaître le même fait le 11 janvier 1882 un mois après l'équinoxe de printemps de la planète (qui avait eu lieu le 8 décembre 1881) : le dédoublement était encore évident à la fin de février. A cette même date du 11 janvier, un autre dédoublement s'était déjà produit : celui de la section moyenne du canal des Cyclopes, à côté de l'Elysium.

Plus grand encore fut mon étonnement lorsque, le 19 janvier, je vis le canal de la Jamuna, qui se trouvait alors au centre du disque, formé très correctement par deux lignes droites parallèles, traversant l'espace qui sépare le lac Niliaque du golfe de l'Aurore. Tout d'abord je crus à une illusion causée par la fatigue de l'oeil et à une sorte de strabisme d'un nouveau genre; mais il fallut bien se rendre à l'évidence. A partir du 19 janvier, je ne fis que passer de surprises en surprises; successivement l'Oronte, l'Euphrate, le Phison, le Gange et la plupart des autres canaux se montrèrent très nettement et incontestablement dédoublés. Il n'y a pas moins de vingt exemples de dédoublement, dont dix-sept ont été observés dans l'espace d'un mois, du 19 janvier au 19 février.

En certains cas, il a été possible d'observer quelques symptômes précurseurs qui ne manquent pas d'intérêt. Ainsi, le 13 janvier, une ombre légère et mal définie s'étendit le long du Gange; le 18 et le 19, on ne distinguait plus là qu'une série de taches blanches; le 20, cette ombre était encore indécise, mais le 21 le dédoublement était parfaitement net, tel que je l'observai jusqu'au 23 février. Le dédoublement de l'Euphrate, du canal des Titans et du Pyriphlégéton commença également sous une forme indécise et nébuleuse.

Ces dédoublements ne sont pas un effet d'ontique dépendant de l'accroissement du pouvoir visuel, comme il arrive dans l'observation des étoiles doubles, et ce n'est pas non plus le canali lui-même qui se partage en deux longitudinalement. Voici ce qui se présente : à droite ou à gauche d'une ligne préexistante, sans que rien soit changé dans le cours et la position de cette ligne, on voit se produire une autre ligne égale et parallèle à la première, à une distance variant généralement de 6° à 12°, c'est-à-dire de 350 à 700 kilomètres; il paraît même s'en produire de plus proches, mais le télescope n'est pas assez puissant pour permettre de les distinguer avec certitude. Leur teinte paraît être celle d'un brun roux assez foncé. Le parallélisme est quelquefois d'une exactitude rigoureuse. Il n'y a rien d'analogue dans la géographie terrestre. Tout porte à croire que c'est là une organisation spéciale à la planète Mars, probablement rattachée au cours de ses saisons.

Voilà les faits observés. L'éloignement de la planète et le mauvais temps empêchèrent de continuer les observations. Il est difficile de se former une opinion précise sur la constitution intrinsèque de cette géographie, assurément fort différente de celle de notre monde. Si le phénomène est réellement lié aux saisons de Mars. Tout instrument capable de faire voir sur un fond clair une ligne noire de 0,2" de largeur et de séparer l'une de l'autre deux lignes comme celle-là, écartées de 0,5", pourra être employé à ces observations.

Dans l'état actuel des choses, il serait prématuré d'émettre des conjectures sur la nature de ces canaux. Quant à leur existence, je n'ai pas besoin de déclarer que j'ai pris toutes les précautions commandées pour éviter tout soupçon d'illusion. Je suis absolument sur de ce que j'ai observé. »


Schiaparelli avait-il eu la berlue? Ce n'était pourtant pas le premier venu; c'était un astronome de valeur, depuis longtemps célèbre par sa découverte de la théorie cométaire des étoiles filantes et par d'autres travaux. Quelques esprits rétifs à ces nouveautés bien firent remarquer que les astronomes mathématiciens sont assez souvent mauvais observateurs. Mais on leur rétorqua que tel n'était pas le cas ici, car le directeur de l'Observatoire de Milan avait fait de bonnes observations de Saturne; ses mesures d'étoiles doubles étaient jugées exactes et précises; de plus, la cartographie de Mars elle-même lui devait un grand progrès : il était parvenu à faire, pour la première fois, une véritable triangulation de la planète et à fixer la position géographique de 114 points de la surface, déterminés d'après un ensemble de mesures micrométriques s'élevant au chiffre de 482. C'était là une oeuvre capitale.

Les canaux de Mars, selon Schiaparelli.

Une autre objection semblait plus sérieuse : si Schiaparelli avait bien vu, si tout cela était exact, il était assez singulier que personne avant lui n'ait identifié comme tels ces canaux, même en observant la planète à l'aide d'instruments plus puissants que ceux de l'Observatoire de Milan. Sans doute, désormais constatait-on que certains des principaux canaux avaient déjà été observés et mesurés. Ainsi les canaux que Schiaparelli avait nommés l'Hydaspe et l'Agathodémon avaient-ils été vus apparemment par Dawes; le Gange était reconnaissable sur les dessins de Secchi, etc. Mais le riche réseau qu'ils constituaient, et que l'astronome érigeait en caractéristique majeure de Mars (son "canevas fondamental"), avait d'évidence échappé à tout le monde avant lui. On se trouvait donc ici en présence d'une situation assurément bizarre. Voici quelques réponses qu'on donnait à cette objection 

1° L'équatorial de Milan est un instrument excellent, dont les qualités optiques sont depuis longtemps reconnues; quoiqu'il ne soit que de
moyenne taille (21,8 cm), il est supérieur à beaucoup d'instruments plus gigantesques; on sait d'ailleurs que pour la netteté des images dans
l'observation des planètes, ce ne sont pas les plus grands instruments qui ont donné les meilleurs résultats.

2°) Le climat de Milan est particulièrement favorable aux observations astronomiques; son atmosphère est pure, calme, et d'une température
homogène.

3° L'hiver de 1881-82 a été exceptionnel pour la beauté du ciel; tout le
monde en a été frappé à Nice et dans le Midi.

4° Schiaparelli a mis dans ses observations une persévérance en
rapport avec les résultats obtenus.

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Mars en gros et au détail

Quels sont les objets les plus petits que Schiaparelli pouvait apercevoir à la surface de Mars? L'objectif de sa lunette mesurait  21,8 cm de diamètre. Cette lunette était armée d'oculaires grossissant l'un 322 fois, l'autre 468 fois, et dont la longueur est de 3,23 m. Elle lui permettait de distinguer :

1° des taches lumineuses sur fond obscur et des taches obscures sur fond lumineux, mesurant une demi seconde; 

2° des lignes lumineuses sur fond obscur mesurant seulement un quart de seconde;

3° des lignes obscures sur fond lumineux mesurant également un quart de seconde.

Il en résultait que, dans d'excellentes conditions atmosphériques, on distingue des taches dont le diamètre n'était que le cinquantième de celui de la planète, c'est-à-dire de 137", la Sicile, les grands lacs de l'Afrique centrale, l'île Ceylan, l'Islande y seraient visibles. 

Semblablement, une ligne dont la largeur ne serait que le centième de celle de la planète, ou de 70", y serait perceptible; on y distinguerait donc : l'Italie, l'Adriatique, la mer Rouge, etc. Le grand équatorial de Washington doit montrer des détails trois fois plus petits, larges de 44" et de 24". 

Toutes ces circonstances réunies semblaient conférer une excellente crédibilité aux observations de l'astronome, et aux interprétations qu'il faisait de ses observations. 
Sans doute, pour certains détails, à commencer par cette extraordinaire gémination des canaux, il convenait estimait-on, d'attendre une vérification lors des retour suivants de Mars. Et la confirmation vint, et au-delà de toute espérance... En 1894, en particulier, cette gémination était signalée non seulement sur les canaux, mais aussi sur les lacs, et même le lac Moeris paraissait triple. Ces phénomènes extraordinaires, tout à fait nouveaux dans le Système solaire, furent cette fois reconnus par Schiaparelli et aussi par les astronomes qui disposaient d'instruments très puissants et qui avaient fait une étude approfondie de la curieuse planète : Barnard, Perrotin, Brenner, Stanley Williams, Moreux, Antoniadi, Jarson, Quénisset, Commel, Mac-Ewen, etc. Les idées avancées par Schiaparelli en 1882 appartiennent à la fin du siècle ce que l'on considère être le corpus de connaissances acquises sur Mars. L. Barré peut écrire ainsi avec assurance dans la Grande Encyclopédie  :
« C'est principalement dans les mois qui précèdent ou dans ceux qui suivent la grande inondation boréale, vers le temps des équinoxes, que l'on observe ces changements. Par suite d'une modification rapide qui se produit en quelques jours ou même en quelques heures et dont il n'a pas encore été possible de déterminer les circonstances avec certitude, un canal donné change d'apparence et se transforme sur toute sa longueur en deux lignes ou raies uniformes plus ou moins parallèles et qui vont dans une direction rectiligne avec la précision géométrique de deux rails de chemins de fer. Cette disposition est le seul point de ressemblance avec les rails, car il n'y a aucune comparaison possible pour la longueur. Les deux lignes suivent rigoureusement la direction du canal primitif dont les mêmes extrémités. Souvent l'un d'eux est en quelque sorte confondu avec le premier, mais il n'a pas les irrégularités et les courbures primitives. Parfois aussi les deux lignes sont situées sur les rives opposées au premier, et leur distance peut aller de 50 à 600 km. Leur couleur varie du noir au rouge et se distingue facilement de la teinte jaunâtre des terres environnantes. L'espace compris entre ces deux canaux est généralement jaune, mais il est aussi parfois blanchâtre. Cette gémination ne s'observe pas seulement dans les canaux, mais bien encore dans les lacs et dans les mers, et quelquefois on a vu trois images d'un objet primitif (le lac Moeris a été vu triple en 1894). Dans les oppositions successives, le dédoublement d'un canal présente des différences marquées en largeur, en profondeur et en disposition des deux lignes. L'observation des géminations est très difficile et ne peut être faite que par un astronome bien familiarisé avec les détails de la planète, disposant d'un télescope excellent. C'est pour ces différentes raisons que le phénomène n'a pas été observé avant 1882; mais, depuis, il a été bien reconnu et parfaitement décrit dans plusieurs observatoires de l'Ancien et du Nouveau Monde. »


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