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L'histoire de la Mauritanie
La Mauritanie avant 1960.
Dès le VIIIe siècle, la région de la Mauritanie est habitée par des populations berbères, principalement les Sanhadja. Ces tribus nomades pratiquent l'élevage et le commerce transsaharien, reliant l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. L'Empire du Ghana, un puissant État ouest-africain fondé par les Soninkés, s'étendait partiellement sur l'est de l'actuelle Mauritanie. Le Ghana contrôlait le commerce de l'or, du sel et des esclaves, et son influence a laissé une empreinte sur les régions mauritaniennes.

Au XIe siècle, le mouvement almoravide émerge au sein des tribus Sanhadja, principalement chez les Lemtouna, dans la région de l'Adrar. Ce mouvement religieux et militaire prônant un retour à un islam pur et rigoureux s'étend rapidement. Les Almoravides, sous la direction d'Abu Bakr ibn Omar et de son cousin Youssef ibn Tachfin, conquièrent une grande partie du Maghreb et de l'Espagne. En Mauritanie, ils dominent les routes commerciales et fondent des centres urbains tels que Chinguetti, qui deviendra un important foyer d'études coraniques.

 Ã€ partir du XIIe siècle, la région est marquée par l'arrivée des tribus arabes bédouines, principalement les Banu Hassan. Leur migration va entraîner un processus d'arabisation progressif des populations berbères. Les conflits entre les Berbères Sanhadja et les Arabes hassanites sont fréquents, culminant au XVIIe siècle avec la guerre de Char Bouba (1644-1674). Ce conflit de 30 ans marque la domination des tribus arabes sur les berbères Sanhadja, qui seront en grande partie intégrés dans la société arabo-berbère. À cette époque, la société mauritanienne se structure en castes et en tribus. Les groupes guerriers (hassanes) dominent la société, tandis que les marabouts (lettrés et religieux) détiennent l'autorité spirituelle.

Au XVIIe siècle, les régions de l'actuelle Mauritanie se fragmentent en plusieurs émirats, dont les plus importants sont le Trarza, le Brakna et l'Adrar. Ces émirats contrôlent les routes commerciales et maintiennent des relations compliquées avec les royaumes voisins, ainsi qu'avec les puissances européennes, notamment les Français établis à Saint-Louis (Sénégal). Le commerce de la gomme arabique devient un enjeu crucial pour ces émirats. Au XVIIIe siècle, des accords commerciaux sont établis avec les Français, ce qui marque les premiers contacts significatifs avec les Européens. Ces contacts deviennent de plus en plus conflictuels avec l'expansion coloniale française dans la région. Les émirs, en particulier ceux du Trarza et du Brakna, mènent plusieurs révoltes contre les tentatives françaises d'imposer leur contrôle. Cependant, la supériorité militaire des Français finit par dominer ces résistances.

En 1904, la Mauritanie est officiellement intégrée à l'AOF. Elle devient un territoire sous administration française, avec Saint-Louis comme centre de contrôle. Les Français établissent progressivement leur contrôle sur les émirats mauritaniens en signant des accords avec certains chefs locaux, tout en réprimant ceux qui résistent. L'émirat de l'Adrar, dirigé par l'émir Cheikh Sidya, oppose une forte résistance mais est finalement vaincu en 1912. L'administration coloniale impose des réformes, notamment l'introduction de l'impôt et le développement de l'infrastructure coloniale. Cependant, la Mauritanie reste une colonie marginale, avec une économie majoritairement pastorale et peu d'investissement dans le développement.

Après la Seconde Guerre mondiale, un mouvement politique naît en Mauritanie, influencé par les courants de décolonisation à travers l'Afrique. En 1946, la Mauritanie devient un territoire d'outre-mer, avec une représentation limitée à l'Assemblée nationale française. Dans les années 1950, des partis politiques se forment, notamment l'Union des populations de Mauritanie (UPM) et le Parti du regroupement mauritanien (PRM). Moktar Ould Daddah, une figure politique émergente, joue un rôle central dans la transition vers l'indépendance. La Mauritanie accède finalement à l'indépendance le 28 novembre 1960. Moktar Ould Daddah devient le premier président de la République islamique de Mauritanie.

La Mauritanie indépendante.
Après l'indépendance, Ould Daddah instaure un régime à parti unique sous l'Union progressiste mauritanienne (UPM). Il centralise le pouvoir et prône une politique de « mauritanisation » visant à renforcer l'identité arabo-berbère du pays, ce qui crée des tensions avec les communautés noires africaines du sud. La Mauritanie reste économiquement dépendante de l'agriculture, de l'élevage et de l'exploitation minière (fer). Les sécheresses des années 1970 aggravent la pauvreté et intensifient l'exode rural vers les villes.

En 1975, la Mauritanie s'engage dans la guerre du Sahara occidental en annexant la partie sud du territoire en alliance avec le Maroc. Cette guerre devient un fardeau économique et militaire pour le pays. En raison des difficultés économiques, des échecs militaires et du mécontentement populaire, Moktar Ould Daddah est renversé par un coup d'État militaire en juillet 1978, mené par le colonel Mustafa Ould Salek. Ce coup d'État marque la fin de la première République mauritanienne. La Mauritanie entre dans une période d'instabilité politique, marquée par des luttes internes au sein de la junte militaire. Plusieurs changements de dirigeants auront lieu jusqu'en 1980, période qui amorce une nouvelle phase dans l'histoire du pays avec l'arrivée de Mohamed Khouna Ould Haidalla au pouvoir à la suite d'un coup d'État.

Haidalla installe un régime militaire et met en oeuvre une série de réformes, dont l'application de la charia (loi islamique) en 1983. Cette islamisation vise à renforcer l'identité arabo-islamique du pays.  Son régime est marqué par une instabilité politique, des purges internes et une répression de l'opposition. Il fait face à plusieurs tentatives de coups d'État. En décembre 1984, Haidalla est renversé par Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya, son ministre de la Défense, qui prend le pouvoir.

Taya consolide son pouvoir en instaurant un régime autoritaire. Il organise des élections, mais celles-ci sont largement critiquées pour leur manque de transparence. La fin des années 1980 et le début des années 1990 sont marqués par des tensions ethniques entre les Maures (Arabes et Berbères) et les communautés noires africaines (Halpulaar, Soninké et Wolof). En 1989, un conflit frontalier avec le Sénégal conduit à des violences interethniques, provoquant l'expulsion de milliers de Mauritaniens noirs vers le Sénégal et le Mali. Le gouvernement de Taya adopte une politique d'arabisation et procède à des purges ethniques au sein de l'armée. Des milliers de soldats et civils noirs sont déportés, emprisonnés ou tués. En 1991, sous la pression internationale, Taya introduit une nouvelle constitution instaurant un multipartisme. Toutefois, il reste au pouvoir en remportant les élections de 1992, 1997 et 2003, jugées frauduleuses. Durant les années 1990, Taya se rapproche de l'Occident et prend des mesures contre l'islamisme radical. Après les attentats du 11 septembre 2001, il s'aligne sur la politique américaine contre le terrorisme.

En août 2005, Taya est renversé par un coup d'État militaire mené par le colonel Ely Ould Mohamed Vall. Ce coup d'État est bien accueilli par une grande partie de la population. Vall organise une transition vers un régime civil. En 2006, une nouvelle constitution est adoptée, limitant le mandat présidentiel à deux termes de cinq ans. En 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi est élu président lors d'élections démocratiques. C'est la première transition démocratique depuis l'indépendance. Mais en août 2008, le président Abdallahi est renversé par un nouveau coup d'État mené par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, alors chef de la garde présidentielle. En 2009, Aziz remporte les élections présidentielles, officiellement avec 52% des voix. Il est réélu en 2014 dans des conditions contestées.

Depuis 2005, le pays doit également faire face à une menace terroriste croissante de la part d' al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), mouvement islamiste devenu très actif et responsable d'attaques contre les soldats et gendarmes mauritaniens et de plusieurs enlèvements et assassinats d'étrangers. Bien que la Mauritanie n'ait pas connu d'attaque depuis 2011, AQMI et des groupes similaires restent actifs dans la région du Sahel, et, sous Aziz, la Mauritanie se distingue par son engagement contre le terrorisme dans le Sahel, notamment contre les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Il renforce les capacités militaires du pays et collabore avec les puissances occidentales. Son régime met en avant des projets de développement dans les infrastructures, mais est critiqué pour la corruption, l'autoritarisme et les atteintes aux droits humains. Bien que l'esclavage soit officiellement aboli depuis 1981, il persiste sous des formes coutumières. En 2015, la Mauritanie criminalise l'esclavage comme un crime contre l'humanité, mais sa pratique reste un problème récurrent.

En 2019, Mohamed Ould Ghazouani, un proche allié d'Aziz, remporte les élections présidentielles, après avoir recueilli 52% des suffrages. C'est la première transition pacifique du pouvoir entre deux présidents élus en Mauritanie. Ghazouani hérite d'un pays confronté à des défis économiques, des inégalités sociales et des tensions ethniques. Il adopte un ton plus conciliant et entreprend des réformes pour apaiser les tensions sociales, notamment en ouvrant le dialogue avec l'opposition et en renforçant la lutte contre l'esclavage. Peu après son départ, l'ancien président Aziz tente de revenir sur la scène politique, mais est accusé de corruption et placé en résidence surveillée. En 2021, il est inculpé pour des faits de détournement de fonds publics.

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