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Ruth Benedict

Ruth Benedict est une anthropologue née  le 5 juin 1887 à New York, et est morte le 17 septembre 1948 dans cette même ville. Son oeuvre, profonde et humaniste, a introduit des concepts novateurs et a contribué à promouvoir l'idée de la relativité culturelle, selon laquelle chaque culture doit être comprise selon ses propres termes. 

La mère de Ruth Benedict, Beatrice Shattuck Fulton, était enseignante, son père, Frederick Fulton, était chirurgien. Mais celui-cimeurt en 1889, peu après la naissance de sa soeur, ce qui plonge la famille dans des difficultés financières. En 1890, elle  déménage à Norwich  (Etat de New York), pour vivre chez les grands-parents maternels. Ruth développe un goût pour la lecture et l'écriture dès son plus jeune âge, influencée par sa mère. De 1899 à 1905, elle fréquente la Norwich High School, où elle excelle. Pendant cette période, elle découvre sa passion pour la littérature et la poésie, ce qui l'amène à écrire des poèmes sous le pseudonyme d'Anne Singleton.

En 1905, elle entre au Vassar College, un collège pour femmes de New York, où elle se spécialise en anglais et en littérature. Elle continue à écrire de la poésie et s'implique dans diverses activités littéraires. Après avoir obtenu son diplôme en 1909, elle passe une année à l'étranger, voyageant en Europe avec une amie. Ce voyage élargit ses horizons et suscite son intérêt pour les cultures et les sociétés étrangères. En 1911, elle se marie avec Stanley Benedict, un biochimiste. Le couple s'installe à Bedford Hills, près de New York. Ruth commence à enseigner dans une école privée et à publier des articles et des poèmes.

De 1914 à 1917, Ruth Benedict entreprend des études supérieures à la New School for Social Research à New York, où elle s'intéresse à la psychologie et à la sociologie. C'est pendant cette période qu'elle découvre l'anthropologie et commence à suivre des cours avec Elsie Clews Parsons, une anthropologue réputée. En 1917, elle décide de poursuivre une carrière en anthropologie. Elle s'inscrit à l'université Columbia pour étudier sous la direction de Franz Boas, l'un des fondateurs de l'anthropologie moderne. Sa rencontre avec Boas et sa collaboration avec Margaret Mead, une autre étudiante de Boas, marquent le début de sa carrière en anthropologie.

Benedict obtient son doctorat en 1923 avec une thèse sur les religions des peuples autochtones nord-américains. Elle commence à enseigner à Columbia en tant qu'assistante de recherche et, plus tard, en tant que professeure adjointe. Pendant cette période, elle établit des liens professionnels et personnels plus étroits avec Margaret Mead.

Benedict publie Tales of the Cochiti Indians, en 1931, qui une compilation de mythes et de contes recueillis auprès des Cochiti, un groupe pueblo du Nouveau-Mexique. Suit, trois ans plus tard,  son ouvrage le plus célèbre : Patterns of Culture. Dans ce livre, elle propose que chaque culture possède un modèle unique qui façonne la personnalité de ses membres. 

• Patterns of Culture (1934) analyse la manière dont lest différentes cultures façonnent les personnalités individuelles et les comportements sociaux. Ruth Benedict soutient que chaque culture développe un ensemble cohérent de traits culturels, ou « modèle » (pattern), qui influence la manière dont ses membres pensent, agissent et perçoivent le monde. Elle utilise des études de cas pour illustrer comment ces modèles culturels façonnent les sociétés. Elle examine ainsi trois sociétés distinctes :
+ Les Zuñi (une tribu pueblo du sud-ouest des États-Unis). -  L'anthropologue décrit les Zuñi comme une culture qu'elle nomme « apollinienne », caractérisée par une harmonie sociale, une modération et un respect des normes communautaires. Les Zuñi valorisent la coopération, la stabilité et le consensus. Les comportements extrêmes sont découragés et les rites religieux sont centrés sur la communauté.

+ Les Kwakiutl (une tribu amérindienne de la côte nord-ouest du Pacifique). - Benedict les qualifie de culture « dionysiaque », où les comportements extrêmes et compétitifs sont valorisés.  Les Kwakiutl ont des rituels intenses et compétitifs comme le potlatch, où la générosité ostentatoire et la destruction de biens sont des moyens de gagner du prestige social.

+ Les Dobuans (un peuple mélanésien de la Papouasie-Nouvelle-Guinée). - Leur culture est décrite comme paranoïaque et méfiante, avec une forte croyance en la magie et la sorcellerie. Les Dobuans vivent dans une société marquée par la suspicion, l'agressivité et des relations interpersonnelles tendues.

Benedict souligne ensuite que chaque culture doit être comprise dans ses propres termes et que les jugements ethnocentriques doivent être évités. Ce principe de relativité culturelle était révolutionnaire à l'époque. De plus, explique-t-elle, les traits culturels sont intégrés dans un tout cohérent. Un changement dans un aspect de la culture entraîne souvent des changements dans d'autres aspects pour maintenir la cohérence. Benedict reconnaît aussi que toutes les sociétés ont des individus qui ne se conforment pas aux normes culturelles. Ces « indépendants » peuvent jouer des rôles importants dans la dynamique culturelle, en introduisant de nouvelles idées ou en provoquant des changements sociaux.

Patterns of Culture a eu un impact énorme sur l'anthropologie et les sciences sociales en général. Le livre a popularisé l'idée que les comportements humains ne peuvent être pleinement compris sans tenir compte du contexte culturel. L'ouvrage a contribué à promouvoir l'idée de la relativité culturelle, une notion fondamentale en anthropologie qui préconise l'étude des cultures sans préjugés ethnocentriques. Benedict a démontré l'importance de la cohérence culturelle et de l'intégration des traits culturels, influençant les futurs travaux en anthropologie et en sociologie. Certains critiques ont noté que les descriptions de Benedict peuvent parfois simplifier ou exagérer les traits culturels pour illustrer ses points, risquant de négliger la diversité et la complexité au sein des cultures. D'autres ont contesté l'usage des termes « apollinien » et « dionysiaque », empruntés à Nietzsche, estimant qu'ils peuvent être réducteurs et ne pas refléter pleinement la variété des comportements humains. Aujourd'hui, malgré ses insuffisances, l'ouvrage reste considéré comme un classique de l'anthropologie, et les idées de Ruth Benedict ont également été appliquées dans des domaines comme la psychologie, la sociologie, et les études interculturelles, témoignant de la portée et de la pertinence de son travail.

Entre 1935-1936, Benedict mène des recherches sur le terrain auprès des Serrano de Californie et des Blackfoot du Montana. Elle continue d'interroger les thèmes de la diversité de la relativité culturelles. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle travaille pour le Bureau de l'information sur la guerre (Office of War Information) et le Bureau des services stratégiques (OSS). Elle mène des études anthropologiques sur les cultures ennemies pour aider à la formulation des politiques de guerre américaines. Son travail sur le Japon pendant cette période est particulièrement notable. Il débouchera en 1946 sur la publication de The Chrysanthemum and the Sword: Patterns of Japanese Culture (Le chrysanthème et le sabre : modèles de la culture japonaise), une analyse de la culture japonaise et un autre classique de l'anthropologie.
• The Chrysanthemum and the Sword: Patterns of Japanese Culture (1946) a été commandé par le gouvernement américain pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce livre vise à comprendre la culture japonaise pour éclairer et faciliter les relations entre les deux pays pendant et après la guerre. Benedict n'a pas la possibilité de mener des recherches de terrain au Japon en raison du contexte de guerre. Elle se base donc sur des sources secondaires, notamment des documents historiques, des littératures japonaises, des films, et des interviews de Japonais expatriés. Utilisant une approche anthropologique, elle applique les principes de la relativité culturelle pour interpréter les comportements et les valeurs japonais sans les juger selon les normes occidentales et dégage plusiueur concepts clés :
+ Honte vs. culpabilité. - L'anthropologue différencie les sociétés fondées sur la honte (comme le Japon) et celles fondées sur la culpabilité (comme les États-Unis). Dans une société de honte, le comportement est régulé par la perception sociale et la peur du déshonneur. Dans une société de culpabilité, le comportement est régulé par une conscience interne et la peur du péché.
+ Giri et Ninjo. - Le giri (= obligation sociale) et le ninjo (= sentiments humains) sont deux forces contradictoires dans la culture japonaise. Le giri représente les obligations envers la société et les autres, souvent en conflit avec les désirs personnels représentés par le ninjo.

+ Rang et hiérarchie. - Benedict examine l'importance de la hiérarchie et du respect des rangs dans la société japonaise. Elle analyse la manière dont ces valeurs structurent les relations sociales, le travail, et la vie quotidienne.

Le titre du livre symbolise la dualité de la culture japonaise : le chrysanthème représente la beauté, la douceur et l'art, tandis que le sabre représente la discipline, le devoir et la guerre. Cette dualité est, selon Ruth Benedict, au coeur de l'identité culturelle japonaise. Elle montre ensuite comment  s'articulent quatre types d'obligations : le gimu (devoirs inconditionnels), le giri envers le nom (préserver la réputation de la famille), le giri envers les autres (obligations sociales), et le ninjo (sentiments personnels). Elle analyse la pratique du seppuku (suicide rituel) comme une démonstration extrême de la valeur de la honte et de l'honneur dans la culture japonaise. Dans le but de fournir des explications sur les motivations derrière les actions militaires du Japon,  Benedict s'intéresse aussi aux racines culturelles du militarisme japonais et de la loyauté envers l'empereur. Elle  note par ailleurs que malgré leur apparente rigidité, les Japonais montrent une grande adaptabilité et une capacité à changer rapidement leurs comportements pour s'adapter aux nouvelles circonstances.

Le livre a été bien accueilli à sa publication et est devenu une lecture incontournable pour ceux qui s'intéressent à la culture japonaise et aux relations internationales. Il a aidé à sensibiliser le public américain à la complexité de la culture japonaise. Certains critiques ont cependant reproché à Benedict de s'appuyer trop sur des sources secondaires et de ne pas avoir effectué de recherches de terrain. D'autres ont souligné que certaines généralisations peuvent simplifier à l'excès les nuances culturelles.

 Ruth Benedict  élue en 1947 présidente de l'American Anthropological Association. Elle est décédée subitement l'année suivante d'une crise cardiaque, à l'âge de 61 ans.
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