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Arcésilas

Arcésilas, Arcesilaus, est un philosophe grec né à Pitane en Eolie, en 318 ou 316 av. J.-C., mort en 241 ou 239, à l'âge de soixante-dix-sept ans. Déjà versé dans l'étude de la poésie. de l'éloquence et des mathématiques, ce philosophe entendit, à Athènes, Théophraste, et ensuite Polémon. Il eut pour condisciples, sous ce dernier, Crantor et Zénon, dont l'esprit systématique et absolu le porta à la contradiction. Ensuite il prit, comme chef de l'Académie, la place de Sosicrate. 

Arcésilas a laissé la réputation d'un homme d'une science très étendue, d'une grande habileté en dialectique, et d'une vertu sans reproche. — Arcésilas introduisit à l'Académie une méthode d'enseignement toute nouvelle. Tandis que ses prédécesseurs immédiats avaient abandonné la méthode de Socrate, qui consistait à exciter et à interroger ceux avec qui il discourait pour répondre à leurs opinions, et avaient enseigné ex professa, Arcésilas, si l'on en croit Cicéron (De fin. II, 1), voulut que ceux qui venaient l'entendre ne lui demandassent pas ce qu'il pensait lui-même, mais exprimassent eux-mêmes leurs opinions. Quand ils avaient parlé, Arcésilas répondait. 

« Mais, continue Cicéron, ceux qui écoutaient défendaient leur opinion tant qu'ils pouvaient. » 
Il est clair que la discussion devait bien vite dégénérer en arguties. Aussi  a-t-on pu caractériser ainsi les différences qui séparent Arcésilas de Socrate :
« Sceptique et irrésolu seulement en apparence, Socrate, à travers tous les détours de ses interrogations plus ou moins captieuses et ironiques, ne perdait jamais de vue le but moral qu'il poursuivait. Il avait des points de repère, des idées arrêtées qui donnaient à ses discours un sérieux et une élévation que ne connurent pas ses disciples dégénérés. En outre, Socrate se proposait moins de briller que d'instruire, et il est permis de penser que, sur tant de sujets nouveaux ou anciens, imprévus ou attendus, Arcésilas cherchait surtout l'occasion d'étaler les grâces de son esprit et de faire valoir les ressources de sa dialectique. » (V. Brochard, Mémoire sur le scepticisme).
Cette dialectique à outrance pousse Arcésilas à exagérer la maxime profonde de Socrate : Ce que je sais, c'est que je ne sais rien. Mais cela même, Socrate le sait et cette science de son ignorance est la première assise du véritable savoir. Arcésilas dit au contraire : 
« Cela même, je l'ignore. »
Il qualifie toute opinion d'akataleptos, incompréhensible; de là vient qu'on a quelquefois appelé son école celle des acataleptiques. — En quoi ces opinions diffèrent-elles du scepticisme proprement dit? C'est ce qu'il est difficile de montrer. Sextus Empiricus distingue soigneusement les adversaires du dogmatisme en acataleptiques et sceptiques; Saisset, dans son remarquable travail sur Enésidème, déclarait qu'il ne pouvait voir aucune différence entre les deux écoles. Plus tard, dans un concours de l'Académie des sciences morales sur le Scepticisme dans l'Antiquité grecque (1884), les quatre concurrents se sont divisés, les uns admettant, les autres rejetant la distinction de Sextus, et le rapporteur, Ravaisson, croyait pouvoir conclure ainsi : 
« Si c'est une erreur de trop distinguer, comme les Pyrrhoniens voulaient le faire, entre les académiciens et les sceptiques [...], c'en est une aussi de les trop rapprocher [...]. La vérité parait être qu'ils se ressemblaient dans la partie négative de leurs enseignements; mais qu'ils différaient en ce que les uns cachaient peut-être sous leurs négations une doctrine positive, tandis que les seconds s'en tenaient à ces négations » (Rapport sur le prix V. Cousin, 1883).
Arcesilas s'attacha surtout à combattre le fondateur de l'école stoïcienne, son ancien condisciple Zénon. Le principe fondamental de toute la philosophie du Portique c'est que le sage doit faire preuve d'une inébranlable constance, et pour cela ne plus s'attacher l'opinion, mais posséder une certitude complète. Arcésilas s'efforce de montrer que le sage ne doit, au contraire, adhérer à aucune proposition. 

« En effet, disait-il, si le sage adhère à une proposition quelconque, il s'attache à
l'opinion; mais il ne doit pas opiner, donc il ne doit pas consentir. » (Cicéron, Acad., I, 13 et Diogène Laerce, IV, 32), qu'il nommait kataleptikai, compréhensives, et qu'il définissait ainsi, d'après Sextus Empiricus (Adv. Math., et Hyp. Pyrrh., II, 7) : 
La majeure sous-entendue de ce raisonnement est qu'aucune proposition n'est certaine. Zénon prétendait, au contraire, que certaines représentations, phantasiai, se présentaient avec le caractère d'une invincible certitude, C'étaient celles 

« Une certaine empreinte sur la partie principale de l'âme, laquelle est figurée et gravée par un objet réel et formée sur le modèle de cet objet. » 
Arcésilas ne manqua pas de demander à Zénon comment il pourrait s'y prendre pour distinguer l'empreinte formée dans l'âme par un objet imaginaire de celle que formerait un objet réel, Zénon se vit alors obligé d'ajouter à sa définition que cette représentation devait être telle qu'elle ne pût avoir d'autre cause que la réalité. Arcésilas accepta avec empressement cette concession, Rectè consentit Arcesilas, dit Cicéron (Acad., II, 25). Il est clair, en effet, que pour savoir qu'une représentation donnée n'est pas causée par un objet imaginaire et qu'elle ne peut être produite que par un objet réel, il faut une marque ou critérium qui permette de distinguer la représentation imaginaire de la représentation vraie. Mais de quelle nature sera ce critérium? Ce sera sans doute une représentation vraie. Mais comment saura-t-on que c'est une représentation vraie? On ne peut le savoir que par l'application du critérium, c.-à-d. par l'application de la proposition à elle-même. Le critérium est obligé de se juger lui-même. Il est donc impossible sans cercle vicieux d'admettre un critérium véritable de la représentation vraie. 

Ainsi le sage ne doit se prononcer sur aucune opinion théorique, il doit se contenter de les réfuter toutes les unes après les autres et d'en montrer la faiblesse. Mais la pratique n'admet pas le doute. Vivre s'impose à nous et nos actions semblent supposer résolues certaines questions théoriques. Ne pouvant alors posséder le vrai, nous nous déciderons d'après la vraisemblance et, comme dira plus tard Descartes, nous nous déciderons d'après les opinions les plus probables.

On voit comment Arcésilas, si sa doctrine se distingue par certains points de celle des sceptiques, fraya cependant les voies à Pyrrhon. Aussi un de ses contemporains écrit-il de lui : 

« Arcésilas nous présente Platon par devant, Diodore au milieu, Pyrrhon par derrière? » (Diog. Laer., IV, 33 et 67).
Le point sur lequel la philosophie lui est le plus redevable est la démonstration définitive qu'il a donnée du cercle vicieux inhérent à la recherche d'un critérium quand on croit que toutes les vérités doivent lui être soumises, et par conséquent de la nécessité où se trouve tout dogmatisme d'admettre certains principes sans démonstration logique. C'est d'ailleurs ce qu'Aristote avait ainsi parfaitement établi, lui qui disait : 
« Ce qu'il y a de mieux connu dans les démonstrations, ce sont les principes. »  (An. post., II, 15).
(G. Fonsegrive).
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