| Le chinois appartient à la famille des langues dites sino-tibétaines, à laquelle appartiennent aussi le tibétain et le birman. Il n'est pas de langue plus riche comme langue écrite, et de plus pauvre comme langue parlée. Cette dernière ne consiste qu'en 480 monosyllabes primitifs; mais beaucoup de ces mots simples ou radicaux se prononcent avec cinq intonations (tons) ou accents différents, qui modifient leur signification, et leur nombre se trouve ainsi élevé à plus de 2000. Chaque mot ne forme qu'une émission de voix, qu'une articulation. Tous les mots se terminent, soit par une voyelle ou une, diphthongue, soit par un son nasal. Le chinois a plusieurs articulations qui nous manquent; ils ne possèdent pas les suivantes, b, d, v, z, et les remplacent par p, t, f et s; les articulations doubles sont ts, tch et ng. Le Dictionnaire composé par ordre de l'empereur Kangxi présente une liste de 30 consonnes et de 108 voyelles ou diphthongues. Pour exprimer toutes les idées, le chinois doit recourir à toutes sortes de combinaisons et d'associations de mots. Or, selon la remarquait de G. de Humboldt, une langue ne cesse pas d'être monosyllabique par cela qu'elle a des mots composés, exprimant chacun, outre une idée principale, diverses idées accessoires; elle n'est polysyllabique qu'autant qu'elle emploie, pour exprimer une idée simple, une réunion de syllabes dont chacune prise à part n'a pas de valeur. Selon Klaproth et Bergmann, un grand nombre de mots chinois étaient, à l'origine, tout au moins bisyllabiques, et ce serait seulement dans la suite, mais à une époque fort ancienne, que ces mots seraient devenus monosyllabiques, la voyelle et la consonne finales ayant disparu par l'altération de la prononciation primitive. Les grammairiens chinois divisent les mots de leur langue en deux catégories : 1° les mots pleins (chi-tseu), qui ont par eux-mêmes, et indépendamment de la place qu'ils occupent, une signification générale propre; tels sont les substantifs, les adjectifs, les verbes; 2° les mots vide (hiu-iseu) ou termes auxiliaires (tsou-tseu), qui n'ont par eux-mêmes aucune-signification propre, mais qui, servant de liens aux premiers, marquent les rapports qu'ils ont entre eux. Parmi les premiers, ils distinguent les mots morts (sse-tseu), qui ne font que nommer ou qualifier les objets, et les mots vivants (seng-tseu) ou termes de mouvement (ho-tseu), qui expriment la manière d'être des objets. La langue chinoise est dépourvue des flexions et désinences qu'on trouve par exemple dans les langues-indo-européennes : tous les mots sont invariables; ni déclinaisons, ni conjugaisons. Il a donc fallu y suppléer par une construction très sévère de la phrase, par un principe fixe de position des mots. C'est de cette position qu'on déduit les rapports de connexion et de dépendance, les modifications de temps, de personnes, etc. En général, quand il n'y a rien de sous-entendu, les éléments de la phrase se succèdent dans l'ordre suivant le sujet, le verbe, le complément direct, le complément indirect. Les expressions modificatives précèdent celles auxquelles elles s'appliquent : ainsi, l'adjectif se met avant le substantif; le substantif régi, avant le mot qui le régit; l'adverbe, avant le verbe; la proposition incidente, circonstancielle, hypothétique, avant la proposition à laquelle elle se rattache. Si le sujet est sous-entendu, c'est que c'est un pronom personnel, ou que le substantif omis se trouve dans la phrase précédente avec la même qualité de sujet. Si le verbe manque, c'est que c'est le verbe substantif, ou tout autre aisé à suppléer, ou qui se trouve déjà dans les phrases précédentes avec un sujet ou un complément différent. Si plusieurs substantifs se suivent, ou bien ils sont en construction l'un avec l'autre, ou bien ils forment une énumération, ou enfin ce sont des synonymes qui s'expliquent et se déterminent les uns par les autres. S'il y a plusieurs verbes de suite, qui ne soient ni synonymes ni employés comme auxiliaires, c'est que les premiers doivent être pris comme adverbes, ou comme noms verbaux, sujets de ceux qui suivent, ou ceux-ci comme noms verbaux compléments de ceux qui précèdent. La valeur de position des mots domine donc tout en chinois, et c'est de là le plus souvent que l'on déduit leur sens. Il en résulte un certain vague dans l'esprit des Européens, accoutumés à des formes grammaticales très différentes. La langue chinoise se divise en ancienne (kou-wen) et en moderne (kouan-hoa), tellement distinctes qu'on peut connaître l'une et ignorer l'autre. La 1re est la langue des kinq ou livres classiques, morte depuis longtemps; la 2e est celle que l'on parle et que l'on écrit aujourd'hui. Dans cette dernière, il y a divers dialectes, qui diffèrent principalement par la prononciation. Le dialecte le plus parlé a été appelé par les Européens langue mandarine : c'est le chinois standard; il domine dans les provinces du nord. Les provinces méridionales sont celles qui s'éloignent le plus de la prononciation classique; les plus importants dialectes de ce genre sont parlés à Canton et à Fou-Kian. A l'époque impériale, les lettrés rédigeaient Ieurs livres dans un langage appelé wen-tchang, intermédiaire entre le kou-wen et le kouan-hoa. L'écriture chinoise. Tandis que, chez les autres peuples, la pensée, la parole et l'écriture sont associées d'une manière intime, et que celle-ci ne représente la première qu'à l'aide de la seconde, les Chinois font du langage et de l'écriture deux représentations isolées et distinctes de la pensée. On petit connaître l'une sans entendre l'autre, de sorte qu'on traduit très bien du chinois, tout en ignorant sa prononciation. Les signes représentent des idées, et non des sons. En suivant le développement historique de l'écriture chinoise, on trouve que des cordelettes nouées, des morceaux de bois en échiquier, et autres procédés semblables, furent employés d'abord pour fixer la pensée. A ces signes incertains et vagues furent ensuite substitués des caractères figuratifs, représentant les objets eux-mêmes. Ces caractères, dont l'invention est attribuée à Fou-hi (plus de 3000 ans avant notre ère), formèrent ce qu'on appela l'écriture du dragon, parce que ce fut, selon les mythes chinois, sur le dos d'un dragon-cheval que Fou-hi les aperçut, quand le Ciel les fit apparaître à ses yeux. Quelques siècles après, Thsang-hié, ministre de l'empereur Hoang-ti, développa et perfectionna cette invention rudimentaire : selon une tradition bizarre, il aurait pris pour modèle de ses caractères, non la figure des objets qu'ils devaient représenter, mais les traits irréguliers et confus formés par les pattes de quelques oiseaux sur le sable. Les traditions rapportent que, pendant le règne d'Yao (2353 ans av. J.-C.), un barbare arriva du midi, apportant sur le dos d'une tortue une écriture étrangère; douze siècles plus tard, au temps de Tching-Wang, d'autres hommes arrivèrent encore d'un pays méridional, situé au delà de la mer. Serait-ce un vague souvenir que les Phéniciens, auraient apporté en Chine les éléments de quelques arts nécessaires, comme l'écriture primitive? Quoiqu'il en soit, le nombre des caractères s'accrut peu à peu, et ne s'éleva pas à moins de 100 000; huit variétés d'écritures se formèrent successivement; le bouddhisme introduisit, dit-on, 26.430 caractères nouveaux. C'était un véritable chaos, lorsqu'à la fin du Ier siècle de notre ère, sur l'ordre de l'empereur Hiaoho-ti, le lettré Hiù-chin écrivit son Choué-wen, qui devint la base de la science des caractères, de leur orthographe, et des acceptions primitives. Il choisit 9353 caractères différents, 1163 caractères répétés ou variantes, et en donna l'explication dans un Commentaire qui contient 103.441 mots. Des désordres s'étant introduits encore dans l'usage des caractères, l'empereur Tai-tsoung fit publier; en 986, une édition officielle du Choué-wen. Hiu-chin a rangé tous les caractères en 6 classes : La 1re comprend les caractères figuratifs ou idéographiques, qui sont des images ou des dessins grossiers d'objets matériels. On figure, par exemple, le soleil, la lune, une montagne, une maison, un cheval. Ces caractères, qui se sont altérés par la suite dans la transcription, sont au nombre de 608. La 2e classe est celle des caractères indicatifs, au nombre de 107 : ils expriment certaine qualité ou propriété des objets, le nombre, la position, etc. Ainsi, l'idée de matin est indiquée par l'image du soleil au-dessus d'une ligne horizontale qui représente l'horizon; l'idée de haut, par un point au-dessus d'une ligne, et l'idée de bas par un point au-dessous; l'idée de milieu, par une ligne qui partage verticalement un cercle, etc. Dans la 3° sont renfermés les caractères combinés, c .-à-d. résultant de la juxtaposition de deux ou de plusieurs figures simples, dont la réunion exprime une idée d'une manière plus ou moins ingénieuse : il y en a 740. Ainsi, la figure du soleil unie à celle de la lune exprime l'idée de lumière; une bouche et un oiseau, l'idée de chant; une main, l'idée d'ouvrier; deux femmes, l'idée de procès: un soleil derrière un arbre, l'idée d'orient; un oiseau sur un nid, l'idée d'occident, etc. Les caractères inverses forment la 4e classe, et on en compte 372 : ce sont ceux qui expriment une idée contraire ou antithétique, par exemple, le haut et le bas, la gauche et la droite, etc:, quand on les écrit à l'envers. Les caractères de la 5e classe, au nombre de 598, sont dits empruntés, tropiques ou métaphoriques : ils expriment une idée morale, abstraite, par la figure d'un objet physique. Enfin, ceux de la 6e, qu'on peut appeler idéo-phonétiques, se composent d'une image déjà admise dans l'écriture figurative, et dont on fait un type générique des espèces qui ont entre elles de grandes analogies, et d'un signe qui, perdant dans cette adjonction sa signification habituelle, n'a qu'une valeur phonétique. Ces caractères, de beaucoup les plus nombreux (21.810), désignent à la fois la figure de l'objet et le son de la langue parlée qui l'exprime. Par exemple, le signe qui représente le chien, type générique d'animaux qui ont avec lui quelque ressemblance, s'associe au signe qui se prononce miâo, et le caractère signifie alors chien miâo ou chat. Il n'y avait plus de là qu'un pas à faire pour arriver à l'écriture purement alphabétique, qui n'a jamais été franchi. Les caractères dont nous venons d'indiquer le nombre sont ceux seulement qui se rencontrent dans l'écriture usuelle : car le nombre total des caractères employés dans les Dictionnaires chinois s'élève à plus de 40.000. On est parvenu à les mettre en ordre, en choisissant 214 clefs ou radicaux, à la suite desquels sont disposés tous les mots qui en dérivent. On écrit les caractères chinois en les rangeant perpendiculairement les uns au-dessus des autres, et ces colonnes se suivent de droite à gauche. (B.). | |