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Pierre d'Abano
est un médecin et philosophe, né en 1250 à Abano,
près de Padoue, mort en 1316 à
Padoue. Ce médecin appartient autant à la légende
qu'à l'histoire. Sa biographie, écrite sans autres documents
que les détails sommaires renfermés dans le Conciliator,
présente des lacunes qu'il est impossible de combler.
Son père, appelé Constanzo,
était notaire dans la localité; tout fait supposer qu'il
reçut une instruction soignée, mais les notions qu'on pouvait
acquérir dans les écoles de l'Italie
au XIIIe siècle ne le satisfirent
pas; comme Arnauld de Villeneuve, son contemporain,
il voyagea de bonne heure ; au lieu de se diriger vers l'Espagne
musulmane, il fut en Grèce d'abord.
Le père Niceron croit qu'il passa plusieurs années à
Constantinople, Papadopoli suppose
qu'il resta dans un comptoir vénitien
sur les côtes de la Morée ou de Négrepont.
Pierre apprit à fond la langue
grecque à peu près inconnue dans l'Europe
occidentale, puis vint à Paris. C'est
là qu'il étudia la médecine, la philosophie, et réunit
les matériaux de ses livres; il voyagea en Angleterre,
en Ecosse; enfin il acquit une telle réputation
de science et surtout d'habileté que la ville de Padoue lui offrit
une rétribution annuelle de 4000 livres s'il voulait venir enseigner
la médecine dans ses écoles;
cette proposition fut acceptée en 1303.
Pierre eut autant de succès comme
professeur que comme praticien. Il savait comme les Arabes
interroger le ciel; il avait fait peindre sur la voûte de son amphithéâtre
200 figures astrologiques. Cette innovation fit merveille : lorsque plus
tard l'Inquisition eut condamné P.
d'Abano, on les conserva. Après l'incendie de l'établissement,
en 1420, le peintre Giusto les refit de mémoire.
Le public partagea l'enthousiasme des écoliers
: Pierre d'Abano était le médecin le plus estimé de
Padoue; il demanda, dit-on, 400 écus d'or par jour au pape Honorius
IV qui l'avait appelé. Sa situation fit des envieux : de mauvais
bruits coururent sur son compte. Abano avait d'ailleurs la langue prompte
et l'imagination hardie, puis l'étude d'Averroès
avait laissé dans son esprit un scepticisme
peu chrétien; il souriait quand on parlait de Satan,
haussait les épaules au récit des miracles des saints; un
jour même il avait osé dire que si Lazare
s'était levé si vite au commandement du Christ,
c'est qu'il n'était sûrement pas mort quand on l'avait mis
au tombeau.
On étaya là-dessus une accusation
terrible : dès l'année 1306 un rival jaloux, le médecin
Pierre de Reggio, le dénonça à l'Inquisition comme
coupable de magie, d'hérésie
et d'athéisme; il suffisait d'apporter
une preuve à peu près vraisemblable pour l'envoyer au bûcher.
L'amitié de trois de ses clients le sauva pour cette fois; les poursuites
furent reprises en 1315.
Pierre mourut en prison; l'affaire n'en
suivit pas moins son cours : on eut beau protester contre les témoignages;
produire en audience publique le testament dans lequel il déclarait
son attachement à la foi catholique, faisait des legs généreux
à ses amis, à la ville, à l'église, le tribunal
passa outre et le défunt fut condamné. Sa domestique Marietta
ne voulut pas que son cadavre subit l'ignominie du bûcher : elle
l'enleva de sa sépulture provisoire, et, lorsque les colères
et les rancunes furent calmées, elle le fit ensevelir dans l'église
Saint-Pierre de Padoue.
Si nous ne tenions pas compte du moment
où fut écrit le livre de Pierre d'Abano, nous nous expliquerions
mal l'enthousiasme qu'il a excité : il renferme des légendes
extravagantes; on n'y trouve presque jamais une réflexion pratique.
L'auteur a voulu concilier la philosophie et la médecine, et, comme
les autres scolastiques, il s'entend parfaitement
à multiplier les divisions, à tout confondre. L'air est-il
chaud ou froid par nature? Vaut-il mieux avoir la tête grosse que
petite? Les indications thérapeutiques sont basées sur la
physiologie sidérale; c'est la Lune qui règle les crises
: si vous voulez les provoquer, saignez dans le second quartier; il faut
faire les instruments de chirurgie en fer parce que le fer est le métal
de Mars.
Le traité des poisons est rédigé
d'après un plan différent. L'auteur, au lieu de discuter,
se borne à résumer les notions admises, à donner des
conseils sur la manière de reconnaître les empoisonnements,
à indiquer les contrepoisons. Son travail ressemble aux antidotaires
si nombreux de cette époque. Pour reconnaître si une morsure
a été faite par un chien enragé, par exemple, il emploie
un procédé bizarre: faites tremper un morceau de mie de pain
dans le sang de la plaie et présentez-le à un autre chien;
s'il refuse d'y toucher c'est que l'animal qui a mordu était enragé.
Les oeuvres de Pierre d'Abano ont eu de
nombreuses éditions; une des meilleures est celle de Venise,
(Conciliator controversiarum quae inter philosophos et medicos versantur;
Venise, 1565, in-fol., suivi de : De Remediis venenorum). (Dr
L. Thomas). |
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